Y a-t-il eu une inondation cataclysmique qu’on appellera le Déluge ? Noé a-t-il existé ?

Les inondations catastrophiques au Pakistan en juin 2022 montrent des images de Déluge. Un tiers du pays sous l’eau, 33 millions d’habitants affectés, plus de 1 000 victimes. La mousson est imprévisible. Mais les inondations de 2010 avaient déjà fait plus de 2 000 victimes. Entretemps, le pays n’a pas fait grand-chose pour prévenir un nouvel épisode de pluies diluviennes. Le bilan est douloureux, mais le tsunami de 2004 fit plus de 250 000 victimes, surtout en Indonésie.

Pour des raisons religieuses ou scientifiques, des spécialistes sondent la réalité historique du Déluge évoqué par la Bible et le Coran. La plupart ignorent le Coran et se contentent du texte biblique. Pour leurs études et fouilles, ils mettent en œuvre des expertises techniques complémentaires. A partir de leurs analyses, nous déduirons ici que le Déluge est un fait historique et que le texte coranique est beaucoup plus fiable que la Bible et compatible avec les dernières découvertes scientifiques.

Mirca Eliade ne voit dans le Déluge qu’un mythe. Il rapproche la Genèse de textes d’autres cultures eurasiennes où le Déluge est rattaché à une faute rituelle. Elle provoqua la colère de l’Être suprême qui décide de mettre fin à l’humanité. Il pense que le récit biblique fusionne deux versions indépendantes et que les Hébreux ont emprunté le mythe aux Babyloniens.

Irvin Finkel, spécialiste des écritures cunéiformes travaillait sur une tablette d’argile babylonienne vieille de 3700 ans. Il l’analysa et la compara au récit biblique. Il construisit le plus grand bateau possible utilisant les techniques disponibles à l’époque de Noé, une arche circulaire de 3600 m2. Elle sombra dès son lancement sur un canal. Après cette tentative infructueuse, il pense « à 107% » que l’arche de Noé n’a jamais existé par impossibilité d’y embarquer ces couples d’éléphants et de girafes des tableaux d’artistes.

1 Le Déluge : catastrophe historique ou mythe religieux ?

Commençons par quelques repères historiques des Messages du Créateur évoqués dans le post 19. Selon le Coran, les premières créatures adamiques datent d’il y a 50 000 ans. Selon la Bible, Il y a neuf générations entre Adam et Noé (à une époque où les patriarches auraient vécu près de 1000 ans), et il y a neuf générations entre Noé et Abraham qui aurait vécu vers – 1800. Ces vagues généalogies permettent seulement de conclure que Noé a vécu à une époque reculée, très longtemps après les premières morts des créatures adamiques.

Les travaux scientifiques récents permettent une datation hypothétique pour Noé, quand la population de la Mésopotamie était urbanisée. Des techniques de construction de bateaux existaient au septième millénaire avant J.C. Or c’est à cette époque qu’aurait eu lieu la rupture du rempart terrestre du détroit du Bosphore et l’inondation qui a rempli la Mer Noire. Ainsi, Noé pourrait avoir vécu 6300 ou 5500 avant J.C. (les scientifiques débattent des dates et des modalités de cette inondation). C’est bien avant l’épopée de Gilgamesh ou la prophétie de Zarathoustra (post 5) qu’on peut dater du troisième millénaire.

Il est donc logique qu’on retrouve des traces du récit du Déluge. Car il a marqué la mémoire des hommes transmise à leurs enfants. Le récit s’est propagé dans une vaste zone englobant la Turquie, l’Irak, l’Iran et plus tardivement l’Inde. L’hypothèse d’un mythe fondateur apparu séparément dans diverses cultures ne tient qu’aux invraisemblances du récit biblique.

Les inondations catastrophiques mettent en œuvre des pluies diluviennes qui gonflent les rivières ou des submersions par eau de mer, les deux se combinant parfois dans les régions côtières. L’eau de mer déferle lors des tempêtes, de plus en plus profondément avec l’élévation des niveaux des océans due au réchauffement climatique. Les inondations par pluie et rivières sont progressives. On peut les anticiper par des travaux de canalisation et les gérer en évacuant les populations en aval des fleuves.

Par contre les submersions marines sont d’une ampleur et d’une soudaineté sans commune mesure. Les pertes en vies humaines sont inévitables. Pour les réduire, il faut limiter les peuplements et installations industrielles dans les zones côtières, l’inverse de la tendance actuelle, et bien organiser les secours. La seule catastrophe à l’échelle planétaire fut cette météorite qui s’écrasa au Yucatan il y a 66 millions d’années. Elle causa l’extinction de nombreuses formes de vie, y compris les dinosaures terrestres. On estime la hauteur des vagues à 1500 m. L’humanité actuelle aurait bien du mal à faire face à une autre chute de météorite géante, possible mais très peu probable.

Les autres causes majeures de submersion sont par effondrement, éruption volcanique ou séisme tectonique. L’effondrement d’un volcan de Hawaï il y a 1,4 million d’années créa des vagues de 600 m de hauteur. Elles finirent leur course en Californie. Le glissement de terrain de 1958 en Alaska a provoqué un tsunami de 500 m. Heureusement, sa localisation n’a pas permis aux vagues de se propager à l’Océan Pacifique. Dans les causes volcaniques, la plus marquante fut l’éruption en 1883 du Krakatoa en Indonésie avec des vagues de 40 m. Celles de l’éruption de Santorin vers – 1500 (une explication plausible de la traversée à sec de la mer par les Hébreux guidés par Moïse) ont été estimées à 20m.

Plus récemment, le tsunami de 2004 en Indonésie fut la conséquence d’un séisme de 9,2 avec des vagues de 40m (5m à leur arrivée en Thaïlande). La catastrophe de Fukushima en 2011 (18 000 victimes), résulta d’un séisme de magnitude 9 avec des vagues de 30m (14m à leur arrivée sur la centrale nucléaire, construite au bord de la mer dans une région sismique). Les causes naturelles dont le déclenchement est rarement prévisible deviennent des catastrophes en vies humaines quand l’imprudence des hommes est de la partie.

Ainsi le déroulement de l’inondation du Déluge aurait pu commencer par un séisme ou une éruption sous-marine. Le tsunami qui en résulte peut briser la bande du Bosphore et inonder les basses terres pour remplir la Mer Noire. En fonction de sa puissance, il peut balayer les zones montagneuses avant de se déverser vers le Bassin de la Mésopotamie. Cette inondation a pu être accompagnée de pluies diluviennes. Mais les eaux en provenance du ciel ne peuvent constituer qu’une faible partie de la masse d’eau si la superficie de terre inondée est à la dimension d’une immense région et inclut des montagnes élevées.

2 les invraisemblances du récit biblique

L’histoire du Déluge est racontée dans les chapitres 6, 7 et 8 de la Genèse dans l’Ancien Testament.

Le récit biblique est très tardif par rapport aux temps de Noé. Il a été longtemps transmis par oral et arrangé pour servir les intérêts des scribes et des puissants. Les prêtres sacrificateurs de la descendance d’Aaron avaient tout intérêt à faire peur au peuple en lui faisant croire que Dieu avait décidé d’anéantir toute l’humanité. Et à prétendre que leurs sacrifices (Genèse 8/20) permettraient de se réconcilier avec Lui. Le mythe du pouvoir sacrificiel des prêtres est récurrent dans la Bible et le Veda (post 6).

Dès le début, le texte en 6/7 donne une image étonnante de Dieu (dont on ne sait quelle est la source, puisque Dieu ne parle à Noé qu’en 6/13). Il aurait décidé d’anéantir l’humanité à l’exception de Noé : « Dieu vit que l’homme ne pensait qu’au mal et se repentit de l’avoir créé. Il décida d’effacer de la surface de la terre tous les hommes et les animaux ». Et après le déluge, il regrette sa décision en 8/21 : « Je ne maudirai plus jamais le sol à cause de l’homme ».

Dieu donne des instructions à Noé pour construire une arche gigantesque (150m de long sur trois niveaux) : « Moi je vais faire venir le Déluge sur toute la terre pour détruire sous les cieux toute créature animée de vie. J’établirai Mon alliance avec toi ». L’interprétation traditionnelle est qu’il s’agit de la terre de toute la planète, mais rien n’interdit de penser qu’il ne s’agit que de la terre connue de Noé, celle où vit son peuple. Ses élites se moquent de lui quand il construit son arche. Comment Dieu pourrait-il passer une alliance planétaire avec cet homme qui ne sait rien de l’Himalaya ou des continents américain et africains, des territoires que les eaux, d’où qu’elles viennent, ne pourraient jamais recouvrir ?

La tradition évoque un Déluge causé par des précipitations catastrophiques : « Je vais faire pleuvoir sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits » (7/4). Noé se réfugie dans son bateau avec sa famille. Le texte dit : « ce jour-là, tous les réservoirs du grand Abîme furent rompus et les ouvertures du ciel furent béantes » (7/11). L’eau qui submerge cette région viendrait donc de deux sources, un grand Abîme et le ciel, ce que confirme 8/2 : « Les réservoirs de l’Abîme se referment ainsi que les ouvertures du ciel ».

Après la décrue, Noé envoie une colombe pour chercher la terre ferme. Un oiseau vole sur une distance limitée, ce qui confirme que le Déluge était une catastrophe localisée. La Bible situe sur le mont Ararat l’échouage de l’arche et indique que le niveau de l’eau dépassait toutes les terres de 7m50 alors que ce mont culmine à 5 137 m. Le volume d’eau impliqué est invraisemblable. Le Coran, plus crédible, parle d’un échouage sur le mont Djoudi (2350m, à 300 km d’Ararat).

Noé construisit un autel et sacrifia à Dieu des animaux purs. L’Éternel sentit une odeur agréable; Il dit en son cœur : « Je ne maudirai plus la terre, à cause de l’homme et je ne frapperai plus tout ce qui est vivant, comme je l’ai fait » (Genèse 8 : 21). Il bénit Noé et ses fils et fit apparaître un arc-en-ciel pour rappeler cette alliance : « L’arc sera dans la nuée et Je le regarderai pour me souvenir de l’alliance perpétuelle entre Dieu et tout être vivant ». Comme si YHWH pouvait oublier !

Dans la religion juive qui a transmis ce récit, depuis la deuxième destruction du Temple de Jérusalem, la caste des prêtres sacrificateurs a disparu. Seule la tradition rabbinique a perduré, elle s’est focalisée sur la Torah enseignée par le prophète Moïse (post 3). Il aurait transmis la Genèse et un grand nombre de lois déduites par les rabbins des textes des quatre livres qui décrivent sa vie et son action prophétique, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome. Le prophète Jésus (post 2) distinguait la Loi et les prophètes. Il s’est heurté aux rabbins en relativisant les 613 lois qu’ils pensaient déduire de la Bible. Donc pour nos frères juifs, l’exactitude du récit du Déluge n’est pas à ma connaissance un sujet majeur.

Contrairement à eux, les religions chrétiennes, en dépit de l’incohérence des récits bibliques, se sont accrochées à l’idée que tout le texte était inspiré en dépit de ses contradictions. Les recherches scientifiques montrent l’origine composite du texte et des rédactions très récentes par rapport aux événement décrits, surtout dans la Genèse. Ces religions ont veillé à ce que le Coran soit ignoré, alors que son texte rectifie les erreurs de la Bible et des théologies chrétiennes. La Parole dictée en 1974-1977 le confirme.

La regrettable conséquence de cet aveuglement est la montée en puissance de l’athéisme qui refuse l’invraisemblance des textes et des discours des théologiens. En contraste les chrétiens fondamentalistes se crispent, surtout aux USA et créent un clivage déstabilisant pour leur société.

3 La crédibilité du récit coranique

Noé apparait dans cinq sourates du Coran (7, 11, 23, 29 et la 71 qui a pour titre Noé) comme conseiller de son peuple pour l’avertir de l’imminence d’une catastrophe par inondation. Il montre la stratégie de survie : construire des bateaux pour flotter sur les eaux. Peu de croyants (11/40) l’écoutent et seront sauvés. Le peuple coupable (29/15) sera noyé, égaré par les riches en biens et en enfants (71/21) prônant l’attachement à leurs divinités (71/24).

Le texte du Coran est sans ambiguïté sur le fait que Noé s’adresse au peuple au milieu duquel il vit. « Ô mon peuple, adorez Dieu ! Qu’il n’y ait pour vous d’autre divinité que Lui. En vérité, je crains à votre encontre le châtiment d’un jour terrible (7/59) ». De plus la Sourate 7 comporte une série de cinq récits où chaque messager est envoyé spécifiquement à son peuple et où tous prononcent la même phrase : « Ô mon peuple ». Chaque récit se termine par l’anéantissement de ce peuple qui refuse d’écouter.

Dans le Coran, Noé est qualifié de messager mais pas de prophète. Sans doute parce que Dieu savait que très peu de gens de son peuple l’écouteraient. Il ne pouvait donc les guider pour réorganiser leur vie après la catastrophe. Allah avertit Noé des mesures à prendre pour survivre à une catastrophe qui s’annonce. C’est l’inverse du récit biblique où Dieu est en colère et décide de punir les hommes pour leurs péchés avant de le regretter. Cette instabilité émotionnelle, fréquente chez les hommes, serait surprenante de la part d’un Créateur Qui sait et Qui aime Sa Création.

Cette catastrophe a certainement englouti des populations qui vivaient au Nord du bassin mésopotamien. Il est logique que les peuples vivant en Basse Mésopotamie aient été témoins de cette catastrophe. Mais ils vivaient sur des territoires côtiers et inondables et disposaient de bateaux pour naviguer et faire le commerce fluvial. Ils étaient donc équipés pour faire face contrairement au peuple de Noé vivant sur des terres plus élevées. Ils ne voyaient pas l’utilité de construire des bateaux à l’Appel de Noé.

Je relaie ici la remarquable analyse du Dr Al Ajami sur le texte arabe du Coran : (https://www.alajami.fr/index.php/2022/05/24/noe-le-deluge-et-larche-selon-le-coran-et-en-islam-du-mythe-biblique-au-realisme-coranique/). La locution fâra at–tannûr est composée de deux hapax, tannûr n’est relié à aucune racine arabe. Elle connaît quinze occurrences dans l’Ancien Testament sous la forme hébraïque tannuwr/תנור avec le sens de four creusé, sans aucun rapport avec le déluge. Le verbe fâra, habituellement traduit par bouillir évoque aussi l’idée de palpitation et de jaillissement, jaillir, d’où sa traduction : « et que jaillissait/fâra le four sous terre/at–tannûr ».

Dans son récit, le Coran utilise la forme verbale de type IV agharaqa : noyer, inonder, submerger. On la retrouve uniquement pour Pharaon et son armée. Le champ sémantique coranique est cohérent avec une catastrophe d’origine sous-marine. Le peuple de Noé fut submergé par une énorme quantité d’eau déferlant soudainement sur la terre. Dieu ne décida pas arbitrairement de détruire le peuple de Noé, mais celui-ci était à son insu menacé par cette catastrophe que le Créateur anticipait. Alors Il leur missionna Noé.

La traduction dans l’article précité de 11/37 est : « Construis ces bateaux/al–fulk sous Notre regard selon Notre inspiration ». Fulk désigne tout type de navires au singulier ou au pluriel. Noé utilisa des « plaques/alwâḥ » et de « l’étoupe/dusur », une technique vieille d’au moins 8000 ans. Irvin Finkel l’utilisa pour faire le plus grand bateau possible. Mais il était trop petit pour contenir Noé, sa famille et ceux qui avaient cru, plus le chargement nécessaire à leur survie. Il est donc cohérent de supposer que Noé et ses fidèles construisirent plusieurs embarcations, d’où le choix coranique du terme al–fulk qui peut s’entendre au pluriel : « les bateaux ».

Une petite flottille de bateaux construite sur les instructions de Noé avec ses fidèles pour flotter sur les eaux avec leur famille, quelques animaux (ce peuple était plutôt éleveur) et le nécessaire pour survivre quelque temps est ce qu’on peut retenir du récit coranique. Avec la décrue des eaux, les survivants éleveurs ont pu reconstruire leur vie en amont de la basse vallée de la Mésopotamie, plus urbanisée et plus sophistiquée dans son organisation sociale. Les sémites juifs et arabes se considèrent descendants de Sem fils de Noé, et Abraham a commencé sa migration vers la Palestine en partant du pays d’Ur.

4 Quelles leçons tirer de l’analyse intertextuelle de l’épisode du Déluge ?

La première leçon de ce rappel historique et de l’actualité des inondations est que l’humanité, au lieu de se ruiner en guerres et en armements, devrait s’occuper de la survie des individus et des peuples. Améliorer l’alimentation et le système de santé, et renforcer les mesures de prévention et secours des catastrophes naturelles. Elles font partie de la dynamique de notre planète et se compliqueront avec le réchauffement climatique. Les pouvoirs pakistanais se préoccupent de leurs rivalités politiciennes et de leur confrontation stérile avec l’Inde. Ils surinvestissent dans l’armée et leurs services de renseignements. Leur désintérêt pour leur peuple et leur incurie gestionnaire sont en partie une conséquence de la partition : la division religieuse reste une des causes majeures des drames de l’humanité.

La deuxième leçon est que contrairement à ce que dit le texte biblique, Dieu ne s’est pas mis en colère et décidé à anéantir l’humanité. Il aime, appelle par ses messagers, et attend le retour de ses fils prodigues. Un argument avancé par beaucoup d’athées pour nier l’existence de Dieu est que si un Créateur Tout Puissant existait, le mal sur terre n’existerait pas. Ils oublient que la liberté a été donnée et laissée aux hommes. Il est difficile aux hommes modernes d’admettre que la mort résulte d’abord de l’éloignement du Créateur aux temps adamiques et qu’elle peut donc être vaincue. Ils se scandalisent de la mort physique, qui n’est qu’un passage vers un autre forme de vie.

Pourquoi Dieu est-Il intervenu pour prévenir Noé de la catastrophe imminente sans le faire pour le tsunami de 2004 ? Il a dévasté la région des Aceh connue pour son islamisme rigoriste (voir post 34§5), leur ville fut ratissée par les flots, seule la mosquée resta debout. Or, si le peuple de Noé ne pouvait pas anticiper les mesures de sauvetage, l’humanité actuelle a tous les moyens scientifiques et techniques pour éviter de faire des constructions fragiles au mauvais endroit. Encore faut-il qu’elle ait aussi conscience que le frère humain très éloigné reste son frère dont elle est solidaire. Et qu’elle alloue une partie de ses vastes ressources financières pour l’aider à se prémunir et que le destinataire de l’aide l’utilise à bon escient. De plus qui de nos jours écouterait un nouveau messager et agirait en conséquence ?

La troisième leçon de ce rapprochement entre le texte arabe et l’hypothèse la plus crédible des sciences naturelles est l’extraordinaire précision du Coran, dans les limites de la langue arabe de l’époque. Les nombreux négateurs ou contempteurs du Coran ne peuvent contester que ce texte a été transmis par Muhammad, un conducteur de caravanes en Arabie. Avant le début de la Révélation, il n’avait rien transmis de significatif qui puisse le classer parmi les érudits et les grands intellectuels. C’était un homme réputé pour sa droiture et sa sagesse vivant au milieu d’un peuple dont les mœurs n’étaient pas édifiantes, rien de plus, rien de moins.

Les négateurs de la Révélation coranique ont imaginé que des chrétiens et des juifs auraient transmis au prophète des récits de la Bible qu’il aurait incorporé dans le Coran. Cette hypothèse s’effondre face à la compatibilité du texte coranique avec toutes ces découvertes scientifiques totalement inconnues à l’époque du prophète. Comment cet homme vivant six millénaires après Noé dans une région très éloignée aurait-il pu trouver ou imaginer cette description de la catastrophe ? N’en déplaise au monde chrétien et aux athées, seule l’hypothèse d’un texte révélé par le Créateur par l’intermédiaire d’un Ange tient la route. C’est la conviction du 1,8 milliard de musulmans vivant sur notre planète.

La quatrième leçon est qu’il est vain d’opposer la foi dans les Révélations et la raison qui intègre la logique et les découvertes scientifiques. Les croyants réfléchis peuvent séparer dans les livres sacrés ce qui vient des prêtres, théologiens et scribes et ce qui vient des messagers et des inspirés. Il faut travailler au plus près des textes sacrés dans leur langue d’origine. La tradition musulmane affirme que le texte du Coran est fiable. Je suis de cet avis et j’ai constaté que la Bible et le Veda sont encombrés de livres d’hommes. Mais il faut aussi dépoussiérer le Coran de toutes les interprétations douteuses des pouvoirs que la Parole de 1977 (13/21) appelle « le roi qui tient la barbe de Muhammad ».

5 Replacer la Parole au cœur de nos vies

La bonne compréhension des textes de la Parole résulte d’un principe fondamental et d’une méthodologie. Le principe est rappelé par Dieu : « Ma Parole ne se divise ni ne se tait » (1974, 15/6). La méthodologie consiste à appréhender la totalité d’un texte sacré analysé en réfléchissant au sens de chaque mot à partir d’une part du contexte des versets voisins, d’autre part de toutes les occurrences de ce mot dans l’ensemble du texte sacré. Le Dr Al Ajami met en œuvre cette méthode pour son analyse intra coranique non interprétative qui donne de remarquables résultats pour balayer la poussière des interprétations conventionnelles de l’Islam.

Prenons l’exemple du droit à l’avortement un clivage fondamental aux USA. Des croyants qui se réclament de la Bible disent qu’avorter, c’est tuer, donc interdit. D’autres pensent que c’est à la femme de disposer de son corps comme elle l’entend. Si on reprend la Bible, il y est clair que la vie est liée au souffle, à la respiration. Donc un fœtus qui n’a pas respiré n’est qu’une espérance de vie dans le corps de la femme. L’avortement n’est pas interdit par la Parole, c’est à la femme de décider de ce qu’elle veut faire. Si elle décide librement de donner la vie, elle le fera par amour. Un enfant qui n’est pas voulu et aimé de sa mère sera presque toujours malheureux, ce que personne ne doit souhaiter.

Tous ceux, croyants et humanistes décidés à aimer toute l’humanité doivent mieux connaître leurs frères humains. Il faut dialoguer avec eux à partir de leur propre plateforme culturelle d’idées et de convictions. Les grands voyageurs constatent que l’absence de langue partagée crée une barrière regrettable entre humains. Elle peut être surmontée en apprenant au moins quelques rudiments de la langue et de la culture de l’autre.

Le post 55 évoque la perspective d’une laïcité de Lumières passant par une meilleure connaissance des textes sacrés déterminants dans le monde d’aujourd’hui. Le Coran est la référence de près de deux milliards de croyants et le Veda l’est pour plus d’un milliard. Ces deux textes sont largement ignorés du monde occidental dont le pouvoir financier et technologique est encore dominant sur cette planète.

Pour remonter à la source de ces textes, dans le cas du Veda, il faut dissocier le Veda inspiré aux rishis du Veda forgé par les prêtres sacrificateurs, les brahmanes. Dans le cas du Coran, il faut le dépoussiérer des interprétations conventionnelles faites par des juristes au service du pouvoir califal et largement figées depuis. Donc revenir au texte arabe pur comme le fait le Dr Al Ajami.

Pour un humaniste ouvert, la lecture du Coran dépoussiéré l’aidera peut-être à mieux comprendre le décalage entre les religions humaines dogmatiques et un Message qui pourrait venir d’un Créateur unique. Le Coran parle beaucoup des merveilles de la Création devant lesquelles tout homme peut s’extasier et insiste sur l’importance de chercher à comprendre par la raison. La raison ne s’oppose en rien à la foi émotionnelle qui enthousiasme. C’est la complémentarité chère à la tradition indienne entre Jnana, la connaissance et Bhakti, la dévotion.

Pour les athées convaincus, souvent à cause des scandales des religions, Dieu « souffle en silence dans leurs poitrines » (1974, 28/6). Ils savent dans leur conscience ce qu’ils ont à faire pour être justes et aimants. La solution aux drames sur cette planète est à trouver par les hommes. Par leurs actes de fraternité, accomplis par foi ou par humanisme. Les agnostiques sont souvent plus généreux que ceux qui se disent croyants. Tous, croyants ou non doivent empêcher les guerres meurtrières lancées par les pouvoirs.

Par l’effort de libération par la connaissance, de dépassement des cultures humaines qui divisent, nous pousserons vers l’agonie la Bête du pouvoir qui sera longtemps encore nourrie par les idéologies et servie par les ambitieux (post 60).