La Parole de 1974 rend un puissant hommage à Elie dans la veillée 2, après avoir évoqué trois grands prophètes qui ont guidés leurs peuples respectifs, Abraham, Moïse et Muhammad et avant de rendre hommage à Jésus.

Voici ce qu’Elle dit en 2/10-12 :
« …Je suis Celui Qui a parlé par Elie, le premier échappé au vœu d’Adam, son père, de M’attendre en terre, renonçant à l’héritage de la terre, renoncer à M’en payer tribut, échappant à la fosse, et qui à être le premier par la splendeur du tombeau qui lui aurait érigé son peuple préféra devenir le dernier dans Mon Lieu, un ver infime réchauffé à jamais par l’éclat de Ma Gloire, une poussière portée par Mes Anges dans Mon Séjour que ne limite aucune étoile, qui n’a ni levant ni couchant, donc la blancheur fait paraître les soleils plus pâles que des lunes. Je suis Celui qui a parlé par Jésus, Mon second Fils (voir dans le verset 1 : Adam, Mon premier fils) ; celui qui, après Elie déjà glorifié, a renoncé au vœu d’Adam de dominer la terre et les nations pour le prix d’un tombeau glacé où M’attendre et qui fut plus glorifié encore… ».

En contraste avec cet hommage, le messager Elie dans la Bible n’a pas de livre qui lui soit dédié, contrairement au prophète Isaïe qui fera l’objet du prochain post, et le Coran l’évoque à peine, par deux fois (6/84 et 37/123), sans récit qui nous renseigne sur ses actions contrairement à Abraham et Moïse. Nous allons donc nous appuyer sur le récit biblique pour comprendre le ministère d’Elie.

1 Elie dans la Bible, un descendant d’Ismaël ?

Elie apparait sur la scène biblique à un moment sombre de l’histoire mouvementée des descendants de Jacob. Les rois réclamés à grand cris par ce peuple ont commis toutes les exactions annoncées par le prophète Samuel qui les avait mis en garde, et ce peuple est balloté entre les ambitions et rivalités personnelles de ses rois et des rois voisins. Le royaume s’est divisé après la mort de Salomon entre celui de Judas avec Jérusalem et celui de Samarie, menacé par celui de Damas. Le royaume du Nord disparaitra avec l’invasion des assyriens et la déportation de toute la population en 721, celui de Juda avec la conquête par les perses en 587. Quant aux prêtres officiels à Samarie, ce sont ceux des cultes de Baal et Astarté, cajolés par la terrible épouse du roi Achab, Jézabel, qui persécute sans répit tous les serviteurs de YHWH.

Le ministère d’Elie se situe donc entre le prophète Samuel (vers – 1030-1010) et le prophète Isaïe (vers – 740-700). Samuel a oint les rois Saül et David et Elie oindra Hazaël comme roi de Damas et Jéhu comme roi d’Israël. Ses dates sont incertaines, on ne sait rien de sa lignée ni de son âge, et des mélanges comme l’onction de Jéhu ont été faits entre les actes d’Elie et ceux d’Elisée son successeur.

Selon le Premier Livre des Rois, Élie était un habitant du pays de Galaad, une zone au-delà du Jourdain attribuée à leur demande aux tribus de Gad et Ruben et aux fils de Manassé qui conquirent le nord du pays contre les Amoréens qu’ils expulsèrent de cette région. La Bible ne mentionne pas la généalogie d’Elie comme elle le fait pour tous les descendants de Jacob, il est probable qu’Elie était un descendant d’Ismaël, d’autant plus qu’il a été ravitaillé par des « arabes » quand il s’était réfugié à Kerith. Notons que les bibles traditionnelles parlent étrangement de « corbeaux » mandatés par YHWH pour nourrir Elie, mais à juste titre, la traduction catholique des éditions Bayard choisit une autre vocalisation du mot hébreu, « arabes » au lieu de « corbeaux ».

On ne connait pas les circonstances dans desquelles Elie a été appelé comme messager pour le peuple d’Israël, mais il apparait soudainement en 1 Roi 17 pour annoncer au roi Achab (qui a régné entre 875 et 853 avant JC) que la sécheresse va sévir plusieurs années dans son royaume et ne cessera qu’à la prière d’Elie comme « serviteur de YHWH ».
Excité contre Elie par son épouse Jézabel, fille d’un roi de Sidon et ardente dévote de Baal, le roi Achab va le rechercher partout.

YHWH dit à Elie de se réfugier près du torrent de Kerith, puis quand il s’assèche, de se réfugier à Sarepta dans la région de Sidon où une veuve va le recueillir et le nourrir avec un pot de farine et une cruche d’huile qui se remplissent sans cesse par miracle. Alors que le fils de la veuve tombe malade et meurt, Elie, à la demande de sa mère, va le ressusciter en priant YHWH et celle-ci s’écriera : « Je reconnais maintenant que tu es un homme de Dieu et que la Parole de YWHW dans ta bouche est vérité ».

Puis la troisième année, la Parole de YHWH vient à Elie : « Va te montrer à Achab et Je donnerai la pluie à la surface de la terre ». Elie connait le risque qu’il prend, Jézabel a cherché à exterminer tous les prophètes de YWHW pour faire place nette aux 450 prophètes de Baal et aux 400 prophètes d’Ashera qui mangeaient à sa table, mais il va s’opposer à elle sans concession en ordonnant à Achab de convoquer sur le Mont Carmel autour de lui tout le peuple d’Israël et les prophètes de Baal et d’Ashera afin de trancher entre YHWH, dont il est resté le seul prophète, et Baal. Deux taurillons vont être sacrifiés, l’un pour que les 450 prêtres de Baal l’invoquent pour embraser l’autel et l’autre pour qu’Elie invoque YHWH. Le peuple approuve mais ne prend pas parti. Malgré les cris des suppôts de Baal qui se tailladent et entrent en transe, rien ne se passe. Elie se moque d’eux, puis il fait inonder d’eau l’autel qu’il a préparé, il invoque YHWH et le feu descendu du ciel consume tout. Le peuple s’écrie : « C’est YHWH qui est Dieu » et Elie ordonne de capturer tous les prophètes de Baal.

Ensuite, le livre des Rois déclare qu’Elie les a fait descendre au torrent de Qishon et les a tous égorgés lui-même (?), ce qui parait très invraisemblable. Il faut rapprocher ce passage de celui où Jéhu (qu’Elie va oindre comme roi d’Israël) fait le ménage une fois monté sur le trône en convoquant à la maison de Baal tous ses prêtres après avoir placé 80 hommes armés pour les exterminer puis détruire leur temple. Tout laisse à penser que c’est Jéhu (roi de -841 à -814) qui a ordonné ce massacre bien après la mort d’Achab en 853 et que des rédacteurs de la Bible l’ont attribué rétrospectivement à Elie.

La dernière intervention d’Elie est à la demande de l’ange de YHWH qui l’envoie vers les messagers du roi Achazia, le fils d’Achab, pour le réprimander d’avoir consulté Baal et lui annoncer sa mort prochaine. Le roi envoie chercher Elie par deux troupes de 50 hommes auxquelles Elie répond : « Si je suis un homme de Dieu, que le feu descende du ciel et te consume, toi et tes hommes ». C’est ce qui se passa. A la troisième troupe envoyée pour le chercher, leur chef plie le genou devant Elie et le supplie de l’épargner, YHWH lui dit de le suivre sans crainte et Elie annonce à nouveau directement au roi sa mort prochaine (en -852). C’est après cet épisode qu’Elie sera enlevé au ciel.

2 Elie, le courage et la confiance

Ce qui est impressionnant chez le Messager Elie, c’est d’abord son courage d’aller affronter seul toute la cour du puissant roi Achab, son impitoyable femme, et ses prêtres païens. Dans le peuple, aucun n’a élevé la voix pour le soutenir. Cet homme devait avoir une extraordinaire autorité que le miracle du feu du ciel vu par tout Israël a certainement renforcée. Il avait aussi un grand courage physique : fuir de Kerith à Sarepta à pied est un long périple, et après avoir fait revenir la pluie, la main de YHWH fut sur Elie qui se ceignit les reins et courut devant Achab jusqu’à l’entrée de Jizréel où il devança son char !

Fuyant alors la menace de mort de Jézabel, Elie va en Juda, à Beer-Schéba, y laisse son serviteur et va dans le désert où il s’écroule d’épuisement après un journée de marche en disant : « Assez ! Maintenant, YHWH, prends ma vie car je ne suis pas meilleur que mes pères » (1 R. 19/4). Un ange le réconforte, lui apporte de la nourriture et une gourde par deux fois, puis il se remet en marche pour 40 jours et 40 nuits avant d’atteindre une grotte de l’Horeb.

Là, YHWH lui demande : « Que fais-tu ici, Elie ? ». Et il répond : « J’ai déployé mon zèle pour YHWH, le Dieu des puissances, les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels et tués tes prophètes par l’épée, je suis resté seul et ils cherchent à m’ôter la vie ». C’est alors que YHWH lui dit : « Sors et tiens-toi sur la montagne, YHWH va passer ». La Bible décrit ensuite le déroulement de cette spectaculaire théophanie, un vent qui fracasse les rochers, un tremblement de terre et un feu. Elie ne s’effraie pas, et après un murmure doux et léger, la Voix se fait entendre. Elie cache son visage et sort de la grotte pour réaffirmer son zèle pour YHWH.

Alors YHWH donne Ses Instructions : « Va vers le désert de Damas, tu donneras l’onction à Hazaël pour être roi de Damas, puis à Jéhu fils de Nimshi pour le faire roi d’Israël, enfin à Elisée, fils de Shaphat pour qu’il soit prophète à ta place ». Ces trois hommes vont purger le royaume d’Israël de tous ceux qui ont « plié le genou devant le Baal ou l’ont embrassé », et seulement 7000 hommes échapperont aux châtiments.

Plus tard, quand le roi de Damas menace Achab avec sa puissante armée, YHWH envoie un autre prophète dont la Bible ne donne pas le nom (peut être d’origine israélienne ?) pour annoncer au roi Achab que par deux fois, YHWH interviendra pour repousser cette armée. Mais, après le meurtre ignoble de Naboth pour s’emparer de sa vigne, quand il s’agit d’annoncer au roi Achab et à Jézabel la mort misérable qui les attend, c’est Elie le Tishbite que YHWH envoie. Peut-être qu’aucun autre homme n’aurait eu le courage et l’autorité pour livrer ce Message ?

Le courage d’Elie est impressionnant, il résulte certainement de la confiance totale qu’il fait en YHWH : Il parle, Elie ne discute pas et exécute sans crainte. Du vivant d’Achab, il y aura aussi l’intervention du prophète Michée, fils de Ymla, consulté avec beaucoup de réticences par Achab et qui contredit toutes les annonces de victoire contre le roi de Syrie faites par les nombreux faux prophètes (à ne pas confondre avec l’autre prophète Michée de Moresheth qui a son livre dans la Bible et interviendra un siècle plus tard, à l’époque du prophète Isaïe).

3 Elie le zèle et le renoncement

Elie s’est enflammé d’un zèle jaloux pour YHWH et ne s’est jamais laissé contaminer par le paganisme ambiant et les récompenses des pouvoirs et des fidèles superstitieux qui le promouvaient. Achab avait élevé un autel à Baal et une idole à Astarté et c’est sous son règne que Hiel bâtit Jéricho après avoir sacrifié ses deux enfants, une pratique barbare (prédite par Josué en 6/26).

La Bible ne dit rien de la vie privée d’Elie, on ne sait s’il avait une famille, mais à l’évidence il renonçait à tout pour servir YHWH, ne se préoccupant ni de sa nourriture, ni de ses vêtements, ni de son toit, ni des risques pour sa vie, tout ce qui inquiète les hommes ordinaires. Jusqu’à preuve du contraire, il ne possédait rien, ne convoitait rien.

Il a renoncé aussi à toute gloire du monde alors même que son ministère de prophète en faisait un homme en vue redouté de tous : c’est lui qui dictait sa conduite au roi, l’intercesseur auprès de YHWH qui faisait venir la pluie ou le feu du ciel.

C’est le renoncement à toute ces vanités qui en a fait une grande âme en plus d’être un grand serviteur de YHWH et qui lui a permis d’échapper à la mort, épisode décrit en 2 Roi 2 comme un char et des chevaux de feu qui le séparent d’Elisée et l’emportent dans un tourbillon. Les 50 « fils de prophètes » qui attendaient cet événement et les accompagnaient ont ensuite cherché en vain son corps.

4 L’héritage spirituel d’Elie

Comme Moïse, Elie aura porté un coup fatal à la dérive païenne du peuple d’Israël, quelle vienne d’Egypte ou de Canaan.
La tradition juive a conservé intacte la mémoire du dernier miracle d’Elie, son envol au ciel, d’autant plus qu’elle attend le retour d’Elie préalable à l’arrivée du messie. On trouve une petite chaise dédiée au retour d’Elie dans beaucoup de synagogues et même de maisons privées juives. Au Moyen Orient, le prénom Elie est courant, il est appelé Saint Elias le Vivant.

Le plus noble héritier spirituel d’Elie est certainement Jean le Baptiste, Yohanan Ben Zekharya, prophète reconnu par les traditions chrétiennes et musulmanes, très écouté par ses contemporains et redouté par le pouvoir en place qui finira par l’assassiner. Il se distinguait par sa vie très ascétique et son appel à un repentir préalable à un baptême dans les eaux du Jourdain. Il relativisait ainsi le rôle des prêtres alors qu’il était lui-même un Cohen, son père Zacharie était un prêtre sacrificateur, mais Jean renonça à ce statut privilégié.

Selon l’Evangile de Luc, l’ange Gabriel aurait été envoyé à Zacharie pour annoncer un fils qu’il devra nommer Jean, grand devant le Seigneur, qui fera revenir vers YHWH nombre de fils d’Israël et avancera « dans le souffle et la puissance d’Elie ». Le Coran, dans la sourate Marie, cautionne le récit de Luc et ajoute : « Nous lui donnâmes l’illumination dès l’enfance et de la tendresse et de la pureté. Il fut fidèle, bon pour ses père et mère et sans violence ni révolte. Paix sur lui le jour de sa naissance, le jour de sa mort et le jour de sa résurrection » (XIX/12-15).

En observant sa vie ascétique, on retrouve chez Jean le Baptiste beaucoup de caractéristiques d’Elie : le courage, la confiance, le zèle pour Dieu et le renoncement. Les circonstances historiques dans lesquelles nous vivons sont très différentes de celles d’Elie ou de Jean et il n’est pas sage de chercher à les imiter en tous points car la mesure est recommandée par la Parole. Mais leurs vies et leurs messages peuvent nous inspirer, hommage à eux !