Hannah Arendt, brillante journaliste et philosophe, évoqua la complémentarité entre l’action et la contemplation. Elle parle de via activa et via contemplativa. Cette visionnaire nous avait mis en garde contre le risque de totalitarisme à l’époque de la montée du nazisme.
Selon Hannah Arendt (dans « condition de l’homme moderne »), c’est par le verbe et l’acte que nous nous insérons dans le monde humain. Nous replacerons ici sa brillante pensée dans la cadre de la Parole dictée en 1974-1977.
L’humanité de descendance adamique a fait de la puissante Parole que le Créateur leur insuffla du bruit, des langages qui compliquent leurs oeuvres de Bien. Pour un croyant, la vie contemplative consiste à se resourcer à la Parole et à la méditer pour dépasser les langages humains diviseurs.
La Parole et l’action, donc les œuvres, sont étroitement liées. Le retour à la simplicité de la Parole permet aux hommes de mieux s’unir, coopérer dans l’action.
1 Parole et langage
Le mot langage est évoqué cinq fois dans la première partie du Bon Livre dicté à Arès en 1974 et 1977. Au sens péjoratif, dès la veillée 3/8 dictée par Jésus en 1974, à propos de la déformation par les théologiens des Messages révélés, dont ils font un langage inconnu. Puis lors de la veillée 26 à propos des tentations que les hommes maquillent sous un langage de raison ou un langage de sagesse. Enfin dans la veillée 38 qui parle du langage des sciences qui est comme l’obscurité face à la Lumière de Je suis.
Il n’est évoqué au sens positif que dans la veillée 23 : le langage que Dieu nous livre dans cette Révélation. A contrario, le mot Parole est omniprésent dans le Bon Livre. Dès la première veillée du Message de 1974 et jusqu’à la quarantième. Il est aussi prononcé par la Voix de Dieu dès la première théophanie de 1977 et tout au long de la cinquième et dernière.
Quand il évoque ses Desseins dans la Création, le Créateur de l’univers sait de quoi Il parle, contrairement à nous. Il a donné la Parole aux créatures adamiques, mais aussi la liberté. Ils en ont fait mauvais usage. Voici ce que la Voix dit lors de la première théophanie, après avoir transporté dans l’univers le témoin unique des cinq théophanies (cf. VII/1-5) : « Avant l’homme d’Adame est long…la Voix n’est pas le bruit. Ma Voix entre dans l’homme ; Ma Parole est dans la parole d’homme…un désir de noce entre dans la cuisse… le bruit entre dans la tête le sable, le bruit vient dans l’homme, l’homme met le bruit dans la terre… ».
Dans ce récit de la création de nos ancêtres adamiques, le Créateur précise ainsi que le don de Sa Voix, de la Parole, est une rupture qui les détache définitivement des autres espèces d’homos sapiens qui les entouraient. Mais les adames, tentés par le désir de connaître le mal (la Genèse l’illustre par « goûter de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal »), ont perverti la Parole et en ont fait du « bruit », celui de nos langages qui facilitent toutes les perversions dont la domination et le mensonge.
Le Créateur revient sur ce choix dramatique dans la deuxième théophanie : « Adame frappe l’arbre de la Parole, ouvert ! L’arbre pleure le sang, le sang sur la tête, la cuisse rouges. Rouges ! Je suis blanc l’Eau. Rouges Adame le fils et fils et fils » (XIV/1-4).
Or la Parole de 1974 nous dit en 23/4 : « Bannis les docteurs dont l’ignorance M’est un dégoût, qui emplissent de vent les têtes faibles de Mon Peuple ! Je te livre un langage qui lui donnera l’intelligence« . Ainsi pour échapper au rouge qui symbolise le mal, retrouver le Blanc qui symbolise le lien avec Dieu, l’humanité doit laver ses langages avec l’Eau de la Parole pour les purifier du bruit, et retrouver au fil des générations la Parole féconde et unifiante que nos ancêtres avaient reçue.
Dépasser nos langages humains actuels est donc un objectif incontournable. Le psychanalyste Lacan a appris grâce à son expérience thérapeutique que « l’inconscient est structuré comme un langage« . Cette découverte est déterminante pour toutes les sciences humaines, à commencer par la linguistique, car elle inverse le rapport signifiant/signifié cher à Ferdinand de Saussure. Lacan souligne ainsi à quel point le langage ordonne notre rapport au monde aussi bien qu’à nous-mêmes.
Les trois grands découvreurs de la psychanalyse, Freud, Jung et Lacan, avaient une posture très différente par rapport à Dieu : Freud était marqué par sa culture juive, Jung par sa culture protestante et Lacan était un scandalisé de l’Église catholique. Mais aucun de ces trois grands penseurs n’a suffisamment réfléchi à l’origine des textes sacrés et à la possibilité d’une Révélation extérieure à la pensée humaine transmise par des Messagers.
Ils ont ignoré le Coran dont l’importance est évidente historiquement et sociologiquement et dont la langue, compréhensible pour les contemporains du prophète, a créé une rupture majeure dans l’histoire de l’humanité. En particulier pour les peuples qui se réfèrent au Coran et dont les langages utilisés au quotidien se comptent en milliers (plus de 700 dialectes en Indonésie !).
Après 1974, des psys sont venus voir le témoin, Michel Potay, pour tenter de cadrer ses expériences surnaturelles avec leurs préjugés, invoquant un » dédoublement de personnalité ». Cette hypothèse ne résiste pas à l’analyse : cette Parole ne pouvait provenir de son cerveau de dignitaire religieux conditionné par le langage inconnu de son engeance princière. Cette Parole vient de beaucoup plus Haut, de même que le Coran qu’il était impossible à un homme comme Muhammad d’inventer.
Le Créateur nous aime et fit un effort sublime en 1977 pour nous redonner sa Parole : Je serre comme le clou, nous dit-il en II/21. Quelle souffrance pour l’Etalé sur l’univers !
Ecoutons-Le : Ouvre ta gorge, dis la Parole, Elle est ! (Première théophanie, I/4)
2 Parole et œuvres
Selon Arendt, l’action et la parole ont lieu entre humains. Elles révèlent l’individu qui agit et parle. L’acte ne prend sens que par la parole avec laquelle l’individu s’identifie comme acteur, annonce ce qu’il fait.
Dans le Message dicté en 1974, l’expression Ma Parole et Mes Œuvres figure à deux reprises. Dès la première veillée, Dieu récuse l’erreur du monde mental du témoin qu’Il a choisi, le prêtre Michel Potay : « sûr de paroles savamment établies sur les siècles par les prêtres, croyant donner Ma Parole, inclinant ton cœur non à l’obéissance à Ma Parole et à Mes Œuvres, mais à celle de ton engeance princière qui s’est emparée de Mes Assemblées sur tout la terre. Car il est facile de parler en Mon Nom loin de Moi. » (1/7)
Le Message distingue clairement la Part de Dieu, Parole et Œuvres, de celle de l’homme dont la pensée, la parole et les œuvres, sont marquées par le temps : « Ecoute homme Michel ! Je suis hors du temps, mais toi qui es dans le temps, tu sais combien de soleils se sont levés depuis Ma Parole et Mes Œuvres » (12/6).
Parole est un mot clef présent tout au long des Messages de 1974 et de 1977, mais les mots œuvre et travail ou labeur ne se trouvent que dans la première partie qui nous met en garde en 32/6 : « Il est vain de discourir sur Mes Œuvres, impie d’entendre les docteurs qui bavardent ».
Parmi les Œuvres du Père figure la Création dont le Coran parle beaucoup et la Résurrection de Jésus, mais nous nous concentrerons ici sur les œuvres humaines. Dieu récuse les « œuvres fausses » (28/10) des princes du culte qui détournent la piété de Mon Peuple, les « œuvres mauvaises » (33/31) de ceux qui veulent « dominer sur la terre à Ma Place ».
Mais le mot œuvre a aussi le sens positif dans la parabole sur la construction du vaisseau de la veillée 17 où l’homme, « charpentier à l’écoute du Maître, acquiert adresse et goût, fournit l’effort pour achever son œuvre ».
Hannah Arendt développe une analyse approfondie de ce qu’elle nomme la vita activa, complémentaire à la vita contemplativa. Elle distingue trois étapes dans la vie active : le travail, l’œuvre et l’action. Elle souligne la dérive historique de la doctrine ecclésiastique qui a placé la vie contemplative au sommet en négligeant l’équilibre entre contemplation et action dans la vie des hommes. Elle montre aussi la confusion entre travail et œuvre qui a obscurci la pensée de Marx.
Pour Hannah Arendt, le travail de nos corps est pris dans le mouvement cyclique du processus vital, il n’a ni commencement ni fin et s’inscrit dans la répétition. En contraste, l’œuvre de nos mains a un commencement précis et un fin prévisible, elle fabrique des objets qui stabilisent la vie humaine.
Enfin l’action peut avoir un commencement défini mais n’a pas de fin prévisible et l’homme d’action est toujours dépendant de ses semblables. Le rapport au temps et le contexte social moderne sont déterminants dans son analyse qui met en exergue le travail et l’œuvre qui précèdent l’action.
Elle dit aussi : « Le devoir des mortels et leur grandeur possible résident dans leur capacité de produire des choses -œuvres, exploits et paroles- qui méritent d’appartenir à la durée sans fin. Aptes aux actions immortelles, capables de laisser des traces impérissables, les hommes, en dépit de leur mortalité individuelle, se haussent à une immortalité qui leur est propre et prouvent qu’ils sont de nature divine… L’homo faber se conduit ainsi en seigneur et maître de la terre, sa productivité étant conçue à l’image d’un Dieu créateur ».
Elle parle de la joie de vivre, celle du travail qui ne se trouvera jamais dans l’œuvre où un soulagement bref suit l’accomplissement et accompagne la réussite. La réification du modèle, aboutissement de l’œuvre, peut devenir une source de confiance en soi pendant toute une vie, très différente du plaisir fugace mais intense du travail procuré par tout mouvement rythmique du corps.
La Parole dictée nous dit en 35/4 : « En toute occasion tu garderas ton sens et ta mesure, tu prendras le temps de te décider car Moi seul suis hors du temps, Ma Force seule se débande sans attendre ». La Parole du Créateur produit immédiatement une œuvre. Dans la Genèse : Dieu dit : « Que la lumière soit ! » et la lumière fut.
Pour l’homme l’effort et le temps sont nécessaires pour passer de la pensée à la parole et la traduire en travail, puis en œuvres. En 16/8, la Parole nous dit : « Le travail est bon à l’ouvrier et il en reçoit son salaire », Elle évoque en 37/8 « les moissonneurs qui travailleront avec toi au champ » et « les abeilles qui travaillent pour tous ». Le Créateur et les créatures vivent en synergie.
La vie contemplative, la piété humaine, est indissociable de sa vie active, car Dieu définit ainsi la piété : « Prononcer ma Parole pour l’accomplir voilà la vraie piété » (35/6).
Ainsi, à la Lumière de l’Evangile dicté en 1974, les brillantes intuitions d’Hannah Arendt passent à un autre niveau : l’œuvre sacrée qu’est la construction de l’âme. La parabole du vaisseau de la veillée 17 nous avertit : « Si le charpentier est indocile au Maître, paresseux, dissipé, plus soucieux de lui-même que de son œuvre, le Feu du Ciel brûlera sa voile. »
L’homme a besoin de temps et de travail pour achever son œuvre la plus noble, le chef d’œuvre par excellence de la vie sur terre, accessible à tout homme, celui qui ouvre les portes de l’éternité : une âme forte.
« Alors le Roi lui gardera son âme pour voile pour qu’il rejoigne la Flotte Céleste, laissant ses os blanchis en attente sur le rivage. » (17/4)