Dans ce post, nous nous concentrerons sur Œuvre et œuvre ; le suivant sera sur Parole et langage.

La parole et l’action, donc les œuvres, sont étroitement liées. Selon Hannah Arendt (dans « condition de l’homme moderne »), c’est par le verbe et l’acte que nous nous insérons dans le monde humain. L’action et la parole ont lieu entre humains, elles révélent l’individu qui agit et parle et l’acte ne prend sens que par la parole avec laquelle l’individu s’identifie comme acteur, annonce ce qu’il fait.

Dans le Message dicté par Jésus en 1974, l’expression Ma Parole et Mes Œuvres figure à deux reprises. Dès la première veillée, Dieu récuse l’erreur du monde mental du témoin qu’Il a choisi, le prêtre Michel Potay : « sûr de paroles savamment établies sur les siècles par les prêtres, croyant donner Ma Parole, inclinant ton cœur non à l’obéissance à Ma Parole et à Mes Œuvres, mais à celle de ton engeance princière qui s’est emparée de Mes Assemblées sur tout la terre. Car il est facile de parler en Mon Nom loin de Moi. » (1/7)
Le Message distingue clairement la Part de Dieu, Parole et Œuvres, de celle de l’homme dont la pensée, la parole et les œuvres, sont marquées par le temps : « Ecoute homme Michel ! Je suis hors du temps, mais toi qui es dans le temps, tu sais combien de soleils se sont levés depuis Ma Parole et Mes Œuvres » (12/6).

Parole est un mot clef présent tout au long des Messages de 1974 et de 1977, mais les mots œuvre et travail ou labeur ne se trouvent que dans la première partie qui nous met en garde en 32/6 : « Il est vain de discourir sur Mes Œuvres, impie d’entendre les docteurs qui bavardent ». Parmi les Œuvres du Père figure la Création dont le Coran parle beaucoup et la Résurrection de Jésus, mais nous nous concentrerons ici sur les œuvres humaines.
Dieu récuse les « œuvres fausses » (28/10) des princes du culte qui détournent la piété de Mon Peuple, les « œuvres mauvaises » (33/31) de ceux qui veulent « dominer sur la terre à Ma Place ». Mais le mot œuvre a aussi le sens positif dans la parabole sur la construction du vaisseau de la veillée 17 où l’homme, « charpentier à l’écoute du Maître, acquiert adresse et goût, fournit l’effort pour achever son œuvre ».

Hannah Arendt développe une analyse approfondie de ce qu’elle nomme la vita activa, complémentaire à la vita contemplativa. Elle distingue trois étapes dans la vie active : le travail, l’œuvre et l’action. Elle souligne la dérive historique de la doctrine ecclésiastique qui a placé la vie contemplative au sommet en négligeant l’équilibre entre contemplation et action dans la vie des hommes, elle montre aussi la confusion entre travail et œuvre qui a obscurci la pensée de Marx.
Pour Hannah Arendt, le travail de nos corps est pris dans le mouvement cyclique du processus vital, il n’a ni commencement ni fin et s’inscrit dans la répétition. En contraste, l’œuvre de nos mains a un commencement précis et un fin prévisible, elle fabrique des objets qui stabilisent la vie humaine. Enfin l’action peut avoir un commencement défini mais n’a pas de fin prévisible et l’homme d’action est toujours dépendant de ses semblables. Le rapport au temps et le contexte social moderne sont déterminants dans son analyse qui met en exergue le travail et l’œuvre qui précèdent l’action.
Elle dit aussi : « Le devoir des mortels et leur grandeur possible résident dans leur capacité de produire des choses -œuvres, exploits et paroles- qui méritent d’appartenir à la durée sans fin. Aptes aux actions immortelles, capables de laisser des traces impérissables, les hommes, en dépit de leur mortalité individuelle, se haussent à une immortalité qui leur est propre et prouvent qu’ils sont de nature divine… L’homo faber se conduit ainsi en seigneur et maître de la terre, sa productivité étant conçue à l’image d’un Dieu créateur ».
Elle parle de la joie de vivre, celle du travail qui ne se trouvera jamais dans l’œuvre où un soulagement bref suit l’accomplissement et accompagne la réussite. La réification du modèle, aboutissement de l’œuvre, peut devenir une source de confiance en soi pendant toute une vie, très différente du plaisir fugace mais intense du travail procuré par tout mouvement rythmique du corps.

Pour revenir aux Messages révélés, la Parole nous dit en 35/4 : « En toute occasion tu garderas ton sens et ta mesure, tu prendras le temps de te décider car Moi seul suis hors du temps, Ma Force seule se débande sans attendre ». La Parole du Créateur produit immédiatement une œuvre. Dans la Genèse : Dieu dit : « Que la lumière soit ! » et la lumière fut.
Pour l’homme l’effort et le temps sont nécessaires pour passer de la pensée à la parole et la traduire en travail, puis en œuvres. En 16/8, la Parole nous dit : «_ Le travail est bon à l’ouvrier et il en reçoit son salaire_ », Elle évoque en 37/8 « les moissonneurs qui travailleront avec toi au champ » et « les abeilles qui travaillent pour tous ». Le Créateur et les créatures vivent en synergie.
La vie contemplative, la piété humaine, est indissociable de sa vie active, car Dieu définit ainsi la piété : « Prononcer ma Parole pour l’accomplir voilà la vraie piété » (35/6).

Ainsi, à la Lumière de l’Evangile dicté en 1974, les brillantes intuitions d’Hannah Arendt passent à un autre niveau : l’œuvre sacrée qu’est la construction de l’âme. La parabole du vaisseau de la veillée 17 nous avertit : « Si le charpentier est indocile au Maître, paresseux, dissipé, plus soucieux de lui-même que de son œuvre, le Feu du Ciel brûlera sa voile. »
L’homme a besoin de temps et de travail pour achever son œuvre la plus noble, le chef d’œuvre par excellence de la vie sur terre, accessible à tout homme, celui qui ouvre les portes de l’éternité : une âme forte.
« Alors le Roi lui gardera son âme pour voile pour qu’il rejoigne la Flotte Céleste, laissant ses os blanchis en attente sur le rivage. » (17/4)