Ce post va évoquer l’histoire ancienne pour comprendre à quel point les tentacules de la Bête du pouvoir plongent profondément dans le passé de l’empire russe et anesthésient sa masse populaire. Pourquoi aussi l’Ukraine est si importante dans la conscience collective russe. La connaissance de ce contexte facilite la lutte contre cette Bête impérialiste et « orthodoxe » qui a tant fait souffrir le peuple russe et ses voisins (voir post 48). La dimension sacrée a presque disparu du monde politique, mais en Russie elle est très importante et le pouvoir religieux, soumis au pouvoir politique, endoctrine les masses.

Les analystes occidentaux connaissent la résistance des rois noirs (Parole de 1977, X/6) autocrates à abandonner le pouvoir. Surtout quand il est très concentré et que les guetteurs (XLV/11) à son service sont nombreux et disposent librement de toutes les technologies modernes de surveillance. Il y a une caméra pour 13 habitants à St Petersburg contre 18 dans l’Etat policier de Singapour. Certains espèrent une révolution du frigo avec un effondrement économique rapide, d’autres un renversement par l’armée ou par un groupe de rebelles disposant de ressources financières. Hypothèses hasardeuses !

En Russie, les révolutions n’arrivent pas par le bas de la pyramide économique de la population, des agriculteurs habitués à vivre avec peu. Le haut de la pyramide est puissant grâce à la confiscation des immenses ressources de la vente des matières premières. L’Etat trouvera toujours des clients officiels ou officieux par la contrebande. Et le milieu de la pyramide, la population éduquée et entreprenante qui peut fructifier dans les économies modernes a toujours été faible dans l’empire russe. Beaucoup ont émigré et continuent à le faire pour fuir les grandes crises. La guerre en Ukraine n’est que la dernière en date après celles de 1917, 1989, et 1998.

1 Le territoire de l’empire russe est protégé par des frontières naturelles

La Russie est et restera un empire géographique, le plus grand pays du monde s’étalant sur plus de 9 000 km d’Ouest en Est sur une terre marquée en Sibérie par la forêt, la taïga, et la flore subarctique, la toundra. Contrairement à l’Ukraine, les frontières de la Russie n’ont bougé que marginalement à part la vente de l’Alaska aux USA et surtout la constitution puis le démembrement de l’URSS, une agglomération forcée d’Etats-nation où la Russie dominait. Une petite rectification de frontières eut lieu à l’Est après la guerre perdue contre le Japon en 1905.

Les frontières naturelles sont bien marquées : au Nord, l’Arctique, à l’Est, le Pacifique, à l’Ouest la Mer Baltique et la chaîne de l’Oural qui sépare la Russie d’Asie de celle d’Europe (25% du territoire mais 80% de la population), et au Sud la barrière du Caucase. Les menaces aux frontières ne sont venues du côté asiatique que des cavaliers nomades turcophones comme les Huns et les Mongols. Et du côté européen, des Suédois puis de la Pologne. Puis bien plus tard des conquérants venus de l’Ouest comme Napoléon et Hitler. Les Russes se perçoivent encore comme un empire menacé.

Dans cet immense territoire froid et inhospitalier, les créatures adamiques venue du Moyen Orient s’aventureront très tardivement. Après la dernière grande glaciation, la Sibérie fut le foyer de cultures préhistoriques, on trouve des statuettes féminines en ivoire dès 22000 avant J.-C. Ces groupes de chasseurs cueilleurs ne laisseront pas de traces archéologiques significatives, mais finiront lentement par envahir le continent américain via le détroit de Behring. En Russie, ils ont été exterminés, absorbés par les envahisseurs mongols ou slaves ou marginalisés comme les inuits.

C’est dans leur contexte sibérien qu’on situe les traditions chamaniques avec l’invocation des esprits du gibier pour faire une bonne chasse. Avec l’augmentation de la population, invasions et échanges commerciaux se développeront entre la Russie et les peuples voisins. À l’est, les cultures du Baïkal contribuent à l’artisanat néolithique chinois et au nord de l’Altaï, les mobiliers des sépultures princières en -600 sont décorés comme celles des Scythes, des nomades venus d’Asie vers -8000. A partir de -3000, des sarmates, puis des mongols et des turcs se substituent aux anciennes populations autochtones. Les Goths envahissent la région au IIIe siècle après J.-C.

En Sibérie, le peuplement indigène fut progressivement submergé par la pénétration russe sous le régime tsariste. Le cosaque Iermak, bat les Mongols et s’empare du khanat de Sibir (d’où le mot Sibérie). Il est repoussé au-delà de l’Oural et revient en force en 1586. La défaite définitive des Tatars ouvre aux Russes les plaines asiatiques occupées par des groupes de chasseurs et des marchands de fourrures incapables de résister aux mousquets des conquérants. La construction du Transsibérien (1891-1916) permettra l’industrialisation. La Russie d’Asie est la base inexpugnable de la puissance russe. Elle n’était pas propice au développement agricole, mais le devient avec le réchauffement climatique. Elle détient d’immenses ressources en matières premières à proximité des grands marchés, la Chine et le Japon, et facilement accessibles pour la consommation européenne.

Il y a 69 « nationalités » dans la fédération, mais les russes (des slaves) représentent plus de 80 % de la population. Le groupe altaïque (Turcs, Mongols, Tatars de Crimée et de Kazan) est à 7 %, suivi par les Caucasiens et les Ouraliens. Les républiques ou régions autonomes conservent une certaine spécificité culturelle, mais les villes, souvent multi ethniques, sont toujours dominées par les slaves. Les villages restent le plus souvent mono ethniques. La densité de population totale est inférieure à 10 habitants au km2.

2 L’histoire des populations slaves

Le proto-slave, issu du satem indo-européen, est parlé dans une large région autour de l’Ouest de l’Ukraine, par des groupes humains qui se séparent vers -900 de ceux qui iront peupler le Nord et parlent le proto balte. Ils survivent dans la forêt, après s’être éloignés des civilisations du Moyen Orient et de Méditerranée. Ils ne connaissaient pas le tour, leurs poteries étaient primitives et difformes, les traces d’objets métalliques sont rares, il n’y a presque pas de nécropoles datant des débuts des Slaves. Leur réputation était abominable auprès des peuples méditerranéens qui les considéraient comme des sauvages, imprévisibles et assoiffés de sang.

Leur expansion démographique rapide en a fait le premier groupe linguistique européen avec 268 millions de locuteurs en Russie, Pologne, Ukraine ou Serbie. Ils se sont étendus vers l’Est par conquête de territoires de chasse avant de passer à l’agriculture. C’est cette base paysanne qui constitue encore la grande majorité de la population russe.

Après l’effondrement de l’empire des Huns au Ve siècle après J.-C., les Slaves de l’Est descendent vers la mer Noire, envahissent une partie de l’Empire byzantin avec leurs bateaux creusés dans des troncs d’arbre, coupent les communications avec Rome et vont jusqu’à la Crète. Les historiens de Constantinople, au VIIe siècle, ont donné des descriptions de batailles et de leurs pratiques, comme écorcher vifs leurs captifs. Les Slaves attaquent seuls ou avec les Avars (des cavaliers turcophones) et sont aussi redoutés que les hordes d’Attila.

Ils arrivent en Russie vers le Ve ou le Vie siècle, prenant la place laissée par les Germains. Ils entrent en relation avec divers peuples turcophones, les Khazars, des steppes d’Ukraine et de Crimée, et les Bulgares de la Volga et des Balkans. Ils paient tribut aux Khazars et subissent au Nord la pénétration des scandinaves qui deviennent les maîtres du Dniepr et de la Volga pour contrôler le commerce entre Baltique et mer Noire. La première dynastie qui règnera sur la Rus’ de Kiev puis la Moscovie de 862 à 1598, les Riourikides sont des varègues scandinaves. Une organisation féodale remplace la vie communautaire. Des chefs recrutent à leur service des guerriers et des bourgs fortifiés comme Kiev, Smolensk et Novgorod jalonnent les voies fluviales.

L’histoire ancienne montre donc des peuples slaves très éloignés à tous points de vue de leurs ancêtres adamiques. Ils ont oublié la Parole et sa Loi d’Amour et de Justice, et prolongent ce vœu d’Adam de dominer par la violence la terre et leurs frères humains. Sans la Lumière du Père ni Son Souffle, ils couchaient sur l’ombre (VII/2). Ils transforment en bruit d’homme la Parole, dévoyée pour mentir, tromper, convoiter au-delà de leurs besoins de survie et opprimer les faibles. Ils tètent la Force du Père (VII/7) et s’en servent pour réduire leurs femmes en génitrices et cuisinières.

Les animaux carnivores ne tuent pas par plaisir, ils le font pour se nourrir. Les guerriers qui torturent obéissent aux ordres. Mais certains s’en délectent comme en témoignent des victimes ukrainiennes de soldats russes. La torture plus ou moins subtile reste très répandue car La Bête du pouvoir se nourrit de la turpitude des hommes qui se mettent à son service. Elle trouvera toujours des satrapes sans pitié. Pour les romains qui crucifiaient les rebelles, les celtes gaulois ou germains étaient leurs barbares. Mais les slaves anciens étaient probablement pires dans la pratique du mal et de la violence criminelle.

3 La construction de la nation et de l’empire russe

Plus tardivement qu’en Europe, en Chine ou au Japon, le pouvoir profane commence en Russie par une période féodale qui se transformera en empire au fil des conquêtes. Les mythes et la religion arrivent plus tard, car ce peuple de slaves vivait dans une survie au quotidien sans se poser de questions existentielles. Le fondateur de l’État russe, Oleg, prince de Novgorod, se serait établi à Kiev en 882. Il rassemble toutes les tribus des Slaves de l’Est, un processus que poursuivront les grands-princes de Kiev. L’État de Kiev, force militaire très basique, établit des relations avec Byzance, alternant guerres et traités commerciaux (le premier est signé en 907).

La culture byzantine et son christianisme pénètrent en Russie, favorisé par certains princes ou combattu par d’autres comme Sviatoslav (945-972), prince normand resté païen. C’est Vladimir qui impose à ses sujets « le baptême de la Russie » vers 988 pour épouser une princesse byzantine convoitée. Kiev reçoit de la Bulgarie ses clergés, ses livres saints et la liturgie slavonne. L’église favorise l’unification des slaves de l’Est et le rassemblement de leurs territoires sous l’égide des grands-princes de Kiev. Les luttes sanglantes entre princes qui briguent le siège de Kiev provoquent parfois l’intervention des nomades qui fragilisent l’État de Kiev. Novgorod, qui colonise les vastes territoires du Nord, se rend indépendante de Kiev en 1136. En 1169, le prince Bogolioubski pille la ville et la délaisse pour résider à Vladimir. Sa principauté devient le centre du second État russe, le futur grand-duché de Moscou.

Dans ces régions de forêts et de marais entre Oka et Volga, les colons russes se mêlent aux autochtones finnois pour constituer la nation grand-russienne (Kiev est la « petite russie »). Cette Russie du Nord-Est demeure à l’écart des grandes voies du commerce international. Les villes n’y jouent plus le rôle économique et politique privilégié qu’elles détenaient dans l’État de Kiev à l’exception de Pskov et Novgorod, cités marchandes libres assurant le commerce avec l’Occident. Les princes russes alliés aux Coumans sont écrasés, en 1223, par la grande armée mongole qui détruit le royaume des Bulgares. Commandée par un petit-fils de Gengis Khan, elle ravage les principautés de Vladimir, Tchernigov et Kiev (1240). La Russie centrale est soumise à un lourd tribut annuel et fournit aux mongols des contingents militaires. Seul le clergé est exempté de toute charge, et la Horde, même après son islamisation tolère les églises. Le morcellement de la Horde d’Or en plusieurs khanats (Kazan, Astrakhan, Crimée, Sibérie) et la consolidation de la puissance moscovite permettront à Ivan III de libérer définitivement la Russie des mongols en 1480.

Moscou, sous la coupe du prince Nevski (1276-1303), acquiert la suprématie sur les autres principautés russes avec l’aide des clergés. Le métropolite, qui résidait à Vladimir depuis la chute de Kiev, s’établit à Moscou en 1326. Vassili II (1425-1462) affermit son pouvoir, refuse l’union avec Rome conclue à Florence (1439) et fait arrêter le métropolite Isidore. L’Église russe se détache de Constantinople et en 1589 la métropole de Moscou devient un patriarcat.

Les russes sont donc passés en quelques siècles d’une vie frustre de groupes luttant pour la survie à la violence guerrière au service des ambitions des princes et aux superstitions de l’église orthodoxe. Ni l’éducation du peuple, ni son bien-être ne préoccupent les puissants et les échanges avec les civilisations européennes se limitent à des intérêts commerciaux. Il faudra attendre le XIXe siècle et le développement d’une intelligentsia autonome favorisée par les tsars éclairés pour qu’émerge la grande culture russe, ses écrivains et musiciens.

4 L’engendrement de la Bête du pouvoir russe : les tsars

Ivan III adopte le titre d’autocrate (samoderjets) et revendique l’héritage de Byzance. Il organise un État puissant et centralisé et soumet la Russie à un système administratif et judiciaire unique (Code de 1497) au service de ses ambitions d’expansion et de modernisation. Ivan IV (1533-1584) se fait proclamer tsar en 1547, poursuit la reconquête sur les Tatars musulmans et l’expansion vers la Sibérie, mais la Crimée, vassalisée par les Ottomans, reste redoutable. Aux confins méridionaux des États moscovite et polono-lituanien s’établissent des communautés cosaques, grossies des paysans fuyant le servage.

Ivan le terrible, tsar de 1547 à 1584, instaure un régime de terreur avec sa police, opprime les paysans, mais perd la guerre contre les Suédois. Sa dynastie s’achève à la mort de Fédor Ier en 1598 remplacé par Boris Godounov (1598-1605). Suédois et Polonais interviennent, mais sont chassés de Moscou en 1612 par un sursaut populaire et religieux. Michel Romanov est élu tsar par le zemski sobor de 1613, mais le roi de Pologne ne renoncera qu’en 1634 à ses prétentions au trône de Russie.

Les premiers Romanov gardent les structures administratives et économiques archaïques mais ouvrent la Russie vers l’Europe malgré l’opposition virulente des tenants de la tradition. L’introduction de techniques modernes entraîne un afflux de techniciens étrangers, civils ou militaires, à Moscou où se développent la métallurgie et la fabrication de canons. La réunion de l’Ukraine orientale à la Russie (1654) entraîne une longue guerre, et le traité d’Androussovo partage l’Ukraine entre la Russie et la Pologne.

Sous Ivan IV, les nobles de service et les ecclésiastiques renoncent peu à peu à leur indépendance pour disposer librement de leurs terres et leurs habitants. Le servage se développe, le Code de 1649 le légalise et il fixe à leurs faubourgs les commerçants. Seuls les gros marchands sont privilégiés, protégés de la concurrence étrangère par le statut de 1667 : les juristes se mettent au service des puissants. Ces injustices provoquent des émeutes urbaines et des jacqueries.

Pierre le Grand (2m03), tsar de 1782 à 1825 est un despote éclairé par son voyage en Europe. Il renforce son armée, gagne la guerre du Nord (1700-1721) et une fenêtre sur la Baltique où il fait construire sa nouvelle capitale, St Pétersbourg. Il réforme les institutions, abolit la douma des boyards, crée huit gouvernements locaux et un Sénat. Il se proclame empereur de Russie (1721), soumet l’Église à l’État et remplace le patriarcat par la direction collégiale du saint-synode. Il crée des écoles, des académies et des instituts pour assurer une éducation sécularisée et occidentalisée à la noblesse. L’industrie, grâce au travail servile, connaît un grand essor (métallurgie et textile).

Les méthodes du rationalisme occidental s’adaptent aux réalités russes, mais les citadins ne représentent que 4 % de la population qui reste compartimentée en classes : la noblesse soumise au service du tsar, les paysans et petits-bourgeois soumis à la capitation, les marchands, le clergé, les cosaques et les allogènes (autochtones de l’Eurasie et Juifs). Catherine II la Grande (1762-1796) cherche à faire admettre la Russie au rang des grandes puissances européennes et poursuit les conquêtes territoriales contre les Ottomans. La Russie occupe la Crimée et annexe la Biélorussie, l’Ukraine occidentale et la Lituanie à l’issue des trois partages successifs de la Pologne. Le servage est imposé aux territoires conquis.

Avec Alexandre I er (1801-1825) la Russie se couvre de colonies militaires, et toutes les idées avancées sont censurées, l’intelligentsia se tourne vers l’opposition politique. Il annexe la Géorgie orientale, la Finlande et la Bessarabie. Après avoir participé aux coalitions contre Napoléon (1805-1807) il engage en 1812 la « grande guerre patriotique » contre l’envahisseur. Les armées russes victorieuses libèrent l’Europe dont le congrès de Vienne fixe la nouvelle organisation. Il conclut avec l’empereur d’Allemagne et le roi de Prusse la Sainte-Alliance (1815), qui doit assurer la sécurité collective de l’Europe « en conformité avec les principes du christianisme ». Il partage à nouveau la Pologne et reconstitue un royaume « définitivement uni » à l’Empire. En 1828, les Russes reçoivent le nord de l’Azerbaïdjan, l’est de l’Arménie et le Daguestan. La frontière avec l’Iran est fixée par les traités de 1813 et 1828. Le Kazakhstan est en partie rattaché à la Russie et Sakhaline est occupée.

La Russie est devenue une grande puissance militaire avec un pouvoir tsariste de droit divin, à la fois roi noir et roi blanc et qui a donc préséance sur les dignitaires religieux de l’orthodoxie.

5 La résistance interne et externe au tsarisme

Les jeunes officiers tentent un putsch en décembre 1825 pour obtenir une Constitution. Nicolas Ier (1825-1855) ordonne de tirer au canon sur la foule. La répression est sévère : cinq rebelles sont exécutés, et cent sont envoyés au bagne en Sibérie. L’intelligentsia des universitaires libres de service se constitue dans les années 1830-1840 pour transformer la société. Elle se partage en deux clans : les occidentalistes, imprégnés de philosophie allemande, qui souhaitent une démocratie bourgeoise et les slavophiles, libéraux mais monarchistes, qui prônent le retour aux valeurs slaves, à l’orthodoxie et animeront le panslavisme.

Le tsar impose sa formule « orthodoxie, autocratie, nationalisme » et dénigre l’Occident « pourri et athée ». En 1848 un adepte de Fourier crée un cercle dominé par des idées socialistes utopiques, avec Dostoïevski. Ils sont envoyés au bagne. Le tsarisme est menacé par la révolution et la question d’Orient, la guerre de Crimée survient en 1854. La Russie, techniquement faible, doit faire face aux attaques sur la Baltique, la mer Blanche et l’Océan pacifique. Elle capitule et le traité de Paris de 1856 lui interdit toute flotte de guerre ou fortification sur la mer Noire et son droit à protéger les peuples des Balkans.

Sous Alexandre II (1855-1881) la Russie s’attaque à l’empire ottoman en avril 1877 et prend Sofia en 1878. Le traité de San Stefano accorde l’indépendance à la Roumanie, à la Serbie et au Monténégro. L’intervention de l’Angleterre et de l’Allemagne-Hongrie, aboutit au congrès de Berlin de 1878. La Bulgarie est partagée en trois parties : l’une reste ottomane ; les deux autres sont autonomes. La Russie reçoit la partie de la Bessarabie perdue par la guerre de Crimée.

En interne, le tsar entreprend de grandes réformes et abolit le servage en 1861. Le paysan a droit à sa maison et ses dépendances, peut acheter des biens immobiliers, se livrer au commerce, à l’industrie et intenter des procès. Des réformes théoriques qui ne changent pas la misère de la paysannerie mais elle garde confiance au tsar en blâmant les nobles et les propriétaires. Le mouvement étudiant prend de l’ampleur contre les restrictions à l’université. L’attentat manqué par un étudiant en 1866 provoque une recrudescence de la répression tsariste.

Alexandre développe le capitalisme en Russie. De 1830 à 1880, la production textile est multipliée par quatre, celle de la houille du Donbass par huit, la production de pétrole passe à 10 millions de tonnes. La métallurgie en Ukraine s’ajoute à celle de l’Oural. L’État étend le réseau ferré, qui passe de 1 500 à 25 000 km. Vers 1880, les grandes entreprises contrôlent la totalité de la production, mais la Russie industrielle reste loin derrière l’Occident. Le commerce extérieur triple (exportation des céréales malgré la famine), et le développement dans l’industrie lourde attire les capitaux occidentaux. L’exode rural crée un prolétariat industriel soumis à de dures conditions de travail. La population s’accroît rapidement : en trente ans, elle augmente de sept fois et demie dans les campagnes et double dans les villes. Saint-Pétersbourg atteint 1 5 Million d’habitants, Moscou 1 Mn, Odessa 400 000 et Kiev 250 000. Ces villes sont des centres culturels et économiques, mais aussi des foyers révolutionnaires.

En 1905, une manifestation de 150 000 personnes marche vers le palais pour réclamer plus de droits, avec des icones religieuses et des popes en tête. Le tsar fait tirer dans la foule. Le 14 juin, scandalisés par la viande avariée qu’ils doivent manger, les marins du Potemkine se rebellent et hissent le drapeau rouge. Le tsar fait quelques concessions, la liberté de se réunir et de la presse, et instaure une Douma consultative élue en 1906 qu’il dissoudra trois fois entre 1906 et 1917.

La déclaration de guerre en 1914 permet au tsar de mobiliser le soutien populaire et d’arrêter les révoltes, mais son incompétence sonne le glas du tsarisme : 170 000 morts pour rien, une chair à canon méprisée par les officiers. L’Allemagne reprend la Pologne, 23 millions de russes tombent sous sa tutelle. L’empereur prend la tête de l’armée et laisse le pouvoir à l’impératrice (d’origine allemande et sous l’influence du maléfique Raspoutine). L’absence du tsar, l’antisémitisme et la répression des libertés sapent la légitimité impériale, les caricaturistes se déchaînent. La révolution de 1917 abat la Bête des tsars de droit divin et la remplace par celle du communisme athée.

6 Staline (1879-1953) et la mondialisation de la Bête communiste

Lénine s’empare du pouvoir russe et déclenche sa terreur rouge contre tout contestateur potentiel. Ses bolcheviks dominent un pays ruiné et meurtri après quatre ans de guerre plus trois ans de guerre civile et plus de 13 Mn de victimes, dont 8 lors de la famine de l’hiver 1921 (seulement la moitié des terres cultivées en 1913 l’est en 1921). L’URSS est proclamée le 30 décembre 1922 et reconnue seulement en 1933 par les USA : la rivalité entre les grandes puissances se profile.

Staline prend le pouvoir à la mort de Lénine en 1924, ce n’est pas un intellectuel mais un agitateur révolutionnaire infatigable et un bon organisateur. Il dévoile son implacable volonté de puissance personnelle, fait tuer tous ses concurrents et ordonne des massacres à grande échelle. Il se présente comme seul garant de la cohésion du parti bolchevik pour construire le « socialisme dans un seul pays avec une révolution par le haut » alors que Lénine prônait l’internationalisation de la lutte prolétarienne. Staline domine le parti avec sa police politique tentaculaire, et le parti domine les soviets et l’État. L’industrialisation planifiée à marche forcée avance grâce à la main d’œuvre gratuite des prisonniers politiques parqués dans les goulags, mais la collectivisation des terres agricoles est un terrible échec. L’éducation est mise au service de la propagande et de l’industrie, l’analphabétisme régresse.

Staline investit dans le charbon et l’acier au Donbass à la fin des années 20, puis confisque les récoltes des paysans hostiles à la collectivisation en 1932. C’est « l’Holodomor », une extermination par la faim qui fait 5 Mn de victimes. Elle cible l’Ukraine, région la plus fertile de l’URSS. Staline voulait se venger des ukrainiens résistants, comme Poutine qui martyrise Marioupol, une ville russophone qui lui a résisté lors de la guerre du Donbass. En 1939 l’Europe entre en guerre, l’URSS reste neutre mais les troupes d’Hitler l’envahissent en juin 1941. L’erreur du pacte germano-soviétique et l’impréparation à la guerre (il fait fusiller ses espions qui l’avaient averti) est le plus grand échec de Staline qui s’enferme dans sa datcha. Il se ressaisit le 3 juillet, monopolise les pouvoirs civils et militaires et appelle les soviétiques à l’alliance sacrée. Il fait des concessions à l’Église orthodoxe pour restaurer les valeurs traditionnelles et mobilise la population au service de la « grande guerre patriotique ».

Les succès militaires soviétiques permettent au « petit père des peuples » adulé de ses concitoyens de s’attribuer une stature de grand chef militaire. En 1945 il se proclame généralissime. La victoire militaire aura coûté plus de 20 millions de morts et près de la moitié du pays dévasté par les nazis. Il ordonne à l’armée de se ruer sur Berlin pour y arriver avant les alliés et étendre son territoire de puissance. Il roule dans la farine Roosevelt et Churchill à Yalta qui acte une répartition des zones d’influence entre les occidentaux dominés par les USA et l’empire russe, le prélude à la guerre froide.

Staline règne sans partage sur ce nouvel empire, le congrès du parti n’est plus réuni avant 1952. Vénéré à l’égal d’un dieu, Staline devient paranoïaque. Il parque dans les camps de travail forcé tous ceux qui pourraient douter du « génie du chef ». Au plan technologique, économique et financier, la Russie n’était pas de taille à rivaliser avec les USA, mais au plan militaire, grâce au piratage par ses espions de l’arme nucléaire (utilisée par les USA en 1945 contre le Japon), Staline peut terroriser le reste du monde. Son successeur à la tête de l’URSS, Khrouchtchev, poursuit dans cette voie. Avec ses missiles cubains, l’apocalypse nucléaire a failli se déclencher. L’extension de l’influence russe sera surtout servie par l’exportation de l’idéologie communiste qui échouera en Europe mais réussira en Asie. Une catastrophe pour les populations locales, décimées et appauvries.

La Bête impérialiste russe connait ainsi son apogée avec Staline, un idéologue athée qu’aucun scrupule moral n’arrête. Il prolonge les crimes tsaristes dans une indifférence totale à la vie humaine. Mais avec des moyens plus importants, services secrets, armée et police. La fausse promesse (Parole de 1974, 31/4) des clergés orthodoxes, le bonheur dans l’au-delà, a été remplacée par celle du bonheur des peuples après la réussite de la révolution socialiste. Le stalinisme est le modèle cher à tous les dictateurs : la violence des satrapes y tient une place centrale et la vénération du chef s’impose. Staline a été adulé par la masse russe peu éduquée, vers laquelle la propagande mensongère est efficace (et le reste !).

Mao s’en inspirera et causera 70 millions de morts avec sa révolution culturelle qui fera de la Chine un nain économique. Staline patronne le dictateur nord-coréen Kim Il Sung qui envahit le Sud et contraint les USA à voler à son secours. Le stalinisme inspire aussi le dictateur cambodgien Pol Pot qui se voyait comme un dieu sur terre et fait massacrer 20% de sa population, les non khmers, les opposants et les individus éduqués ou affiliés à une religion. Le tribunal jugeant les Khmers rouges a qualifié de crime de génocide selon le droit international ce programme pour « établir une société athée et homogène en supprimant toutes les différences ethniques, nationales, religieuses, raciales, de classe et culturelles ».

Des accusations de crime de guerre et de « génocide énergétique » de l’Ukraine émergent. La Bête russe communiste s’est réincarnée et réinventée orthodoxe avec Poutine mais reste une calamité pour son peuple et les autres. L’effondrement de l’URSS dans un contexte de crise économique due aux mauvais conseils des « experts » américain a été un traumatisme pour les russes rêvant de puissance et explique la stratégie de conquête de Poutine et son large soutien populaire qui aurait grimpé de à 73% après le début de « l’opération spéciale » en Ukraine. Ces chiffres sont discutables mais crédibles et la tendance est indéniable, alors que ceux des « référendums » d’annexion de Poutine n’ont aucun sens.

7 Le soutien populaire et ecclésiastique à la Bête du pouvoir russe

Le niveau moyen d’éducation de la population russe a toujours été faible en raison de l’habitat dispersé et de l’exploitation par les pouvoirs sous l’égide des dynasties de princes d’origine balte, des tsars, puis des dictateurs communistes. La base électorale de Poutine est donc beaucoup plus fruste que celle des autres pays européens ou asiatiques et se laisse facilement endoctriner par la propagande. Leurs références culturelles anciennes sont inexistantes et la culture russe, celle des grands écrivains comme Tolstoï ou Dostoïevski ne date que du début du XIXe et s’est faite à l’école européenne.

Les pouvoirs se méfient des intellectuels qui peuvent devenir des contestataires, Pouchkine a été exilé et Tolstoï excommunié. Les jeunes entreprenants et dynamiques vont maintenant chercher liberté et fortune vers l’Occident. Le pays vieillit rapidement et l’exil s’accélère avec la guerre en Ukraine. Ceux qui restent sont tentés par l’argent du pouvoir pour devenir bureaucrate, espion ou mercenaire. La disparition du rêve impérialiste viendra avec le réalisme auquel ont dû se soumettre au fil des générations les pays européens devenus des puissances moyennes.

Le post 50 § 5 a cité deux prix Nobels : « l’homo sovieticus n’est pas mort, ni les dictatures » ; « quand on a été opprimé très longtemps, la liberté est vide, elle fait mal. De la dictature il reste des rues défoncées et une économie à genoux, mais aussi des gens déboussolés qui n’ont pas l’impression d’avoir vécu sous une dictature mais le souvenir d’une vie correcte ». L’économie s’est améliorée au début du mandat de Poutine grâce à l’envolée des prix du pétrole. Elle va se dégrader avec l’inflation et l’émigration des jeunes, mais il faudra longtemps pour que la base paysanne en ressente les effets.

La population paysanne reste anesthésiée par ses popes et leurs pratiques cultuelles habilement conçues pour envoûter les fidèles. Les orthodoxes ne sont dans le monde que 10% des chrétiens, mais en Russie, les deux tiers de la population se disent orthodoxes, le double de l’époque stalinienne. C’est une base idéale de puissance pour les dominateurs des pouvoirs religieux très éloignés de la Parole de l’Evangile ou du Coran et le soutien des popes est essentiel au pouvoir. Poutine affiche sa religiosité en public et arrose les monastères. La Parole de 1974-1977 permettra un jour aux chrétiens orthodoxes d’ouvrir les yeux sur le charlatanisme de leurs popes comme les catholiques l’ont fait dans leur immense majorité par rapport aux prêtres et comme les protestants finiront par le faire à l’égard de leurs pasteurs.

Elle nous dit : « Sauve, ne juge pas » (Parole de 1974, 27/3). Nos frères ukrainiens, agressés par la Bête russe et ses suppôts, ont besoin de notre aide pour passer l’hiver et se protéger ensuite de la violence aveugle de la Bête russe. Ils nous donnent un exemple admirable de courage, de dignité et de fraternité, la nation ukrainienne serre les coudes. Mais nous devrons aussi aider nos frères russes à se libérer de la Bête qui anesthésie le peuple russe comme ils nous ont aidé il y a plus de 80 ans à nous libérer de la Bête hitlérienne. Ce que nous n’oublions pas, d’autant moins que ses râles se font encore entendre dans l’extrême droite européenne.

Les jeunes russes qui ont pu s’éloigner de la guerre comme ceux qui sont au cœur de la tourmente, les mobilisés et leur famille, joueront un rôle déterminant et les futurs porteurs de la Parole pourront les aider, qu’ils soient chrétiens ou athées au cœur généreux. Le Fleuve de la Parole a tardé à irriguer les steppes des slaves de l’Est parce que le témoin de 1974 a étouffé les traductions en langues slaves du Message pour garder son emprise sur le poulain agile de la Parole qu’il faut libérer de son harnais (veillée 10/10). La veillée 28 annonce des bouleversements sociaux contre les riches et les puissants déclenchés par nos frères des steppes, les athées scandalisés par la religion qui pourront avoir recours à la violence (post 60). Mais qui peut prévoir où et quand cela se produira dans les générations qui viennent ? Dans les steppes iraniennes (post 64), dans les steppes russes ou ailleurs ?

En Ukraine, à court terme, il faut d’abord que la guerre et son carnage cessent le plus vite possible, pas sous la forme d’un cessez-le-feu fragile comme les accords de Minsk, mais d’une Paix du Saint (1977, XXV/11) qui se plante durablement mais risque d’être longue à définir et à consolider (post 62).

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