Notre espace proche est intérieur et familial. Dans notre quartier de ville ou village, notre organisme distingue la gauche de la droite par rapport à lui. Pour les espaces plus lointains, nous pensons au territoire national, à la planète, voire au cosmos. Voyager nous impose de nous orienter dans l’espace, autrefois à l’aide du soleil et des étoiles, puis de boussoles et de distinguer le haut du bas par la loi de gravitation.
L’espace fait donc partie de notre vie quotidienne, mais il reste un concept abstrait difficile à cerner. Les théologiens, les scientifiques et les philosophes ne pensent pas à la même chose quand ils évoquent la notion d’espace. Pour un philosophe, c’est un milieu idéal indéfini, dans lequel se situe l’ensemble de nos perceptions et qui contient tous les objets existants ou concevables.
Pour la science classique, c’est un cadre mathématique formel où l’on place les objets pour leur appliquer des lois spécifiques. Il introduit des coordonnées pour localiser un objet dans un espace-temps à quatre dimensions. Il fut d’abord euclidien, avec une seule ligne droite entre deux points. Puis la géométrie s’est compliquée avec les espaces courbes de Riemann, la topologie. Les mathématiques parlent d’espace vectoriel, d’espaces de Hilbert… des espaces qui ne contiennent plus des points, mais des vecteurs, des fonctions, etc.
En physique, la révolution initiée par Einstein introduit la notion d’un continuum espace-temps, plaçant le temps et l’espace dans un statut unique. La relativité générale étend le concept pour incorporer la gravitation. L’espace-temps est conditionné par les masses qu’il contient et qui le déforment. La gravitation émerge donc de l’interaction entre la matière et la forme de l’espace-temps. John Wheeler disait : « les masses disent à l’espace comment se courber, et l’espace dit aux masses comment se déplacer. »
Dans la gravitation quantique à boucles, portée entre autres par Carlo Rovelli (post 99a), l’espace-temps émerge par la présence des particules. C’est une théorie indépendante du cadre dans laquelle il présente une structure discrète. Ce n’est pas un continuum espace-temps.
Pour la mécanique quantique, la dualité corpuscule/onde rend très difficile notre compréhension intuitive du monde des particules (voir vidéo d’Alain Aspect).
Enfin la Genèse biblique et le Coran parlent des Cieux et de la terre, sans préciser ce que sont ces Cieux ni leur frontière avec notre monde observable. Le Créateur nous appelle à avancer dans un chemin de progrès spirituel mais nous sommes libres de stagner ou de reculer.
Difficile donc de s’accorder sur un sens précis et indépendant qui pourrait être donné au mot espace. Nous y réfléchirons en juxtaposant différents points de vue, d’abord en dialogue avec Michel Galiana-Mingot (MG) pour la partie scientifique.
1 L’espace à l’échelle des particules
AB : La nature de la lumière et sa propagation ont toujours intrigué les scientifiques, elle était corpusculaire pour Newton et ondulatoire pour Fresnel (en raison des expériences de diffraction et d’interférences).
MG : Oui, et la controverse a opposé deux camps pendant deux siècles, jusqu’au jour où Einstein a trouvé qu’ils avaient raison tous les deux.
AB : Dès les débuts de la mécanique quantique, à l’espace-temps se superpose un autre « espace » : celui des états ou des configurations. C’est un espace abstrait dans lequel un « état » comme la position représente non pas un emplacement précis, mais différentes positions possibles.
MG : La mécanique quantique repose sur une théorie mathématique très abstraite et totalement contre-intuitive. Pourtant, elle fonctionne remarquablement bien. Dans ses prévisions, elle est la théorie la plus précise jamais trouvée. Il nous faut donc admettre que l’image incompréhensible qu’elle nous donne du monde microscopique est bien la vérité !
AB : Les expérimentations montrent qu’un photon peut se comporter en onde ou en particule. Un corpuscule est localisable, une onde est étendue dans tout l’espace avec différentes densités. La mécanique quantique ne donne pas le lieu d’une particule, mais une liste de lieux possibles affectés de probabilités. Ce sont des potentialités qui coexistent, des états superposés.
MG : C’est certainement l’aspect le plus fondamental et le plus incompréhensible de la mécanique quantique : la superposition de différents états. Et pourtant, c’est vrai. On exploite cette superposition pour construire des ordinateurs quantiques : ils peuvent mener une superposition de différents calculs simultanément. C’est tout à fait magique.
AB : Un système quantique comme une simple onde-corpuscule peut se trouver dans une superposition cohérente d’états qui traduit la potentialité de tous ses états possibles. Sa présence à un endroit donné, son énergie deviennent alors probabilistes : ainsi, un atome peut être à la fois dans son état fondamental stable et dans un état excité. Un photon peut être à un endroit et à un autre en même temps.
MG : Tout attribut d’une particule (sa position, sa vitesse, son énergie, etc.) vaut simultanément plusieurs valeurs tant que l’on ne réalise pas une mesure. Alors, une des valeurs devient « réelle » au sens « observée ». Les seules choses que la MQ nous dit, c’est quelles sont ces valeurs possibles et avec quelles probabilités elles pourront se manifester lors de la mesure.
AB : Dans son expérience à choix retardé pour répondre à l’intuition de Wheeler, Alain Aspect a prouvé que ce n’est pas l’appareillage qu’il rencontre qui contraint le photon à « choisir » s’il se comporte comme corpuscule ou onde. Il est intrinsèquement les deux à la fois, comme toutes les autres particules. Ainsi notre compréhension intuitive de l’espace et du temps s’évanouit à l’échelle quantique. En particulier, la flèche du temps n’y existe pas.
MG : Effectivement, au niveau microscopique, il n’y a pas de flèche du temps. Cela signifie que le temps exprimé dans une équation peut être pris dans un sens comme dans l’autre indifféremment : vers l’avenir ou bien vers le passé. C’est vrai aussi en mécanique classique (si je définis la trajectoire d’une particule, elle peut être parcourue dans un sens comme dans l’autre). En revanche, dès que l’on passe au niveau macroscopique, apparaît une flèche du temps et une localisation : si je lâche une pierre, elle tombe, et elle ne peut pas remonter. Tout dépend donc de l’échelle où on se situe.
AB : Le processus de mesure permet à l’observateur de déterminer pour l’onde-corpuscule un état défini. Comme pour le chat vivant ou mort de Schrödinger.
MG : Oui, c’est probablement ce qu’il y a de plus embarrassant en mécanique quantique. Avant une mesure, plusieurs valeurs sont possibles. Lors de la mesure, l’une d’entre elles est déterminée. Comment ? Pourquoi celle-là ? On n’en sait rien. On a le sentiment que chaque fois que l’on réalise une mesure, on fait tourner la roue d’une loterie. Dans la vie pratique des physiciens, ce n’est généralement pas un problème, car on manipule des quantités tellement grandes de particules, que ces statistiques se moyennent et donnent des résultats étonnamment… précis.
AB : Mathématiquement, la dualité entre position et impulsion est commune à toute la physique classique et quantique.
MG : En mécanique classique, une particule est définie par sa position et son impulsion (donc sa vitesse). En mécanique quantique (MQ), aussi, mais curieusement une limite théorique est imposée : si l’on connaît précisément l’une, on ne connaît l’autre que grossièrement. C’est le principe d’indétermination d’Heisenberg. Par exemple, si une mesure nous indique avec précision la position d’une particule, alors on ne peut connaître sa vitesse et par conséquent, on ne sait pas du tout où elle sera l’instant suivant. Réciproquement, si l’on mesure précisément la vitesse d’une particule, on ne peut savoir où elle se trouve, alors à quoi cela sert-il ? On sait que cette imprécision n’a rien à voir avec la qualité des instruments de mesure : elle est une vérité intrinsèque de la nature.
AB : La relation de Broglie établit que la quantité de mouvement et la longueur d’onde d’une particule libre sont inversement proportionnelles.
MG : Oui, Einstein a montré que le photon était à la fois corpusculaire (il a donc une « quantité de mouvement ») et ondulatoire (il a une « longueur d’onde »). De Broglie est allé plus loin en montrant que c’était aussi vrai de n’importe quelle particule : un électron par exemple. C’est ce qui a permis de réaliser des microscopes électroniques où les photons sont remplacés par des électrons, avec une bien meilleure précision.
AB : Dans le cas d’interactions avec l’environnement, la probabilité d’observer des états superposés disparait rapidement.
MG : En effet, dès que plusieurs particules se côtoient et interagissent (disons une dizaine pour fixer les idées), elles perdent leurs caractéristiques quantiques et elle se comportent comme les particules classiques. A fortiori, c’est vrai lorsqu’une particule est en contact avec l’environnement : les myriades de particules de l’air ou de photons de la lumière ambiante. On arrive à conserver un état quantique dans un système fait de beaucoup particules, mais pour cela il faut l’isoler très efficacement et le refroidir jusqu’à quelques millièmes de degrés au-dessus du zéro absolu.
AB : Tu m’as parlé de la décohérence ; elle apparaît dès que le nombre de particules grandit. Alors se forme un mélange statistique d’états superposés, comme une dilution, et la matière perd ses propriétés quantiques. Passer du monde quantique au monde usuel est donc le franchissement d’un seuil, celui de décohérence, et la conversion est quasi immédiate. Cette transition abrupte fait apparaître les qualités du monde qui nous sont coutumières : la séparabilité, la localité et la temporalité.
MG : Oui, c’est la décohérence qui explique que notre monde usuel ne présente pas les propriétés bizarres de la MQ. Heureusement dirais-je ! Nous pouvons vivre sans nous préoccuper de la MQ. À cela près que les semiconducteurs constituant notre smartphone sont conçus grâce à elle. On peut dire que la décohérence, c’est-à-dire la transition quantique-classique, a conféré à l’Univers les trois propriétés que nous lui connaissons : la séparabilité des objets (les touches de mon ordinateur sont bien distinctes), la possibilité de les placer distinctement dans l’espace, et de les étager clairement dans le temps. Ces trois propriétés fondamentales et évidentes pour nous ne sont pas vraies au niveau quantique.
AB : Dans le but d’unifier la MQ et la relativité générale (RG), certains partent de la première en essayant de « quantifier la RG ». D’autres tentent de partir de la relativité, comme la théorie dite « de gravité néo-classique ». D’autres enfin tentent de redéfinir ce qu’est l’espace-temps, comme en « théorie des boucles ». Qu’en penses-tu ?
MG : Tu cites-là trois approches actuelles pour unifier la RG et la MQ. Mais aucune n’a vraiment débouché (au sens de parvenir à des prédictions vérifiables). Elles restent des champs de travail. À vrai dire, on ne sait pas si l’impossibilité d’unifier RG et MQ est due aux limites de nos modèles ou si elle provient d’une vérité ontologique sur l’Univers : dans ce dernier cas, la gravitation ne serait jamais quantifiable alors que les trois autres forces de la nature le sont… auquel cas, nous perdrions notre temps avec ces théories.
AB : La Vérité ontologique de l’Univers, pour un croyant comme moi n’est connue que par le Créateur, nous ne pouvons en comprendre qu’une infime partie à partir de la Parole qu’Il révèle à Ses messagers.
MG. Je complèterais ce que tu dis en précisant que le scientifique n’a pas accès à la nature profonde de l’Univers. Il ne connaît que les modèles qu’il invente, ses théories, qui sont des représentations mentales. C’est ce que le champion de la MQ, Niels Bohr, répétait à Einstein quand celui-ci reprochait à la MQ de ne pas représenter la réalité.
AB : Quelles sont les conséquences de la vérification expérimentale de l’existence du boson de Higgs ?
MG : Effectivement, l’histoire de cette particule est intéressante. Alors que le modèle standard des particules était déjà formulé avec précision, on a prédit et découvert cette nouvelle particule dont on pense qu’elle a participé à la création des autres. Constater son existence par l’observation a été une confirmation du modèle. Si on ne l’avait pas détectée expérimentalement, cela aurait remis en question son pouvoir prédictif. Certains souhaitaient que l’on n’y parvienne pas pour remettre en question le modèle standard et pousser la physique dans une nouvelle voie.
2 L’espace à l’échelle cosmologique
AB : Dans la théorie de la relativité, le temps et l’espace forment une seule entité : l’espace-temps, et matière et énergie sont liées.
MG : C’est ce qu’a découvert Einstein lorsqu’il a postulé que la vitesse de la lumière était identique pour tous les observateurs. La conséquence est que le temps et l’espace peuvent « s’échanger » entre eux. Ainsi, lorsqu’un objet est animé d’une grande vitesse par rapport à nous (par exemple un rayon cosmique), nous le voyons rétréci et plus lent. Il a donc perdu de la longueur et gagné du temps. C’est un peu comme un effet de perspective : si tu tournes autour d’une maison, tu vois sa façade rétrécir et au contraire le mur perpendiculaire grandir, comme si l’un et l’autre s’échangeaient partiellement.
AB : L’idée que l’espace possède une forme est apparue avec la théorie de la relativité générale. Trois formes ont été envisagées. Soit courbé et fermé, comme une sphère géante en expansion, soit hyperbolique comme une selle, soit plat comme une feuille de papier à plus de deux dimensions.
MG : Là, tu parles de la courbure du cosmos dans son intégralité. Aujourd’hui, les mesures, notamment du fond cosmologique, laissent penser qu’il est plat, ou peut-être très légèrement sphérique (une gigantesque hypersphère bien sûr, en quatre dimensions). En dehors de cette courbure globale (ou de cette planéité peut-être !), il faut noter que l’espace-temps est localement courbé partout où se trouvent des masses : autour de chaque étoile par exemple, mais aussi de la Terre, de la Lune, d’un astéroïde, etc.
AB : L’un des facteurs qui déterminent sa forme globale est sa densité, c’est-à-dire la quantité de matière ramenée au volume. Si elle est grande, la force de gravité dépassera la force d’expansion et il se courbera en sphère. Ainsi l’univers serait fini et l’expansion s’arrêterait à un moment donné. Les galaxies, au lieu de s’éloigner les unes des autres, commenceraient alors à se rapprocher, jusqu’à ce que ce qui a commencé par un Big Bang se termine par un Big Crunch ?
MG : Oui, c’est ce que l’on a longtemps pensé, mais aujourd’hui, on a appris deux choses. La première est que l’Univers est pratiquement plat, car sa densité se trouve pile sur la valeur critique ou très proche. La seconde est que, contrairement à ce que l’on a longtemps pensé, l’expansion est en accélération depuis la moitié de la vie de l’Univers environ, soit il y a 7 milliards d’années. Si cette accélération ne change plus à l’avenir, l’Univers grandira de plus en plus vite et finira complètement froid et dilué. Aujourd’hui, on envisage donc plutôt le contraire d’un Big Crunch : un Big Chill.
AB : Dans les situations de singularité comme le Big Bang et les trous noirs, on cherche à comprendre la structure fondamentale de l’espace-temps. A cette échelle, l’énergie présente est suffisamment élevée pour faire intervenir des effets quantiques dans la fibre même de l’espace-temps. Avec l’idée de trouver une théorie physique fondamentale, qui décrive la réalité physique dans sa totalité et explique la gravité quantique.
MG : Effectivement, l’étude du Big Bang ou celle des trous noirs se heurte au problème de l’incompatibilité entre MQ et RG. Nous sommes donc dans l’incapacité de décrire ce qu’il se passe à l’intérieur du trou noir ou ce qu’il s’est passé juste au moment du Big Bang. Y parviendrons-nous un jour ? Je n’en suis pas sûr.
AB : Certains émettent l’idée que, fondamentalement, l’espace et le temps n’existent pas et émergent d’une autre structure, des sortes d’entités non-fondamentales mystérieuses. Pure spéculation ?
MG : En physique classique et en MQ, l’espace et le temps sont définis de façon abstraite en utilisant l’idée de Descartes du repère cartésien, mais on ne sait pas vraiment ce qu’ils sont. C’est un cadre abstrait que nous définissons. Dans certaines théories en cours d’étude, comme la gravité en boucle, l’espace-temps serait effectivement une entité qui émerge d’autres dans de très petites échelles. De même, en relativité, certains disent que l’espace-temps émerge des masses : sans masses, pas d’espace-temps (mais alors, qui pourrait s’en apercevoir ?).
3 L’espace dans les textes inspirés
AB : Je vais sortir maintenant du dialogue polytechnicien pour analyser des textes inspirés dont je ne crois pas que ce sont tes livres de chevet ?
MG : Pour ma part, c’est très simple : l’idée religieuse n’existait pas chez mes parents et dans mon éducation. J’aurais pu l’acquérir ailleurs, mais cela n’a jamais été le cas. Cela ne m’empêche pas d’apprécier la communauté chrétienne et de partager ses valeurs. En accord avec mon épouse croyante, nous avons fait baptiser mes trois filles et nous leur avons donné une éducation chrétienne, et je me suis toujours bien gardé de dénigrer la religion. Maintenant, elles pensent ce qu’elles veulent en toute autonomie. En général, je ne discute pas de ces sujets avec elles pour ne pas les influencer (sauf si elles me le demandent). Je n’aime pas émettre ou transmettre des idées athées (je suis donc agnostique), car je trouve cela purement destructeur, et de plus, sans fondement : à chacun ses croyances et ses nourritures spirituelles ! Maintenant, je t’écoute avec intérêt.
AB : C’est un quasi réflexe de penser aux religions quand j’évoque les textes inspirés, mais ils transcendent les religions et nous pouvons nous passer de leurs interprétations par des clergés qui revendiquent être dépositaires d’une Vérité absolue, ce que leur multiplicité dément. La liberté de pensée individuelle est consubstantielle aux êtres humains.
Commençons par les messages transmis par les prophètes de la Bible et du Coran. Ils devaient guider des peuples menant une vie simple d’éleveurs nomades tardivement sédentarisés qui percevaient la notion d’espace en fonction de leur vécu quotidien. Les langues sémitiques ne se prêtent pas à l’abstraction, donc à développer la notion d’espace.
La distinction majeure rattachable à l’idée d’espace dans les Genèses bibliques et coraniques est cette séparation entre la terre et le Ciel opérée par le Créateur à partir d’un « chaos » initial et qui précède la création de la lumière. La notion de terre est claire pour ces hommes, mais ce que la Parole appelle Ciel ou ciel est ambigu. L’espace pour ces nomades du désert est ce qui est à leur portée de vue, comme l’horizon ou les astres nocturnes.
Le Coran affirme la Création du Ciel et de terre et de la terre, puis des astres et des luminaires, le soleil et la lune qui sont astreints à une orbite déterminée. « Le Ciel, Nous l’avons édifié par Notre puissance, et c’est Nous qui l’étendons [constamment]. » (1/47) ou « Ceux qui ne croient pas ne savent-ils pas que les cieux et la terre ne formaient, à l’origine, qu’une masse compacte ? Puis, Nous les avons séparés et fait de l’eau toute chose vivante. Ne croiront-ils donc pas ? » (21/30).
C’est la perspective du salut après la mort et de la Résurrection qui permet aux croyants de sortir mentalement de l’espace-temps terrestre. Le prophète Elie a été enlevé avec son corps terrestre sur un char de feu et Jésus a été vu par ses disciples s’élever dans l’air après avoir été ressuscité.
La gravitation est centrale dans notre perception de l’espace et explique la perplexité des hommes face aux rares lévitations d’humains ou aux témoignages de rencontres d’anges qui ne semblent pas soumis à la gravité. Nous ne savons pas d’’où viennent les anges, comment se déplacent-t-ils, où vont-ils ?
La Parole de 1974 a été dictée à M. Potay par Jésus apparu dans une chair matérielle transfigurée. Le témoin dit qu’il déplaçait les objets en marchant, mais qu’après chacune des 40 veillées où il lui a parlé, il s’élevait en traversant le plafond. Ainsi, selon ce témoignage, le corps matériel dont dispose un humain ressuscité n’est pas soumis à la loi de la gravitation dont certains mystiques ont prouvé qu’ils pouvaient s’en évader, mais provisoirement. Sur l’au-delà de la mort, la Parole nous dit : « Je te livre cela par une parabole, car les vivants ne peuvent comprendre ces choses ».
Celle-ci ne mentionne le mot espace que dans la citation suivante : « Un espace plus long qu’un rayon de soleil va de Jésus au Christ, la distance infinie qui sépare la terre du Ciel, il l’a parcourue, parce qu’il a mis ses pas dans Mes Pas, il ne s’en est jamais écarté, il s’est embrasé de Mon Amour pour l’homme, son frère, et comme une fumée pure il s’est élevé vers Moi. Il a accompli en un an, le temps d’un battement d’ailes, ce que le monde pour son salut accomplit dans les siècles des siècles. Je l’ai fondu en Moi ; J’en ai fait un Dieu, il est devenu Moi. Quelle intelligence d’homme, faible lumignon, peut comprendre cela ? »
La Parole de 1977 rappelle la non confusion entre Jésus et Celui qui parle lors des cinq théophanies, le Créateur, seul en dehors du temps et de l’espace. Elle évoque indirectement l’espace : « J’ai. Je suis. Les soleils tournent dans Ma Main. Ma Main a mille Mains. Ton œil tend, bute. Le Bon (Jésus) descend, il est bas ; il va (à) droite, il est (à) droite, (quand) Je (le lui) dis. Je descends, Je suis haut ; Je vais (à) droite, Je suis milieu. Étalé. » Et elle précise : « Le Bon tombe comme l’éclair, vole, crois-tu ? Le Bon marche (comme) l’araignée marche. »
La Parole inspirée à Gilles Cosson en 1997 n’utilise pas le mot espace, mais évoque ce sujet, par exemple : « Le moment approche de prendre ton vol, de quitter ta tanière, de regarder au-delà de ta maison. Parmi les étoiles, au milieu des astres embrasés est ton destin ». L’inspirateur affirme qu’Il transcende l’espace : « Je suis ici et ailleurs ». Et il nous appelle à être « inflexible dans notre volonté d’avancer vers l’horizon et à regarder maintenant vers le ciel ».
Notre destin au milieu des astres embrasés peut être compris par certains lecteurs comme une évocation d’hypothétiques voyages intergalactiques dont certains rêvent. Mais pour les croyants réalistes, il évoque plutôt le destin promis par la Parole, la Résurrection et le séjour dans les Hauteurs Saintes qu’évoque allégoriquement le Coran et sur laquelle la Parole de 1974 ne donne pas de précision. La notion de paradis n’existe pas dans l’Evangile.
4 L’espace pour le corps, l’esprit et l’âme
La Parole de 1974 affirme que nous sommes corps, esprit et âme et qu’après la mort du corps physique, les trois seront à nouveau réunis au Jour de la Résurrection. La perception de l’espace est-elle la même à ces trois niveaux de notre conscience ?
Dans notre vie physique, on parle d’espace pour désigner une certaine distance (l’espace entre deux personnes), une certaine surface (ce parc naturel couvre un espace considérable) ou un certain volume (ce placard occupe un grand espace).
Dans la perception de l’esprit, celui-ci peut nous emporter dans ses rêves d’espaces infinis. Dans notre livre commun, Gilles a témoigné d’expériences personnelles qui défient les limites de l’espace-temps.
Mais que peut signifier l’espace pour l’âme ? La Parole de 1974 nous en parle de manière allégorique en nous mettant en garde contre les choix de vie qui peuvent nous conduire à l’état d’un esprit sans âme après la mort du corps physique, celui de spectre.
« L’âme peut être souffrante, Je la guéris, mais elle peut aussi trouver sa fin sans retour. L’âme est le regard, la main, la gorge, l’estomac du spectre ; par elle Je peux le réchauffer de l’éclat de Ma Gloire, Je peux le conduire vers les magnificences infinies, Je peux entendre sa louange et sa conversation, Je peux le nourrir à jamais. Sans l’âme le spectre erre, tourmenté, aveugle, affamé, par les galeries sombres creusées par les vers et par les enfers glacés, qui le font de givre ; alors il effraie les humains ».
AB : Michel, après cette évocation de textes inspirés, je reviens vers toi. Que penses-tu de ce qui se passe après la mort du corps physique ?
MG : Je vais te donner une réponse un peu triste, mais c’est le sujet qui le veut. À mon avis, avec la mort du corps physique, il y a simplement un homme de moins dans l’humanité, ce qui n’est pas trop grave pourvu qu’il soit remplacé pour assurer l’avenir de l’humanité. Je m’oppose au dualisme de Descartes. En effet, sans aucunement prétendre que la matière du cerveau et la pensée sont la même chose, je pense que les deux sont indissociables. Si le cerveau disparaît, la pensée aussi. En revanche, l’humanité continue et l’homme a conçu un immense édifice social, culturel et religieux qui le transcende.
AB : Nous avons, tu le sais, des convictions très différentes. Après la mort du corps physique, une échéance qui se rapproche chaque jour, mon esprit continuera à penser sans le réseau neuronal, ainsi que le prouvent les très nombreux témoignages fiables de communication avec les morts, mon âme continuera d’aimer, et notre conscience pourra retrouver un support physique au Jour de la Résurrection. Entre notre mort individuelle et ce Jour, il nous est difficile d’imaginer ce que sera notre vie dans l’esprit et dans l’âme. Peut-être pourrons nous communiquer avec nos amis ? Nous le ferions alors avec toi dans la surprise et la joie. Je ne peux donc penser à la mort, événement inéluctable, avec tristesse, mais dans l’espérance. Tu parles d’une transcendance édifiée par l’humanité. Vois-tu aussi une quelconque immanence ?
MG : Oui certainement. Par mes réflexions scientifiques, je vois dans l’Univers une immanence dont le caractère est mystérieux : dans la moindre des particules du cosmos résident les mêmes lois physiques. Pas un « micron cube » de l’espace n’y échappe. Ces lois de la nature n’ont rien de quelconque : elles recèlent une incroyable potentialité à développer la complexité, ce qui a mené à la vie, puis à l’homme. Voilà, à mes yeux le plus grand mystère. Que cette qualité provienne de la volonté du Créateur, je n’ai aucun argument pour le contester même si je n’y crois pas. Pour ces questions métaphysiques, je range les conceptions religieuses et celle de la science au même rang : celui de croyances ou de modèles mentaux. Certains sont habillés d’habits religieux, et les autres d’habits scientifiques, mais en l’absence de quelconques preuves concrètes, ces considérations restent toujours des croyances. À chacun les siennes.
AB : Au terme de ce dialogue, nous constatons que la notion d’espace reste floue et ambigüe, qu’on l’aborde sous l’angle scientifique ou sous celui des textes inspirés. Je te laisse conclure.
MG : Je me sens tout petit devant l’Univers et je m’interroge jour après jour sur sa genèse, son fonctionnement et son devenir. Chaque chose apprise soulève de nouveaux mystères et je suis convaincu que ce sera ainsi tant que l’humanité existera. Chercher une explication divine à ces mystères me paraît une démarche trop réductrice, mais je la respecte tout à fait. Ce qui m’importe, c’est d’en comprendre le maximum avant de disparaître (parce que c’est passionnant !), tout en étant convaincu qu’à tout jamais, il y aura plus d’ombre que de certitudes.
AB : Nous poursuivrons notre dialogue d’amis polytechniciens dans le post 105 sur le sujet de la matière.