D’après le Lancet, en 2020 dans le monde, parmi les grossesses non désirées, 61% environ se sont terminées par une interruption volontaire de grossesse (soit 73 millions d’avortements par an). Ainsi, malgré les obstacles grandissants érigés par les politiciens et les clergés, les femmes continuent courageusement de décider elles-mêmes de leur destin de mère. Elles refusent que des enfants naissent sans l’avoir demandé avec le risque de vivre dans un contexte émotionnel douloureux. Mais dans beaucoup de pays pauvres et sous la pression des traditions, l’avortement est très difficile à décider et à mettre en œuvre.

La pression religieuse la plus forte sur les femmes occidentales vient surtout du catholicisme dont le guide suprême, le pape François, vient de décéder. Paix à son âme ! Lors d’un voyage en Belgique en septembre 2024, il qualifia la loi belge sur l’IVG de « loi meurtrière ». Il ajouta : « Un avortement est un homicide, les médecins qui font cela sont, si vous me permettez l’expression, des tueurs à gages. » Même parmi ses fidèles, ses propos ont scandalisé. Les doctrines romaines changeront elles avec Léon XIV ?

Le sujet de fond est la définition de la vie humaine, à juste titre considérée comme sacrée, qui ne fait pas consensus dans les religions. La Parole de 1974 nous dit : l’homme est corps, esprit et âme, les trois seront réunis en mon Jour (de la Résurrection). Mais la distinction entre l’esprit et l’âme n’est pas claire dans les textes sacrés en langues sémitiques. Deux mots peuvent être traduits par âme : nephesh en hébreu (nafs en arabe) et rouh. Leur étymologie est liée à la respiration. En français, les deux mots sont bien distincts, mais par métonymie, le mot « âme » désigne couramment l’être vivant lui-même.

1 Des drames humains dans les pays pauvres

Alors que la France a consolidé le droit des femmes à l’avortement et que les américains s’écharpent entre les pro-life, endoctrinés par la théorie chrétienne qui suppose que l’âme existe dès la fécondation et les pro-choice, pour le choix libre des femmes, aucun pays ne conteste en théorie le droit d’une femme violée à avorter. Mais sur le terrain, la réalité est sombre dans certains pays.

La loi brésilienne actuelle n’autorise l’avortement qu’en cas de viol, de danger pour la mère ou d’anomalie cérébrale du fœtus avec des peines allant jusqu’à 4 ans de prison. Un projet de loi en cours criminaliserait l’avortement au-delà de 22 semaines, même en cas de viol, l’assimilant à un homicide passible de 20 ans de prison.

Selon, le ministère de la santé de l’Etat de Rio, plus de 5000 viols ont été enregistrés en 2024. Les victimes sont principalement des mineures, souvent victimes de leurs proches, elles contactent rarement la police. Ce chiffre est donc très sous-estimé. Or seulement 384 IVG légales ont été réalisées. Tout se passe dans la clandestinité, la honte et les risques de santé.

Selon Courrier International du 3 juillet, une victime de viol de 34 ans a dû aller dans l’Etat du Mato Grosso et à son retour chez elle, les employés d’un centre de santé l’ont contactée pour demander des détails sur la mort du fœtus. Une autre, hospitalisée pour l’IVG, a reçu la visite d’une médecin pour lui annoncer qu’elle ne la prendrait pas en charge, car sa priorité était les femmes enceintes.

Le maire de Rio a décidé en juin d’obliger les hôpitaux publics à afficher des messages dissuasifs comme « le fœtus est éliminé avec les déchets hospitaliers, le saviez-vous ? ». Ou « donnez une chance à la vie, vous avez le droit de donner anonymement votre enfant à l’adoption ». Avec la montée du conservatisme social, c’est un calcul électoral payant, mais qui peut nier la souffrance d’un enfant qui découvre que sa mère biologique l’a abandonné ?

Les classes politiques et cléricales sont dominées par des hommes. Au Brésil, 89% se déclarent chrétiens et 8% sans religion. Les églises évangéliques sont de plus en plus puissantes et opposées à l’avortement. Les femmes en sont les principales victimes et ne peuvent compter que sur le soutien de quelques associations créées par des féministes, résistantes à la violence domestique et sociale.

Quand l’humanité était encore peu nombreuse, les femmes étaient utilisées par les mâles dominateurs comme source de plaisir sexuel et reproductrices pour avoir plus de guerriers et de fidèles. La société encensait les mères de nombreux enfants. Aujourd’hui, la pression sociale pour empêcher les femmes d’interrompre leur grossesse a changé. L’idéologie religieuse est le principal facteur, alors que beaucoup de pays souffrent de surpopulation et de mégapoles congestionnées.

2 Le long processus d’évolution de la vie biologique

Le Dessein du Créateur pour la vie se déroule sur un temps très long. Après le Big Bang, il y a 13 milliards d’années, puis la stabilisation de la planète, la vie apparait vers – 3,8 milliards avec des bactéries qui se reproduisent par division cellulaire. La différenciation sexuelle végétale apparait vers – 1,5 milliard, les insectes vers – 400 Mn, les mammifères vers – 220 Mn, les singes vers – 35 Mn, les hominidés vers – 7 Mn, les premiers homos vers – 3 Mn.

Les premiers sapiens parlants, nos ancêtres, apparaissent vers – 50 000. Leur vie biologique et leur reproduction s’inscrit dans cette longue évolution : après la fécondation par un homme, un embryon s’implante dans le corps de la mère. Les extraordinaires progrès de l’imagerie médicale nous permettent d’en savoir beaucoup plus sur le processus de la grossesse.

De manière assez surprenante, l’apparence de l’embryon donne l’impression de parcourir des stades de l’évolution de la vie animale avant de commencer à prendre forme humaine. Le cœur de l’embryon commence à battre à 6 semaines, on parle de fœtus à partir de 9 semaines. Une activité électroencéphalographique démarre à 12 semaines et il commence à bouger à 14 semaines. L’embryon séparé du corps de la mère peut survivre à partir de 22 semaines. Le taux de survie grimpe exponentiellement jusqu’à 26 semaines grâce aux techniques de la médecine moderne.

Le fœtus est considéré comme arrivé à son terme de développement entre la 35e et 39e semaine. Les grands prématurés, jusqu’à 32 semaines contrôlent mal leur respiration, ils doivent être placés dans un incubateur et alimentés par gavage ou intraveineuse. Leur vie est fragile et ils peuvent subir des complications avec des séquelles définitives.

Au lieu de « fausse couche », on parle de mortinaissance à partir de 22 semaines. En France, si l’enfant est né vivant mais non viable ou lorsque l’enfant est mort-né après un terme de 22 semaines ou ayant un poids de 500 g, l’officier d’état civil inscrit « enfant sans vie ».

Du point de vue médical, il est donc indéniable que le processus de respiration est déterminant pour assurer la vie autonome du bébé qui poussera son premier cri en étant séparé du corps de sa mère et en cherchera le sein.

3 La vie dans la Parole

Dans la Genèse biblique en 2/7, Dieu modela l’homme avec de la poussière prise du sol, insuffla dans ses narines et l’Adam se mit à vivre. Le Coran indique en 15/29 qu’Il l’a mis à niveau (sawaituhu) en soufflant dans lui de Son Esprit/Souffle (rouh-i). La vie passe par les narines : s’il ne respire plus, l’homme meurt rapidement. Les créatures adamiques héritent alors de certains attributs de Dieu, ce que la Bible appelle l’image et ressemblance de YHWH, dont la parole qui nécessite de respirer.

Le verset coranique 15/35 utilise le mot zawj, moitié, ce qui selon Al Ajami est un archétype Adam/Eve des créatures adamiques, masculin et féminin à égalité. La vie humaine est sacrée dans la Parole. Le meurtre d’Abel par Caïn est honni par Dieu et Moïse rappelle dans les dix Paroles : « Tu ne tueras point ». Le Coran condamne fermement l’infanticide à plusieurs reprises comme dans la sourate 6/140 : « Ils sont certes perdants, ceux qui ont, par sottise et ignorance, tué leurs enfants ». Deux pratiques criminelles, assez courantes à l’époque sont visées : le sacrifice propitiatoire du premier enfant à une idole pour avoir une progéniture abondante et l’enterrement des petites filles vivantes par préférence pour les descendants mâles.

La notion d’âme n’est pas explicitée dans les textes d’autrefois. Le Coran dit : « Ils t’interrogent au sujet de Rouh. Dis : Rouh relève de Amr rab-bi (l’ordre de mon Seigneur). Et on ne vous a en donné que peu de connaissance (17/85) ». Mais la Parole de 1977 nous éclaire : « L’âme est le regard, la main, la gorge, l’estomac du spectre ; par elle Je peux le réchauffer de l’éclat de Ma Gloire, Je peux le conduire vers les magnificences infinies, Je peux entendre sa louange et sa conversation. Je peux le nourrir à jamais ». Le spectre est le statut de l’homme qui a quitté son corps mortel sans avoir pris soin de son âme.

Le destin de l’âme transcende donc celui du corps mortel, c’est elle qui permet l’échange avec Dieu. Sa réalité n’est pas accessible aux sciences de la vie ni aux doctrines des théologiens qui prétendent définir ce qu’est la vie humaine. Ils butent sur leur ignorance, mais l’âme est la vie par excellence.

On peut certainement déduire de la Parole que la vie humaine est liée au souffle. Or le fœtus ne peut exhaler que quand il est séparé du corps de sa mère qui peut entendre son premier cri et ses pleurs implorant qu’elle le nourrisse.

Dans le corps de la mère, la masse charnelle du fœtus a, comme ses membres et ses organes, une vie biologique mais pas de vie autonome. Il n’est qu’une espérance de vie portée par le désir de ses parents, a minima de sa mère. Et c’est la respiration de sa mère qui lui donne la vie.

4 L’avortement dans les sociétés humaines

Pendant un temps très long, les créatures adamiques exilées d’Eden vivaient en groupes limités de chasseurs cueilleurs. La naissance ou la mort d’enfants, celle de la mère en cas de grossesse difficile, étaient soumises aux hasards de santé et des conditions de vie d’un groupe nomade. Nous n’avons aucune trace de pratiques d’avortement. La situation a commencé à changer quand les sapiens ont développé l’agriculture, se sont sédentarisés et regroupés en cités avec des chefs militaires et religieux.

Le texte juridique le plus ancien est le Code de Hammurabi, vers -1750, qui interdit l’avortement. A l’inverse, en Égypte antique, le papyrus Ebers contient des prescriptions pour faire avorter les femmes, probablement pour épargner des vies. L’avortement est très mal vu chez les Hébreux qui doivent veiller à se multiplier. Les femmes stériles culpabilisent.

Dans l’antiquité grecque et romaine, seul le père a droit de vie et de mort sur sa progéniture et l’avortement est réprouvé ou puni car il prive le père de son droit. Le père peut décider d’abandonner le nouveau-né qui ne lui convient pas à la mort ou à l’esclavage. Les philosophes débattent de l’existence de l’âme dans l’embryon. Les pythagoriciens la situent dès la conception, les stoïciens et les néo-platoniciens dès l’apparition de la respiration, et Aristote imagine un développement progressif. Leurs spéculations auront une influence sur la pensée chrétienne et celle-ci sera déterminante sur les codes juridiques profanes.

Au XIIIe siècle, des théologiens chrétiens imaginent l’apparition d’une âme du fœtus à 40 jours pour les garçons et à 80 jours pour les filles. L’avortement dans ce délai ne serait donc pas théoriquement condamnable en droit canonique. Mais en 1585 l’étau se resserre et le pape Sixte Quint condamne formellement l’avortement, quel qu’en soit le terme.

Le code pénal français de 1810 pénalise l’avortement : « quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, manœuvres, violences ou par tout autre moyen aura procuré ou tenté de procurer l’avortement d’une femme enceinte ou supposée enceinte, qu’elle y ait consenti ou non, sera puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans, et d’une amende de 1.800 à 100.000 F. La femme concernée sera punie d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 360 à 20.000 F ».

En 1858, le Code pénal de l’Empire ottoman, rédigé d’après ce code français, est adopté. Il interdit et criminalise l’avortement dans tous les territoires sous domination ottomane. Néanmoins, dans la jurisprudence, il n’est considéré que comme un phénomène social. Les accusés sont des médecins, des infirmiers, des pharmaciens, etc., plutôt que les femmes elles-mêmes.

En Inde, depuis 1971, l’avortement est légal jusqu’à 20 semaines de grossesse, avec l’aval d’un médecin pendant les 12 premières semaines, puis de deux médecins au-delà. En 2021, la loi a été amendée pour allonger le délai de 4 semaines pour les victimes de viol, ou si une malformation congénitale est détectée chez le fœtus.

Le problème culturel majeur en Inde est la préférence pour les garçons qui conduit à des avortements sélectifs. La persistance de la dot est une cause, mais le statut de la femme en Inde est peu enviable, l’illettrisme sévit davantage chez les filles. C’est le cas dans beaucoup de pays, mais avec le vieillissement, la préférence des parents pour le sexe de leurs enfants s’est équilibrée. Ils savent que les filles s’occupent mieux de leurs aînés.

Ainsi, dans tous ces pays où les religions ont eu un poids déterminant, l’avortement est plus ou moins sévèrement réprimé légalement et il faudra un long combat des femmes pour que les situations changent. Le droit à l’avortement est même menacé dans de nombreux pays, des États-Unis à la Pologne en passant par l’Argentine et l’Irlande. Des pays à majorité catholique se distinguent par une interdiction totale de l’avortement comme l’Andorre, la République Dominicaine, le Salvador, Malte, le Nicaragua et le Vatican.

Dans beaucoup de pays musulmans, l’avortement n’est autorisé que lorsque la vie de la femme est en danger, quand le fœtus est malformé ou en cas de viol. Ces principes permettent à quelques femmes d’y avoir recours mais ne laissent aucune place aux avortements volontaires. En dépit de cela, les femmes continuent à défier le statu quo et les lois archaïques par leurs pratiques quotidiennes et leur militantisme.

Comme en 2012, en réaction à un projet de loi visant à restreindre l’accès à l’avortement en Turquie, les femmes ont manifesté pour clamer : « L’avortement est un droit. La décision d’avorter appartient aux femmes ».

5 L’avortement dans la tradition judéo-chrétienne

La seule référence à une cause d’avortement dans la Bible est en Exode, 21/22-23 : « Si des hommes se querellent, et qu’un d’entre eux heurte une femme enceinte, provoquant une fausse-couche, mais sans autre préjudice, le responsable sera puni d’une amende imposée par le mari de la femme, qu’il devra payer devant les juges ».

Dans le judaïsme, les positions sur l’avortement sont tirées de l’étude de la Bible hébraïque, du Talmud, et des décisions au cas par cas des responsables et de la littérature rabbinique. D’une façon générale, les Juifs traditionalistes s’opposent à l’avortement, avec quelques exceptions relatives à la santé de la mère.

Dans le principe, le judaïsme ne considère pas le fœtus comme un être humain intégral, donc supprimer un fœtus n’est pas un homicide. En étudiant les lois bibliques de l’homicide, les rabbins en ont conclu que l’homicide ne concerne qu’un être humain animé (nefesh adam, Lévitique 24:17), mais pas un embryon, car l’embryon n’est pas une personne.

Pour le judaïsme libéral ou réformé, l’avortement est un choix extrêmement difficile auquel fait face la femme. En toute circonstance, ce doit être sa décision de continuer ou d’arrêter sa grossesse, soutenue par ceux en qui elle a confiance (médecin, thérapeute, partenaire, etc.). Cette décision ne doit pas être prise à la légère, cependant, toute décision doit rester le choix personnel de la femme dans le ventre de laquelle grandit le fœtus. Légalement, en Israël, l’avortement est globalement interdit pour les femmes de 17 à 40 ans, mais la diaspora se mobilise pour rendre les interruptions de grossesse légales.

Au début du christianisme, le concile d’Ancyre (314) décrète : « Les femmes qui se prostituent, qui tuent leurs enfants ou qui cherchent à les détruire dans leur sein étaient, par l’ancienne ordonnance, excommuniées jusqu’à la fin de leur vie. Nous avons adouci cette mesure et les avons condamnées aux divers degrés de pénitence pendant dix ans. »

L’avortement est condamné, soit comme une intervention dans l’œuvre de Dieu, soit comme homicide par Basile le Grand : « La femme qui détruit volontairement un fœtus encourt la peine d’un meurtre ». Ce que confirme le concile Quinisexte de 692 : « Les femmes qui procurent les remèdes abortifs et celles qui absorbent les poisons à faire tuer l’enfant qu’elles portent, nous les soumettons à la peine canonique du meurtrier. »

Au concile de Vienne en 1312, « l’Église catholique a exclu tout dualisme entre le corps et l’âme dans la nature humaine, niant ainsi la préexistence de l’âme avant le corps ; il faut les deux pour constituer un être humain, l’âme animant le corps. Toutefois le concile n’a pas précisé à quel stade du développement humain avait lieu cette union de l’âme et du corps »

En 1679, Innocent XI confirme que la condamnation de l’avortement est indépendante des controverses théologiques sur la date l’insufflation de l’âme. Par la suite, les différents papes reviendront à de nombreuses reprises sur ce sujet. La position du pape François s’inscrit dans cette longue tradition et les orthodoxes ont généralement la même doctrine.

La majorité des églises chrétiennes évangéliques sont pro-vie et sont contre toute interruption volontaire de grossesse. Elles soutiennent les agences d’adoption et les agences de support social pour les jeunes mères. La doctrine actuelle du christianisme sur l’avortement correspond donc, pour la très grande majorité des Églises, à une condamnation ferme et totale.

Mais pour les protestants, l’avortement est une question éthique, et c’est avant tout à chacun de prendre ses responsabilités face à Dieu sans se retrancher derrière une position de principe, un texte biblique ou une interprétation de la volonté de Dieu. Cela conduit les protestants à accepter l’avortement comme dernier recours et comme un mal nécessaire qu’il s’agit toutefois de prévenir par des politiques d’éducation sexuelle et d’accès à la contraception.

6 L’avortement dans l’islam

Le Coran ne dit rien sur l’avortement, mais pour une femme enceinte, il précise un délai de viduité pour le divorce et le remariage et une période d’attente où le mari doit en assumer la charge : « Si vous avez des doutes à propos de vos femmes qui n’espèrent plus avoir de règles, leur délai est de trois mois. Et quant à celles qui sont enceintes, leur période d’attente se terminera à leur accouchement. Quiconque craint Dieu cependant, Il lui facilite les choses ».

Ainsi les règles sur l’avortement dans l’Islam ne peuvent s’appuyer que sur des hadiths ou des opinions des érudits et commentateurs juridiques et religieux. Un hadith dit : « En ce qui concerne votre création, chacun de vous est recueilli dans le ventre de sa mère pendant les 40 premiers jours, il devient un caillot en 40 jours supplémentaires, puis un morceau de chair pendant 40 jours supplémentaires. Alors Allah envoie un ange pour insuffler l’âme dans son corps ».

Ainsi, la plupart des savants de l’époque médiévale considéraient la limite de 120 jours (17 semaines) comme une ligne de démarcation claire dans le développement du fœtus : le moment auquel celui-ci reçoit son âme et devient donc un être humain. La pensée musulmane se souciait davantage de préserver la vie de la mère que de déterminer le début de la vie. Les érudits musulmans prémodernes étaient donc plus tolérants envers l’avortement

Un autre hadith (« Lorsque deux choses interdites se rencontrent [sur une personne], alors le moindre sera sacrifié pour le plus grand ») est mobilisé par des savants chiites pour décréter que l’avortement est autorisé pour sauver la personne vivante.

Les avis diffèrent suivant les ayatollahs. Pour Al-Sistani, l’avortement est interdit sauf si la naissance d’un enfant pouvait mettre en danger la vie de la mère et il ne doit pas avoir lieu après quatre mois de grossesse. L’Ayatollah Ali Khamenei, accepte l’avortement même après quatre mois de grossesse si la vie de la mère est menacée et si le bébé qui viendra au monde serait « mort-né ».

Dans l’Islam sunnite, les avis sur l’avortement sont très divers mais s’accordent avec l’avis majoritaire dans l’Islam chiite qui établit la limite des quatre mois de grossesse pour procéder à une IVG. Le chafiisme, qui domine en Asie du Sud-est et dans certaines régions d’Afrique, autorise les IVG jusqu’à 40 jours de grossesse et les avis divergent au sein même de ce mouvement quant au stade de développement du fœtus.

J’ai interrogé un imam français avec une longue expérience, consulté par beaucoup de femmes musulmanes enceintes et hésitantes. Il commence toujours par affirmer que le Coran n’impose pas de contrainte et qu’il ne peut donner qu’un avis. Il ajoute que le choix d’une IVG est au final celui de la femme, mais que le père est concerné. Il reçoit et écoute les deux et essaie de comprendre le contexte du couple.

Dans presque tous les cas où il a été consulté, il a déconseillé l’IVG et les parents n’ont pas regretté d’avoir suivi ses conseils. A ma question sur l’âme, il a évoqué ce délai de 120 jours. Ont peut constater que ses conseils sont beaucoup moins rigides que ceux des clergés chrétiens.

7 Soutenir le choix des femmes dans une IVG

Dans ma génération (je suis né en 1950), j’avoue que la cause des militantes du MLF (Mouvement de libération des femmes), n’était pas toujours prise au sérieux. Beaucoup de choses échappaient aux hommes comme moi respectueux des femmes, parce que nous n’étions pas directement concernés et parfois loin des réalités sociales du quotidien.

C’est par l’expérience de la vie et des voyages partout dans le monde que j’ai progressivement compris que l’oppression des femmes était un problème grave et sérieux partout dans le monde et qu’elles avaient réellement besoin de notre soutien inconditionnel.

Cette recherche pour écrire ce post m’a confirmé à quel point la domination des mâles, tout au long de l’histoire humaine et leur emprise sur les pouvoirs religieux, militaires, puis politiques, a créé des drames dont les femmes, les enfants et les humbles ont été les principales victimes.

Dans nos sociétés occidentales, les combats politiques ont permis aux femmes de conquérir une liberté qu’elles n’avaient jamais eu depuis les temps adamiques, avant que nos ancêtres ne s’éloignent de Dieu. Avec les moyens modernes de communication, les combats se mondialisent et nul n’ignore le courage des femmes iraniennes qui ont crié « Femme, Vie, Liberté » et ont rallié le soutien moral de beaucoup d’hommes et de femmes dans le monde. Le régime des mollahs s’effondrera un jour ou l’autre.

Ecoutons la Parole dictée par Jésus 1974 : « Quand Mes Témoins étaient retombés dans le péché, ne furent-elles pas seules à résister au tentateur, à rendre témoignage de Ma Résurrection ? Établis partout les femmes dans leurs mérites ! ». La Voix de Dieu en 1977 ajoute : « Épais le cheveu de femme, sa main s’ouvre sur le frère, sa dent mord la braise, fait le fil. La femme (a) la paix. Entre ses dents coule la Parole, le soleil descend de son sein. »

Il y a toujours des exceptions, mais qui peut nier le rôle déterminant que les femmes assument pour pacifier l’humanité par leur courage, leur générosité, leur spiritualité ?

8 Conclusion sur l’interruption volontaire de grossesse

Dans la Bible et le Coran, Dieu crée l’être humain à partir de matière inerte et lui insuffle la vie par les narines. Il le crée à son image et à sa ressemblance avec certains de ses attributs comme la parole et la liberté.

Dans le message de 1997 (post 77), Il nous dit : « Je suis mon propre dessein qui t’est pour toujours étranger » et « En contribuant au Bien, vous inclinez mon dessein en votre faveur ».

Dans la Bible et le Coran, Dieu donne comme exemple de dessein accompli Marie mère de Jésus, qui inspire les chrétiens comme les musulmans. Dieu la choisit pour lui envoyer l’ange Gabriel lui annoncer Son Dessein pour elle : une grossesse surnaturelle qui permettra de mettre au monde un prophète d’exception. C’est une situation difficile pour cette fiancée à Joseph. Elle aurait pu refuser, mais elle accepte : « Je suis la servante du Seigneur, que tout se passe comme tu l’as dit » (Luc 1/38).

Les clergés religieux veulent imposer à la femme des contraintes abusives sur sa décision de mettre au monde un enfant, mais ces insensés oublient la sublime leçon donnée par Marie à qui l’ange a laissé le choix. Elle a dit oui parce qu’elle connaissait sa force et elle a prouvé ensuite qu’elle était une mère admirable.

En résumé :

  • Dans la Parole, la vie, c’est le souffle.
  • Le fœtus dans le corps de la mère ne respire pas et n’a donc pas encore de vie autonome, c’est un ensemble coordonné de cellules qui fait intégralement partie du corps de sa mère.
  • Il n’est qu’une espérance de vie portée par ses parents, ou au moins sa mère en cas de viol ou de géniteur indifférent.
  • S’ils hésitent à mener la grossesse à son terme biologique, les deux parents impliqués peuvent et doivent se concerter et demander des conseils, car qui a envie de faire venir au monde un enfant qui risque fortement d’être malheureux ?
  • Le Dessein du Créateur qui donne la vie inclut le respect de la liberté de la femme et du couple d’interrompre ce processus qui pourrait aboutir à une nouvelle vie dont les parents porteraient la responsabilité.
  • Mais c’est la femme qui doit décider en dernier lieu, car c’est elle qui peut mettre au monde le fœtus, l’allaiter et elle sera presque toujours déterminante dans le soin apporté au nourrisson. Elle seule mesure sa capacité à rendre son enfant heureux.
  • L’homme complet est corps, esprit et âme. Ses cellules se sont développées et coordonnées dans le corps de la mère, elles permettent à la naissance de faire vivre un esprit autonome.
  • Après le stade d’un esprit innocent, du nourrisson et du bébé, l’âme permet le dialogue avec le Créateur. Elle se forme progressivement quand l’enfant distingue le bien et le mal et peut faire des choix de conscience. L’âme déterminera son destin après la mort du corps physique.
  • La Parole ne donne donc aucun délai pour une interruption volontaire de grossesse. Cette décision ne remet pas en question le Dessein du Créateur et ne porte pas atteinte à une vie individuelle. Les délais qu’évoquent les théologiens sont liées à des spéculations sur le moment de l’apparition de l’âme dans un fœtus.
  • Au contraire, les obstacles religieux et sociaux à l’IVG risquent de retarder la décision, voire de l’empêcher, et de faire venir au monde un enfant malheureux ou un adulte traumatisé par la découverte que sa mère biologique a dû se séparer de lui. Les parents, et surtout la mère, devront assumer toute leur vie leur lourde responsabilité face à un enfant en vie qu’ils n’avaient pas souhaité.
  • Quand la grossesse avance et que la femme enceinte sent le fœtus bouger, il y a sans aucun doute un impact émotionnel dans le corps de la femme. Mais elle doit se sentir libre de prolonger la grossesse jusqu’à son terme. Car son contexte peut évoluer, elle peut détester le père de l’enfant qui la violente et la trompe, elle peut sentir les limites de sa résistance physique et psychologique face à sa responsabilité de mère… Elle ne doit jamais culpabiliser face aux idéologies religieuses et culturelles.
  • L’IVG est toujours un cas de conscience individuel, c’est à la mère de trancher.