Bouddha, comme Muhammad et contrairement à Jésus est un Messager dont personne ne conteste l’historicité, bien documentée. Héritier d’une famille royale d’un petit royaume situé à la frontière de l’Inde et du Népal, né vers 563 avant J.C., mort vers – 480, il a vécu 80 ans et enseigné surtout dans la vallée du Gange. Marié et père d’un enfant, il s’est senti appelé à une haute destinée spirituelle et quitta son palais en découvrant la maladie, la vieillesse et la mort, les causes majeures de souffrance qu’il décida d’affronter. Il devint un renonçant à 29 ans, passe successivement par six gurus enseignant le védisme, mais qui prônaient un ascétisme excessif et s’égaraient dans des débats intellectuels stériles. Il les quitta en constatant l’impasse des excès ascétiques, puis toujours en quête de la Vérité, il s’assis sous un arbre Bo, déterminé à méditer à cet endroit pour trouver la Lumière. C’est là, à 35 ans, qu’il reçoit la Révélation du Dharma, un enseignement intemporel qu’il relaya comme d’autres avant et après lui.
Bouddha était donc contemporain de Mahavira, le fondateur du jaïnisme avec qui il eut des débats, de l’époque des prophètes hébreux Jérémie, Habaquq et Ezechiel, de Socrate et peut-être de Lao Tseu le fondateur incertain historiquement du taoïsme. C’est une époque de bascule dans l’histoire spirituelle de l’humanité.

Il donne pendant 45 ans dans la vallée du Gange un enseignement progressif, cohérent et innovant pour cet environnement de culture brahmane, avec ses prêtres et ses sadhus avec qui il a des échanges de haut niveau. Ceux qui le suivent pour écouter son enseignement et vivre comme lui constituent naturellement une communauté de disciples sans lieu de vie ou de prière fixe, vivant des aumônes de leurs contemporains, donnés spontanément en échange de leurs conseils et enseignements (c’est le sangha d’origine). Cette situation était assez fréquente à cette époque où il n’y avait ni temples ni pagodes et certains guides spirituels avaient une audience beaucoup plus importante que celle de Bouddha (certains sutras estiment à 500 à 1200 personnes ceux qui suivaient provisoirement ou durablement Gautama).

Dans cet environnement de culture orale avec de nombreux disciples très attentifs, Bouddha n’a rien écrit de son vivant, mais son cousin et disciple proche Ananda aurait organisé juste après la mort de Gautama un concile avec tous les disciples disponibles pour s’accorder sur ce qu’ils avaient retenus de l’enseignement du guide. C’est ce qui a servi à la compilation canonique de la tradition theravâda (ou Hinayana), traduite du prakrit en pali (la langue de Ceylan) et mise par écrit quatre ou cinq siècles après la mort de Gautama. Ses textes se concentrent sur le socle de ses premiers discours, mais d’autres enseignements, souvent plus sophistiqués, ont été donnés à d’autres disciples avancés dans la réflexion et l’expérience spirituelle. Les sutras qui y correspondent constituent les textes sacrés de la tradition Mahayana, dont les textes, traduits d’abord en chinois au deuxième siècle de l’ère chrétienne, ne sont souvent connus que par leur retraduction en tibétain ou en japonais. Le bouddhisme a pratiquement disparu de l’Inde peu après l’empereur bouddhiste Asoka sous la pression du système de prêtrise des brahmanes qu’il remettait en cause. On retrouve ici l’opposition universelle entre les Messagers et les religions établies et la dérive d’un Message vers un système religieux que le bouddhisme est devenu dans de nombreux pays, ses versions occidentales étant des copies des versions asiatiques. Ce sujet est développé dans le post 27.

Comme les christianismes sont très éloignés de l’enseignement originel de Jésus, les « bouddhismes » sont souvent très éloignés de celui de Gautama. Prenons un exemple : tous les bouddhistes connaissent l’importance de l’enseignement sur l’impermanence pour se libérer de l’attachement, cause de souffrance. Dans cette logique, Bouddha a enseigné : « il n’y a pas de réincarnation parce qu’il n’y a pas de moi qui se réincarne« , or la plupart des soi-disant « maîtres bouddhistes » enseignent la réincarnation. Cette théorie qui ne figure pas (à ma connaissance) dans le Rig Veda a été introduite tardivement dans le Vedanta par les prêtres brahmanes pour figer leur statut supérieur dans une société de castes. Puis ils ont habilement réintroduit la réincarnation dans la pensée bouddhiste qu’ils tenaient à faire disparaître de l’Inde (voir le post 28).

Pour illustrer l’originalité de la pensée du Bouddha, prenons la question du moi. Il enseigna : « La théorie suivant laquelle le moi existe est vaine et fausse, mais la théorie suivant laquelle le moi n’existe pas est vaine et fausse, la Vérité est entre les deux, c’est le juste milieu que le Bouddha enseigne ». Ceci permet de dépasser la pensée dualiste que produit l’intellect logique.

Pourquoi incluons-nous Bouddha dans les Messagers de la Parole du Père de l’Univers ?
Les prophètes abrahamiques apportent un Message de Dieu et témoignent aussi de la manière dont celui-ci leur a été transmis, comme Muhammad, Moïse et bien d’autres et ils sont parfois le relais vers Dieu des questions que leur posent les hommes qui les entourent. Jésus est différent. Ainsi que le formule le Message de 1974, le Père a fondu Jésus en Lui parce qu’il s’est embrasé de Son Amour pour l’homme son frère et s’est élevé vers Dieu comme un fumée pure (32/3). Jésus plus que tout autre en Palestine ou à Arès incarnait la Parole et en était l’exemple vivant, il parle du « Père qui m’a envoyé enseigner l’Evangile », mais nous ne connaissons pas les circonstances dans lesquelles il a reçu cet Evangile.

Bouddha de manière similaire incarnait le Dharma qu’il a adapté aux circonstances et à son auditoire, il n’y a donc pas contrairement au Coran un Livre révélé du bouddhisme. De plus, dans l’environnement culturel des brahmanes, Bouddha parlait autrement de Dieu. La citation de Bouddha la plus connue sur ce sujet est : « La question de savoir si Dieu existe ou n’existe pas ne tend pas à édification et sur ce sujet le Bouddha gardera un noble silence. Ce qui tend à édification, c’est la pratique de l’octuple sentier » (juste compréhension, juste pensée, juste parole, juste action, juste moyen d’existence, juste effort, juste attention, juste concentration). On parvient à Dieu par une tension vers le Bien.

Ce qui nous rappelle la logique de Kant : « Nous constatons une loi morale de tension permanente vers une sainteté jamais atteignable dans l’instant, elle doit avoir une destination finale, c’est le souverain Bien. Que ce souverain Bien soit possible suppose une Cause, postule un souverain Bien primitif qui ne peut être que Dieu. Il est donc moralement nécessaire d’admettre l’existence de Dieu » (Critique de la raison pratique, LII ch.2, V).

Mais on trouve aussi dans le canon pali (Udanas) et dans certains sutras du Mahayana ceci : « Il existe, ô moines, un Non Né, Non Devenu, Non Créé, Non Composé. S’il n’existait pas, il ne serait pas possible de sortir du né, devenu, créé, composé. Le Bouddha l’affirme parce qu’il le sait« . De qui d’autre que le Créateur Unique pourrait-il s’agir ici ?

Sur la question de l’âme, nous pensons qu’il ne faut pas comprendre la négation de l’atman par Bouddha comme une négation de l’âme dont le Bouddha a sûrement fait l’expérience intérieure. C’est au concept brahmanique que Bouddha s’attaquait. S’il avait déclaré crûment : « Les sacrifices ont été inventés par les prêtres pour s’enrichir à vos dépens, la réincarnation a aussi été inventée par eux pour justifier leur statut et verrouiller la société, et l’atman permanent en est l’improbable base théorique », il est probable que sa vie eut été raccourcie. Il faut donc toujours resituer les enseignements du Bouddha dans leur contexte, la la société où il prêchait, les obstacles qu’il rencontrait et les objectifs pédagogiques qu’il poursuivait.

Bouddha a développé des concepts très sophistiqués comme la coproduction conditionnée, ou la non-dualité comme dans le Lankavatara 27, un des sutras du Mahayana qui comporte à l’évidence des ajouts ultérieurs, mais aussi des enseignements fiables : « Quant à la non-dualité, Mahamati, comme l’ombre et la lumière, le long et le court, le noir et le blanc, toutes choses n’existent pas réellement en tant qu’elles ne sont que contraires interdépendants. Mahamati, le nirvana ne se trouve pas ailleurs que dans le samsara et le samsara ne se trouve pas ailleurs que dans le nirvana : rien n’oppose le samsara au nirvana. Non-duelles sont toutes choses. Etudie diligemment la vacuité, le sans-naissance, la non-dualité et l’absence de nature propre. »

La proximité de langues de la même famille indo-européenne entre l’Occident et Gautama facilite la compréhension des sutras. C’est plus difficile pour l’arabe du Coran, langue sémitique. Cela explique en partie pourquoi le bouddhisme est devenu populaire en Occident, mais dans une version altérée par les modifications apportées aux sutras et par les filtres culturels des peuples qui ont servi de relais comme les tibétains ou les japonais.

En Asie et en Occident, l’enseignement du Bouddha a profondément marqué l’histoire de l’humanité et sa vie fut exemplaire de vertu et d’un dévouement sans arrière-pensées à tous ses contemporains. Hommage à lui !