Le rapprochement entre le Veda (post 6) et les sutras de Bouddha (post 4) concerne naturellement le monde indien où ils sont apparus historiquement. Mais il concerne aussi le monde occidental où des bouddhismes et hindouismes culturels se développent, généralement de manière cloisonnée. Chacun se référe à un maître ou guru, à un monastère ou un ashram. Ceci limite l’approfondissement spirituel que permettraient des échanges éclairés.

Le post 21 traite de la difficulté à rapprocher le Coran et l’Evangile. La Parole qui ne se divise ni ne se tait appelle à écarter les livres d’hommes qui créent division et confusion. Il faut restaurer les Messages d’origine, le Rig Veda des richis et le Dharma de Bouddha, puis les rapprocher. Mais comment ?

Ram Chandra (voir post 12), situé dans la tradition du Veda, témoigne de ses « intercommunications avec des âmes libérées » dont Bouddha. Que nous disent ces messages ?

1 Que nous dit Bouddha depuis 2 500 ans ?

Le 8 février 1946, intercommunication de Bouddha à Ram Chandra : « Je n’ai trouvé la paix nulle part sinon dans mon cœur. J’ai passé ma vie dans la forêt, mâchant des feuilles. J’ai fait tant de choses au moyen desquelles je n’ai obtenu que le parfum du Nirvana. J’ai pratiqué beaucoup, combattu d’inutiles pensées et déblayé buissons et fourrés. Puis j’ai eu cette lumière. A peine m’avait-elle ébloui que tous les problèmes se sont envolés. Une paix très profonde envahit mon être.

La première méthode pour acquérir la spiritualité est de fusionner ou de s’annihiler totalement en elle, c’est la méthode de l’amour que j’ai choisie. La deuxième est de la faire fusionner ou de l’absorber totalement en soi-même avec tout le pouvoir. Une méthode très difficile qui impose de dépasser ses émotions. Il y a aussi une troisième méthode encore meilleure qui consiste à fusionner en Celui qui a lui-même totalement fusionné dans l’Ultime. Mais on trouve rarement de telles personnes. Même alors, un certain bénéfice peut être acquis par la négation.

Lorsque la condition d’un homme devient un avec la Nature et que comparativement rien d’excessif ne demeure en lui, et lorsque ce sentiment même disparait, il est au point pour l’entraînement spirituel. J’ai acquis cette condition avec beaucoup de travail ; de mon temps, nul autre n’avait acquis cet état

Le 9 juin 1948 : « Pour arriver à la condition originelle, il n’est pas nécessaire de prier Celui qui est la cause de ce monde. Nous nous détachons des liens de ce monde et nous nous établissons sur le chemin par lequel nous atteignons le point appelé Nirvana. Si sans prononcer le Nom de Dieu, nous atteignons cette condition qui est qualifiée de divine, quel mal y a-t-il à cela ? Les gens ont à tort appelé mon chemin une religion, c’est purement une science. Notre formation est due à cet Infini, et c’est en Cela que nous nous dissolvons. Comment appelait-on cette chose qui existait quand il n’y avait pas de Création ? Qui peut le dire ? Pouvez-vous donner un nom pour cela, à cette époque ? Et si nous lui en donnons un même maintenant, cela veut-il dire la même chose ? Donner un nom à l’illimité est le rendre limité. »

De ce récent échange, on peut d’abord retenir que Bouddha n’a pas voulu ouvrir un débat sur le Créateur ou la manière de Le prier : il a enseigné une pratique expérimentale cohérente qui conduit le chercheur de Vérité à trouver la réponse aux questions spirituelles qu’il se pose. Notons aussi que son illumination est venue subitement et lui a apporté une paix profonde faisant s’envoler les problèmes rencontrés dans sa quête de Vérité. Donc son enseignement n’est pas le produit de ses pensées personnelles mais d’une expérience qui a transcendé son mental.

Cet échange confirme ce que nous avons pu reconstituer sur ce blog de l’enseignement de Bouddha quand ses pieds foulaient encore la terre indienne il y a 2 500 ans.

2 Qu’enseigne l’hindouisme en remontant à la Source ?

La Cour Suprême indienne a donné en 1966 une définition en 7 points de l’hindouisme. En voici une synthèse : l’acceptation respectueuse des Vedas comme plus Haute Autorité sur les sujets religieux et philosophiques ; l’esprit de tolérance et de bonne volonté pour comprendre et apprécier le point de vue de l’adversaire, basé sur la révélation que la vérité comporte plusieurs apparences ; l’acceptation des six systèmes de philosophie hindoue et d’un rythme du monde qui connaît des périodes de création, de conservation et de destruction, périodes, ou yuga, se succédant sans fin ; l’acceptation de la croyance dans la renaissance et la préexistence des êtres ; la reconnaissance du fait que les moyens ou les manières d’accéder au salut (moksha) sont multiples ; le fait que, malgré le nombre des divinités à adorer, on peut être hindou et ne pas croire qu’il faille adorer des idoles. Elle conclut ainsi : à la différence d’autres religions ou croyances, la religion hindoue n’est pas liée à un ensemble défini de concepts philosophiques.

On peut déduire de la coexistence de plusieurs doctrines comme des systèmes philosophiques, ou la théorie du temps cyclique ou celle de la réincarnation, que débattre de ces « questions ne tend pas à édification », suivant la formule de Bouddha. Elle n’ira pas dans le sens d’un rapprochement avec d’autres croyants. Il en est de même quand on considère l’autre comme un « adversaire ».

Par contre la référence au Veda est indispensable pour éviter un vague syncrétisme. L’esprit de tolérance et de bonne volonté comme le respect des diverses formes de dévotion, prière et méditation sont une base incontournable d’un dialogue serein. De même l’objectif de parvenir au salut ou libération (moksha ou nirvana) est un sujet central, commun à toutes les religions, même si elles donnent des descriptions différentes de l’objectif et des voies pour y parvenir.

Le Rig-Veda dit : « Soyez unis dans vos buts, dans vos cœurs, dans vos esprits et que votre unité se renforce sans cesse ». Il s’adresse à toute l’humanité, les « enfants de l’éternité ». Donc, pour un hindouiste, rechercher un pont avec leurs frères bouddhistes va dans le sens du Veda.

Découvrir ou approfondir le bouddhisme ne devrait pas contrarier le nationalisme des indiens car il est venu de leur pays. Quant à l’hindouiste d’origine européenne, qui a déjà fait la rare démarche de dépasser sa propre culture, la réflexion sur les sutras de Bouddha va dans le sens de sa dynamique de dépassement de sa culture religieuse.

L’hindouisme prescrit aussi des devoirs universels, tels que l’hospitalité, la non-violence (ahimsa), l’honnêteté (asteya), la patience, la tolérance, le contrôle de soi, la compassion (karuna), la charité (dāna) et la bienveillance (kshama). Ce sont des bases solides à ne jamais oublier pour les dialogues inter-religieux.

Tous ceux qui suivent la voie tracée par le Bouddha et pratiquent l’octuple sentier se reconnaîtront dans ces valeurs.

3 Un dialogue sans arrière-pensées : s’aimer c’est se rapprocher pour se comprendre

Suivre la sagesse de l’enseignement de Bouddha, c’est d’abord soigneusement éviter ces débats intellectuels stériles qui attisent les rivalités entre individus et écoles et qui ont pollué le bouddhisme et l’hindouisme quand la concurrence entre ces religions était vive dans les siècles qui ont suivi la mort de Bouddha. C’est aussi éviter toute remise en cause des pratiques personnelles ou collectives de prière et de méditation.

C’est surtout se rapprocher dans la dynamique de l’amour qui commence par la découverte de l’autre, de ses idées et pratiques spirituelles sans chercher à le convaincre que nos idées et pratiques sont meilleures, mais dans un objectif d’inter-enrichissement spirituel.

Or la complémentarité est évidente entre :

  • La démarche bouddhiste qui part de l’observation attentive de la Nature et des êtres humains et qui réfléchit au sens de ce qu’il constate : cette démarche commence par le mental et la maîtrise de l’émotion
  • Et la démarche hindouiste qui part de l’émotion, celle que peut susciter la lecture des textes sacrés, la prononciation de mantras comme Om̐, ou celle que crée le yoga, le travail sur la respiration et les chakras qui énergise l’organisme. La méditation met ensuite tout cela en perspective.

Historiquement, une faille a été créée artificiellement par les brahmanes soucieux de leur pouvoir entre leurs idées et pratiques qu’ils reliaient au Veda et l’enseignement de Bouddha. Mais de nos jours, chacun a accès à la connaissance des textes et peut les étudier, les comparer et les rapprocher.

Pour bien comprendre le Veda, il faut restaurer son lien historique avec les Gathas de Zarathoustra (post 5) et l’enrichir des découvertes spirituelles de Bouddha (post 4), ce que tout croyant peut faire en dépassant cette paresse mentale qui consiste à rester confiné dans les idées de sa religion de naissance.

Le monde moderne parle beaucoup de tolérance, cette « attitude qui consiste à admettre chez autrui une manière de penser ou d’agir différente de celle qu’on adopte soi-même, de respecter sa liberté d’opinion et d’expression ». Mais cette attitude cache mal la distanciation culturelle qui favorise les arrière-pensées de supériorité spirituelle. Elle est loin de l’attitude de l’amour : une mère aime tous ses enfants et accompagne la construction dans la différence de la fratrie qu’elle a mis au monde.

Seul l’amour mutuel apporte la détermination indispensable à la démarche de faire en confiance des pas vers l’autre, de l’écouter sans préjugés pour mieux le comprendre. Et l’amour est une dynamique individuelle, ce n’est pas une négociation de groupes qui cherchent un compromis.

L’amour de l’autre et le travail pour comprendre ses idées et sa pratique mobilisent l’émotion et la réflexion et permettront de dépasser l’ignorance qui alimente les divisions entre les hommes et permet aux pouvoirs de les parquer dans des enclos religieux comme des troupeaux à tondre.

4 Retirer les pierrailles stériles qui bloquent la voie vers l’unité

La Parole dictée en 1974 (post 21) nous met en garde avec insistance contre les pouvoirs religieux. En 14/1, contre les mauvaises herbes semées par les docteurs (théologiens) et les déprédations de leurs princes qui ont sillonné Mon Champ de haies d’épines et de coulées de pierrailles stériles. Le Champ du Père de l’Univers et de Sa Parole, c’est toute l’humanité et la planète Terre qu’il lui a confiée. Il faut donc désencombrer les textes sacrés des mauvaises herbes des livres d’hommes et dégager la voie vers l’unité des épines et des pierrailles que les religions d’hommes et leurs princes ont placées.

Quand on va à l’île Maurice, un lieu où la religion indienne est très présente, on est frappé par ces champs de canne à sucre séparés par des murets de lourdes pierrailles volcaniques que les paysans et avant eux les esclaves ont patiemment retirées de leur champ pour les empiler à la lisière. On pense aussi à la parabole de l’Evangile qui parle de l’importance d’une bonne terre pour que le grain germe et donne de belles récoltes.

Les brahmanes se sont appuyés sur une religion sacrificielle, semblable à celle que Zarathoustra a écarté. Ils monopolisaient à leur profit la connaissance du Veda qu’ils ont encombré de prescriptions cultuelles et de formules sanscrites. Ils dominaient une population rendue superstitieuse par son faible niveau d’éducation qui croyait aux pouvoirs magiques de leurs sacrifices, de leurs formules et des objets et lieux à vénérer. De nos jours les prêtres brahmanes, comme les prêtres chrétiens, ont perdu leur levier de pouvoir sur la société.

Chacun peut écarter de ses repères de recherche toutes les inventions des brahmanes pour restaurer son autonomie spirituelle. Elle passe par la connaissance et la pratique personnelle : personne ne réfléchira aux Ecritures sacrées, ne priera ni ne méditera à votre place !

Le jaïnisme et le sikhisme sont des religions nées en Inde, mais leurs fidèles se sont progressivement enfermés dans leur monde mental, leurs traditions et leurs temples et il est difficile de faire le pont avec elles. C’est surtout en travaillant à libérer le Rig Veda du harnais des brahmanes et en le rapprochant des sutras de Bouddha désencombrés des ajouts faits après sa mort que nous pourrons dégager la voie vers l’unité pour ceux qui se réfèrent à l’hindouisme ou au bouddhisme.

Il ne faut pas attendre des pouvoirs religieux en place en Asie ou en Occident qu’ils aillent dans ce sens, car il est beaucoup plus confortable pour eux de garder l’emprise sur leurs fidèles de se faire appeler vénérable, maître, Rinpoché, sa sainteté… Nous sommes confrontés au même problème avec les clergés chrétiens et les idéologues de la tradition que les médias mettent en avant.

C’est par la base que tout se fera, lentement. Pour un peuple de croyants, la libération par la connaissance est une démarche rare et courageuse. Une indépendance d’esprit trop marquée risque de couper les audacieux de leur communauté spirituelle. Ainsi, l’immobilisme prévaut la plupart du temps dans le monde des religions et fait le jeu de la Bête des pouvoirs. Une pratique spirituelle partagée créera probablement le lien le plus solide.

5 Créer des liens par la connaissance et la pratique

Dans la succession des Révélations transmises à l’humanité en langues européennes, nous avons retenu une chronologie qui part des Gathas vers – 2300, passe par le Rig Veda vers – 1500 et se poursuit par le Dharma de Bouddha en – 500. Les deux premières Révélations ont été transmises dans une langue ancienne au sens devenu incertain, dans une forme poétique et dont chaque mot pouvait avoir des sens très variés. La dernière a été révélée en langue courante (prakrit) et pas en sanscrit.

Pour le non spécialiste des textes anciens, il est plus simple de s’y retrouver en travaillant d’abord sur les sutras de Bouddha que d’y voir clair dans les Gathas et le Veda. Mais la Parole ne se divise ni ne se tait, et il n’est pas sage d’isoler les sutras des autres textes sacrés comme le font la plupart des bouddhistes. Dans son enseignement, pour éviter les confrontations inutiles avec les brahmanes, Bouddha garda un « noble silence » sur de nombreux sujets, y compris celui des Vedas qu’il connaissait bien. Il le concentra sur une voie spirituelle praticable par chacun : la compréhension des quatre nobles vérités et la pratique du sentier octuple.

Pour créer des liens dans la Parole indo-européenne, le mieux est d’abord de désencombrer les sutras en les rapprochant les uns des autres, de ce que nous savons de la vie et de l’exemple du Bouddha historique et du contexte brahmanique de son enseignement.
Puis de réfléchir aux quelques Gathas originaux qui restent, et dont nous avons de bonnes traductions récentes comme celles de Pardis en français ou celle de Nanavutty en anglais qui fait le parallèle avec le Veda. Cette progressivité permet d’entrer plus facilement dans la recherche de perles dans le volumineux Rig Veda.

L’objectif d’une telle recherche n’est évidemment pas de pouvoir soutenir des débats d’experts, mais de faire le pont avec d’autres croyants en comprenant mieux l’univers mental dans lequel ils se situent. Ce rapprochement des textes permet aussi de mieux comprendre les pratiques de prières collectives des autres croyants et de les partager quand ils nous y autorisent.

Mais le pont le plus solide pour relier l’hindouisme et le bouddhisme est certainement celui de la pratique du yoga dans son sens le plus large. C’est la tradition hindouiste qui en a la transmission la plus riche. Bouddha a certes pratiqué le yoga et la méditation à un haut niveau, mais il en a peu parlé. Il a évoqué l’importance de la maîtrise du souffle et inclut la juste attention (sati) et la juste méditation (samadhi) dans le sentier octuple.

Pour un porteur de la Parole, le lien entre l’Ahura Mazda des Gathas, le Brahmane du Rig Veda et le Non Né, Non Devenu, Non Créé, Non Composé évoqué par Bouddha est une évidence. Mais l’affirmation du Dieu unique, du Créateur a perdu sa force dans la pensée de beaucoup de nos contemporains. D’où l’importance du Coran (post 1) pour nous la rappeler sans ambiguïté.

Dans un processus de rapprochement progressif des mondes hindouistes et bouddhistes, les ashrams et monastères (qui se sont largement répandus en Occident) peuvent jouer un rôle significatif. Car ils sont devenus beaucoup plus ouverts avec leur dispersion géographique. Certains nobles gurus et moines comprennent la nécessité de se libérer des barrières créées artificiellement par les hommes. Et quand leurs enseignements sur le yoga diffèrent, ce sont des différences de détail.

La perspective d’atteindre ce qu’on peut appeler un salut (moksha ou nirvana) par la connaissance et/ou la pratique de la méditation est commune à l’hindouisme et au bouddhisme. Mais définir ce salut ne tend pas à édification. Il faut pratiquer, communiquer avec nos frères humains. Nous en saurons plus à notre mort ou si nous arrivons au bout de ce chemin de notre vivant comme le prophète Elie (post 15), mais c’est rarissime.

La non-dualité enseignée par Bouddha et les philosophes hindouistes comme Adi Sankara après lui nous permet de rester dans l’unité d’effort et de partage dans la voie spirituelle sans stagner dans des débats stériles.

Progressons dans la voie vers l’unité spirituelle !