La Parole nous appelle à écrire pour les générations qui viennent _pour les avertir des calamités engendrées par les _rois noirs de la politique et les rois blancs de la religion dont ils risquent d’oublier les causes. L’actualité met la guerre entre les « démocraties » russes et ukrainiennes sur le devant de la scène, j’en parlerai prochainement. Parlons d’abord du contexte américain du putsch orchestré par le roi noir Trump en 2021.
Le régime présidentiel américain s’inscrit dans la tradition anglo-saxonne des contrôles et équilibres entre les trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire. Les élections y sont très importantes et mobilisent d’immenses sommes d’argent, avec d’actives campagnes de levées de fonds. Elles sont verrouillées par les deux grands partis, démocrates et républicains qui organisent des primaires pour désigner leur candidat dans une ambiance de cirque électoral. Les élections permettent également dans certains Etats de désigner des juges et des chefs de police.
Ce système est bien rodé et on le croit solide parce que le pays est très attaché à ses traditions. Ce qui se passe dans la plus grande puissance mondiale impacte l’ensemble de la planète. Or à l’heure des réseaux sociaux et avec une population américaine au niveau d’éducation faible à cause des frais universitaires exorbitants, ce système politique est plus fragile que certains ne le pensent.
1 Le putsch de 1933 contre Roosevelt
Roosevelt fut élu président des USA en 1933, il le restera jusqu’en 1945, seul président à avoir été élu à quatre reprises. Démocrate, il succède à Hoover, un républicain qui s’est avéré incapable de gérer le krach boursier de 1929 : il organise un repli protectionniste qui aggrave la crise aux USA et la propage au reste du monde.
Roosevelt élabore un modèle de présidence plus interventionniste. Il met en œuvre le New Deal, un programme de relance de l’économie et de lutte contre le chômage, il réforme le système bancaire américain et fonde la Social Security. Avant l’entrée en guerre des USA, il lance des prêts-bails pour fournir les pays alliés en matériel de guerre et après l’attaque de Pearl Harbor, il prépare la victoire des Alliés. Il tient un rôle majeur dans la transformation du monde à la sortie du conflit, inspirant notamment la fondation de l’ONU.
Les barons américains de l’industrie et de la finance le connaissaient comme gouverneur de New York élu en 1928. Ils le savent déterminé et le jugent beaucoup trop à gauche pour leurs intérêts, ils prennent peur après son élection. Le 4 mars 1933, plus de 100 000 personnes sont rassemblées pour sa cérémonie d’investiture, on redoute des émeutes dans les grandes villes. Sur le parcours, l’armée place mitrailleuses et tireurs d’élite. La capitale ne s’était plus barricadée ainsi depuis la guerre de Sécession.
En avril 1933, Roosevelt sort de l’étalon or. Les grandes fortunes se sentent menacées par l’inflation et les dépenses débridées, ils réfléchissent à un coup d’état. En août 1934, ils fondent l’American Liberty League pour prêcher au gouvernement le « nécessaire respect des droits des individus et de la propriété privée ».
Le complot s’organise avec des puissants comme J.P. Morgan, les PDG de Singer, General Motors et General Foods, dont le patrimoine pesait 800 milliards de $ actuels. Ils étaient prêts à dépenser six milliards de $ dans l’opération, recruter 500 000 anciens combattants équipés d’armes à feu pour chasser du pouvoir Roosevelt et toutes les personnalités susceptibles d’assurer l’intérim afin d’installer une dictature fasciste.
Un courtier, membre de l’American Liberty League, propose au général à la retraite Butler de le recruter pour commander l’opération. C’est un héros de la première guerre mondiale, idolâtré par les anciens combattants. Heureusement il dénonce le projet de putsch en informant le FBI, donc le président. Le putsch avorte.
2 L’analyse du Guardian sur le putsch de 1933
En 1933, les USA touchent le fond avec 16 millions de chômeurs, 5000 banques en faillite et près d’un million de famille sans abri. Politiciens exaltés et suprématistes blancs nourrissent la paranoïa ambiante en agitant les spectres du communisme, d’un complot mondial ou de la menace intérieure. Les populistes attaquent Roosevelt à coup de refrains au vitriol teintés d’antisémitisme et de fascisme avec le slogan « America First » forgé par le magnat des médias, Randolph Hearst.
Dans ce climat d’intrigues et de machinations, alors qu’arrivent au pouvoir des dictateurs charismatiques comme Hitler et Mussolini, l’hostilité envers Roosevelt dégénère en haine déclarée. Le nazisme fait vibrer une corde sensible chez certaines élites américaines comme les antisémites Charles Lindbergh et Henry Ford. JP Morgan prête cent millions de $ à Mussolini et refuse de payer l’impôt sur le revenu.
Voici la conclusion du Guardian : « Les conjurés avaient tout pour remporter une guerre ou réussir une révolution : des hommes déterminés, des armes à foison et de l’argent. Quant à savoir si le « putsch de Wall Street » de 1933 était une vraie menace pour le gouvernement américain et son président largement élu, nul ne peut le dire aujourd’hui encore ».
3 Le putsch trumpiste de 2021
Les américains, très conservateurs, ont gardé le système électoral de l’époque où les grands électeurs élus dans chaque Etat prenaient le cheval pour se réunir dans la capitale et désigner le président avec un mandat impératif : on gagne en totalité un Etat et tous ses délégués dont le nombre est lié à sa population quelle que soit la marge de victoire. Ainsi Bush puis Trump ont pu remporter l’élection avec beaucoup moins de voix populaires.
Trump, à la grande surprise de beaucoup d’européens ignorants de l’Amérique profonde et de la quasi-totalité des pronostiqueurs locaux, a été élu président en balayant tous ses concurrents républicains et en gagnant fin 2016 une élection très disputée face à Hillary Clinton qui remporta plus de voix. Son slogan « Make America great again » allié à son agressivité d’orateur a fait mouche sur l’américain de base.
En 2020, il se représente face à Biden, ancien vice-président de son prédécesseur Obama et pratique abondamment la désinformation (les fake news) en annonçant qu’il ne peut perdre que si l’élection est truquée. Biden remporte l’élection avec 7 millions de voix de plus et 306 grands électeurs contre 232, mais le résultat est serré dans des Etats clefs. Trump intente sans succès plus de 60 procès pour contester l’élection et fait pression sur une trentaine d’élus et fonctionnaires pour qu’ils invalident les résultats de leur Etat.
Le 6 janvier 2021, le Congrès se réunit pour certifier le résultat du vote. Un rassemblement pro-Trump est organisé dans un parc de la Maison Blanche, Donald Trump intervient et encourage ses partisans à marcher sur le Capitole où une foule excitée arrive à pénétrer, armée de battes, de pistolets à impulsion et de spray anti-ours. C’est la plus grande attaque contre le Capitole depuis la guerre de libération face aux britanniques en 1812. Quatre policiers se suicideront après l’assaut.
Une commission d’enquête de la Chambre des représentants se met en place le 1er juillet, elle envisage des poursuites pénales. D’après un récent sondage, 78% des républicains estiment que la victoire de Biden était illégitime et 21 millions jugent la violence justifiée pour rétablir Trump à la présidence. L’Amérique est de plus en plus clivée, les centaines de personnes arrêtées et inculpées depuis l’assaut dont des citoyens de toutes catégories sociales, seul 14% sont membres de milices.
4 L’analyse des médias sur les putschs américains
Le Los Angeles Times a publié le 30 novembre un long article d’analyse du déroulement et des conséquences de l’assaut et estime que « le mouvement qu’a engendré cet assaut s’est avéré plus vaste, plus durable et plus inquiétant que les violences de ce jour chaotique ».
« Trump et ses sympathisants préparent activement le terrain pour contester le résultat des futures élections, ils adoptent des lois pour que les assemblées législatives des Etats à majorité républicaine prennent la main sur l’organisation des élections et le comptage des votes, des républicains pro-Trump cherchent à se faire élire au poste autrefois obscur de responsable électoral ».
« Il fut un temps où le jour des élections était une manifestation de cohésion nationale, l’apogée d’une compétition âpre mais pacifique qui aboutissait au discours courtois du perdant, l’expression d’une foi partagée dans le système démocratique. Les prochains scrutins risquent de virer dangereusement à l’agitation et à l’instabilité, le 6 janvier n’était peut-être qu’une répétition générale ».
C’est aussi l’avis du prestigieux magazine « The Atlantic » qui titre : « le 6 janvier n’était qu’un entraînement ». L’article fleuve sonne l’alarme sur les efforts des républicains pour contrôler le résultat de la prochaine élection et conclut : « Les voix des électeurs américains ne décideront pas du président en 2024, des millions de votes seront écartés pour faire gagner le perdant ».
La politologue Barbara Walter, professeur à l’UCLA, compile une échelle des risques créées par le think tank Center for systemic peace et les USA avaient toujours obtenu la note maximum, + 10. Après la présidence Trump, ils sont tombés à + 5, un seuil où « un pays peut se trouver entraîné dans un conflit interne ». Elle parle des USA comme une « anocratie », une situation intermédiaire entre la démocratie et l’Etat autocratique.
Je rappelle la vision de Gandhi cité dans le post précédent : « La loi de la majorité n’a rien à dire là où la conscience doit se prononcer et la désobéissance civile est le droit imprescriptible de tout citoyen ». « L’Etat représente la violence sous une forme intensifiée et organisée. L’individu a une âme, mais l’Etat qui est une machine sans âme, ne peut être soustrait à la violence car c’est à elle qu’il doit son existence ». « L’Etat idéal est celui où il n’y a aucun pouvoir politique en raison même de la disparition de l’Etat car chacun se dirigerait de lui-même de façon à ne jamais gêner son voisin, ce serait un Etat d’anarchie éclairée ».
Il faudra plusieurs générations déterminées pour cette libération des rois noirs et blancs. Ce blog en a parlé dans les posts 42 et 44 et nous avons évoqué la déesse « Démocratie », encore vénérée par l’opinion publique occidentale, mais dont la statue commence à s’écailler et à se fendre. Ce qui se passe aux USA en est une illustration parmi d’autres. L’avertissement de la Parole à propos de la Bête du pouvoir, quelle que soit sa forme ne peut plus être ignoré : « J’ai interdit qu’on s’empare du gouvernement de Mon peuple que J’ai laissé à tous ».