La déferlante de l’immigration est devenu un problème pour tout l’Occident. La situation des réfugiés et immigrés qui traversent les frontières françaises en espérant un avenir meilleur l’illustre de manière parfois tragique. Or la problématique de l’immigration est très souvent amalgamée avec la situation des réfugiés involontaires.

Le post 45 a développé le sujet du piège de l’Etat-nation et de sa souveraineté territoriale. C’est la cause de la plupart des calamités guerrières et économiques du monde moderne. La Parole ne parle pas de souveraineté nationale, mais de celle d’un individu (Adam qui décide souverainement du sort de la planète, 1974, 2/2) ou d’une assemblée (libre et souveraine d’elle-même, 8/1). Pour le Créateur, les nations ne sont pas souveraines en soi. Ce sont les individus et assemblées qui décident librement d’y participer qui les définissent. Ce qui implique la fluidité des notions de frontières et donc d’étrangers.

Par exemple, nos frères juifs sont une diaspora sans frontière, une nation spirituelle soudée par leurs pratiques cultuelles plus que par leur foi brûlante en YHWH. Mais les persécutions (post 32) les ont conduits à établir Israël, un Etat juif auquel ils se réfèrent. Il s’est imposé par la force au détriment des populations non juives de ces territoires. Aucune solution spirituellement intelligente n’a été trouvée aux violences et vengeances sans fin que cette injustice engendre.

1 Une très longue histoire française d’enrichissement par l’immigration

Par sa situation géographique et la diversité de ses richesses naturelles, le territoire qui s’appelle maintenant France a toujours attiré des immigrés de toutes provenances. Les premiers furent les hommes de Néandertal s’installant à l’abri des prédateurs dans des grottes, des dizaines de milliers d’années avant que les hommes de Cro-Magnon ne viennent leur faire concurrence.

Il y a 3000 ans les Celtes, grâce à leur maîtrise du fer ont commencé à conquérir et peupler progressivement la France. Ce sont « nos ancêtres les Gaulois », venus de l’Asie en passant par le Danube. Ces tribus autonomes appartenaient à un monde celte dispersé sur toute l’Europe et commerçaient entre eux. Dans les campagnes françaises, à l’écart des cités fortifiées, le druidisme des Celtes survivra à l’invasion du paganisme romain.

Sous la tutelle de l’empire romain, l’organisation hiérarchique centralisée devient la norme française avec des cités et des garnisons. Le petit village de Lutèce se transforme en Paris, une ville cosmopolite. Profitant de l’affaiblissement de l’empire romain, au Vème siècle, une confédération de guerriers germains, les Francs, conquièrent la France à laquelle ils donneront leur nom. Le pagano-christianisme de l’église romaine s’y imposera avec le soutien de grands chefs guerriers comme Clovis puis Charlemagne. Ils s’allieront aux papes et évêques pour stabiliser leur pouvoir sur un peuple nombreux enclin à se révolter.

La population française est déjà très diversifiée au Moyen Âge. Les hommes franchissent facilement des frontières assez floues. Dans les siècles suivants, la France se peuple plus que ses voisins, mais a de l’espace et des richesses agricoles. Elle reste une destination privilégiée pour les immigrants européens qui dynamisent son économie. Surtout quand la population autochtone est décimée par les guerres ou les épidémies.

Avant la guerre de 1914-1918, les contrôles liés à l’immigration étaient quasi-inexistants. Mais la France doit remplir ses besoins en main-d’œuvre pour l’industrie textile. Elle passe d’une immigration aléatoire à une immigration programmée. Des accords de recrutement de travailleurs étrangers avec les États européens sont signés. Des services ministériels sont créés : le Service de la main-d’œuvre agricole, le Service de la main-d’œuvre étrangère, et le Service des travailleurs coloniaux. Le recrutement est géré par les entreprises. Vers les années 1920, le Service Social d’Aide aux Émigrants (SSAE) aide les migrants en situation d’urgence humanitaire et sociale. En 1924, la Société générale d’immigration agricole et industrielle est créée par les organisations patronales. La France devient le premier pays européen d’immigration dans l’Entre-deux-guerres.

En 1938, un sous-secrétariat d’État à l’Immigration est créé, puis suspendu par le régime de Vichy à cause des mesures racistes et antijuives de l’époque. Mais De Gaulle comprend l’intérêt de l’immigration pour redresser la France saignée par la guerre et crée en 1945 l’Office national d’immigration. L’ONI recrute des travailleurs étrangers sous la double tutelle du ministère du Travail et de la Santé publique.

Pour combler les ressources dans les mines et le bâtiment, un centre est ouvert à Milan pour sélectionner les travailleurs. En parallèle, des centres en France régularisent la situation des clandestins italiens. Ils les intègrent dans les secteurs d’activité correspondants. Dans les années 60, les missions de l’ONI s’étendent vers l’Espagne, la Tunisie, la Yougoslavie, le Maroc et la Turquie pour les travailleurs saisonniers, l’immigration permanente, et la régularisation des clandestins. Six millions d’étrangers sont passés par l’ONI de 1945 à 1975, sans eux, il n’y aurait jamais eu l’envolée économique des trente glorieuses. Le baby-boom post guerre n’aurait pas suffi.

2 Des afflux de réfugiés, conséquence de l’émergence des Etats nations européens

Pendant des siècles, les mouvements de population entre frontières européennes étaient fréquents et peu contrôlés. Rares furent les chocs historiques provoquant un exode de réfugiés comme les expulsions de juifs au Moyen-Âge. Celle de protestants chassés de France après la révocation de l’Edit de Nantes en 1685. Ou les 150 000 « contre-révolutionnaires » mis au ban de la société française et fuyant la terreur révolutionnaire.

Le Congrès de Vienne de 1815 consacre la montée en puissance des Etats nations et l’afflux de réfugiés, des exilés des révoltes réprimées dans les États italien, germanique et ibérique. Ils trouvent refuge en Angleterre, en France, en Suisse ou en Belgique. La Constitution de juin 1793 proclame que le peuple français « donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté ».

L’avènement du suffrage universel masculin en 1848 pose la question du droit à la nationalité et les rapports entre démocratie politique et souveraineté nationale. La loi de 1849 fixe le droit des étrangers en France. L’Etat se réserve le monopole de la production des documents d’état civil de ses citoyens. L’État d’accueil autorise ou non l’accès à son territoire. Cette perte de liberté s’étend dans toute l’Europe.

La peur de « l’étranger dangereux » conduit à des pratiques de déportations et d’expulsions répétées. L’Allemagne favorise, dès 1886, l’implantation d’Allemands au détriment des populations polonaises. Elle alterne expulsions et déplacements forcés. De leur côté, les Allemands vivant dans l’Empire russe sont victimes de la politique de russification, 50 000 personnes quittent la région entre 1900 et 1914. L’exode des populations juives de Russie, de Roumanie et de la Galicie autrichienne concerne plus de 2 millions de personnes jusqu’en 1914. L’homogénéisation et l’uniformisation de la population avec la promotion d’une langue nationale écrite favorise la progression d’un nationalisme ethnique soutenu par des théories pseudo-scientifiques.

La conquête coloniale crée d’autres types de migrations forcées. Elle fixe des frontières arbitraires et impose des passeports intérieurs dans les colonies. Elle soumet les populations locales aux contraintes de l’exploitation coloniale, aux spoliations foncières et à des déplacements de « main-d’œuvre ». Comme les millions de Rohingya déplacés du Bangladesh vers les plantations anglaises birmanes.

C’est au XXème siècle et en Europe que la notion de réfugié politique est adoptée par le droit international. Il doit prendre en compte l’explosion des drames humains causés par le sectarisme nationaliste avec des millions de déracinés, déplacés et déportés. Il y aura près de 3 millions d’apatrides après la guerre, dont les russes déchus de leur nationalité par les révolutionnaires bolchéviques et les arméniens par les kémalistes turcs. La convention d’échange gréco-turque de janvier 1923 contraint aussi 1,5 million de personnes à émigrer.

La guerre consacre une forme nouvelle de contrôle de l’État sur les individus par la généralisation du système des passeports internationaux et des visas. Un Haut-Commissariat pour les réfugiés est créé au sein de la Société des Nations (1921). Il attribue un certificat d’identité et de voyage (le « passeport Nansen » en 1922) aux centaines de milliers de russes et d’arméniens pour lesquels est élaboré un statut de réfugié.

Les drames humains vont se multiplier dans les décennies suivantes. La victoire franquiste en Espagne (450 000 réfugiés), puis la Seconde Guerre mondiale créent de gigantesques mouvements de populations : plus de 40 millions de personnes réfugiés de fait. En décembre 1946 est créée L’Organisation internationale des réfugiés, dans un contexte de guerre froide et de luttes idéologiques. La Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée en 1948 par l’ONU, apportera une immense espérance aux persécutés.

Elle aboutira à la Convention des réfugiés de 1951. Elle admet le critère de crainte des persécutions pour des raisons de race, de religion, de nationalité, d’opinion politique, pour justifier le refus d’un rapatriement. Au milieu des années 1960, avec l’intensification des guerres de libération coloniale, le nombre de nouveaux réfugiés dépasse les 500 000 personnes. Ce qui conduit à l’élargissement du régime international des réfugiés par l’adoption du protocole de 1967 qui étendra la convention de 1951 sans restriction temporelle ni géographique.

La Convention interdit toute discrimination liée à la race, la religion ou le pays d’origine. Elle prévoit diverses garanties contre l’expulsion d’un réfugié vers un territoire où il craint d’être persécuté, et la possibilité d’obtenir des documents, y compris un titre de voyage. Les Etats contractants s’engagent à coopérer avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et à faciliter sa tâche de surveillance.

Les Etats Contractants ne peuvent appliquer de sanctions pénales pour entrée ou séjour irrégulier aux réfugiés arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée. Sous la réserve qu’ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières. Ces Etats doivent faciliter dans toute la mesure du possible l’assimilation et la naturalisation des réfugiés.

La Convention s’impose aux administrations étatiques et protège ceux qui obtiennent ce statut de réfugié. Mais seule une minorité des immigrés l’obtiendra. Aussi la majorité des immigrés en France se présente comme des réfugiés avec des arguments plus ou moins crédibles. En cas de refus (les 2/3 des demandes sont rejetées), ils sont sous la menace de l’expulsion. La plupart restent mais doivent jouer au chat et à la souris avec les policiers, une situation détestable pour tous.

3 Le repli identitaire de la France du XXIème siècle : un déficit spirituel

Pendant les décennies d’importation de main d’œuvre d’Afrique, les préjugés racistes contre les arabes et les africains vont s’amplifier, attisés par l’extrême droite lepéniste. Après le choc pétrolier, l’immigration des travailleurs permanents est suspendue en 1974. La montée du chômage offre un slogan inespéré aux xénophobes : trois millions de chômeurs = trois millions d’immigrés qui prennent leur travail aux français. Slogan inepte car beaucoup de chômeurs, surtout âgés ne pourraient exercer les travaux pénibles qui échoient aux jeunes immigrés.

Des décennies de propagande xénophobe par les milieux d’extrême droite affaiblissent notre sentiment de solidarité humaine pour les étrangers en situation difficile : 57% seulement des Français (contre 76% des Allemands, 74% des Espagnols, 78% des Hollandais, et 63% des Britanniques), approuvent la phrase : « C’est notre devoir d’accueillir dans notre pays des réfugiés qui fuient la guerre et la misère ».

La réticence des français est particulièrement choquante sur le sujet des « enfants de Daesh ». La France fut le seul pays européen à refuser de rapatrier les femmes et les enfants bloqués en Syrie (les conventions internationales interdisent de séparer les mères de leurs enfants). Elle vient enfin de le faire, mais 59% des français désapprouvent, ils étaient 66% il y a 3 ans. Au début le président avait décidé de faire du cas par cas, laissant pendant 3 ans des enfants innocents sans scolarisation et dans un environnement toxique.

Dans son discours au Congrès de 2017, le président Macron déclare : « Nous ne pouvons pas affirmer notre attachement aux principes de l’asile, sans réformer en profondeur un système qui ne permet pas un traitement humain et juste des demandes de protection émanant d’hommes et de femmes menacés par la guerre et la persécution. Ceux qu’on appelait en 1946 les combattants de la liberté ».

Mais ce noble propos sur les réfugiés passe rapidement au thème sécuritaire visant les immigrés : « Nous devons mieux prévenir les crises migratoires qui traversent aujourd’hui l’Afrique, la Méditerranée et à nouveau l’Europe par une politique de sécurité et de développement sur toutes les zones de fragilité et de conflit, quand la guerre et le réchauffement climatique déstabilisent ces régions ». « Il faut avec l’Europe, mener une action efficace et humaine pour accueillir les réfugiés politiques en risque réel, car ce sont là nos valeurs. Sans les confondre avec des migrants économiques et abandonner l’indispensable maintien de nos frontières ».

Or dans les années 2000, le contrôle des frontières est devenu le mot d’ordre de l’Union européenne. Elle pousse les pays de départ et de transit à endosser un rôle de garde-frontière et s’érige en forteresse devant laquelle les migrants échouent au péril de leur vie. Un règlement européen 2013 détermine l’Etat qui examine une demande d’asile en fonction de critères familiaux, de séjour ou d’entrée réguliers ou irréguliers ou de l’enregistrement d’une demande d’asile. Un seul Etat est responsable et les autres Etats doivent l’y transférer. Dans une « Déclaration de Rome », 42 organisations de la société civile, réseaux et villes européennes « accueillantes », se sont insurgées en novembre 2020 contre ces mesures de la Commission visant à prévenir les arrivées, renforcer les contrôles aux frontières et accroître les retours vers les pays d’origine, au détriment de la mise en place d’une politique basée sur un accueil digne et solidaire.

Dans ce contexte lourd, la France a cessé d’être un pays d’immigration. Sur la période 2010-2019, la population française a augmenté chaque année de 3,7 personnes pour 1 000 habitants, dont 3,3 par solde naturel et 0,4 par des personnes nées étrangères à l’étranger, venues s’installer en France pour un an au moins. Certaines acquièrent ensuite la nationalité française (100 000 chaque année par mariage ou liens familiaux). En 2019, il y a en France 4,2 millions d’étrangers et six nouvelles entrées pour 1 000 habitants pour des séjours d’au moins un an. Elle a octroyé seulement quatre titres de séjours « permanents », beaucoup moins qu’en Allemagne et en Espagne, respectivement 7 et 9. Près de 100 000 étudiants y sont acceptés chaque année.

Quant aux réfugiés, les GUDA ont enregistré 121 554 demandes en 2021, dont seulement 39% ont été acceptées par l’Ofpra ou la CNDA. 178 000 avaient été enregistrées en 2019, avant la crise sanitaire. Mais il n’y a que 107 000 places au sein du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile, constamment débordé, surtout en Île-De-France. Ce qui cause des campements indignes et conduit des candidats à l’asile vers l’hébergement d’urgence généraliste, dans un pays déjà incapable d’apporter une solution digne à ses propres SDF.

De plus, la France est le premier pays de l’Union Européenne à expulser les personnes étrangères du territoire quelle que soit leur situation : 125 450 obligations de quitter le territoire français (OQTF) ont été prises en 2021. Plus de la moitié sont accompagnées d’une interdiction de retour dans l’espace Schengen. Condamnés à ne plus exister administrativement et plongés dans des espaces de non-droit, des dizaines de milliers d’étrangers ne peuvent plus demander un droit au séjour en France. 16 819 étrangers en situation irrégulière ont dû quitter le territoire français en 2021 malgré tous les obstacles aux expulsions (difficultés pour organiser les déplacements, fermeture des frontières, fermeture de nombreux consulats des pays étrangers…).

Les immigrés « sans papier » qui partagent notre vie de diverses manières se trouvent sous la menace permanente de l’arbitraire administratif, du hasard de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment et voir leur vie basculer dans l’engrenage de la logique sécuritaire. Le rapport national annuel de 2020 des associations intervenant dans les centres de rétention a alerté sur les violences et tensions quotidiennes avec l’augmentation du nombre de placements en rétention pour des durées toujours plus longues, incluant des malades graves.

La résistance civile s’organise autour de mouvement de conscience individuels, locaux ou d’associations bien établies comme la Cimade ou France terre d’asile. Un « parrainage républicain » est organisé par certains élus locaux pour mieux protéger des demandeurs d’asile déboutés, certains bien intégrés localement avec des enfants scolarisés. Mais c’est une protection symbolique.

4 Vers une immigration choisie

Nous avons vu dans le post 43 que le déclin démographique naturel, donc économique, menace la France dans les décennies qui viennent. L’Italie et l’Allemagne sont déjà en déclin et la Russie, la Chine et le Japon déclineront plus vite encore. A l’inverse, on constate le dynamisme économique des pays qui ont choisi une politique d’immigration active et ciblée comme le Canada, l’Australie et les USA.

A contrecourant de ses besoins à long terme, par manque de courage politique et en dépit de son expérience séculaire d’intégration d’immigrés de toute provenance, la France devient depuis quelques décennies une société vieillissante et xénophobe, indigne des valeurs qu’elle prétend incarner. Elle refuse de voir l’immigration sélective comme un enrichissement culturel, social et économique. Pour redresser la barre, nous pouvons nous inspirer de l’exemple récent de nos voisins allemands.

La RFA, la puissance économique de l’Europe, est devenue son plus grand pays d’immigration. Dès 2006, un sommet national sur l’intégration réunit différents acteurs : monde politique, organisations syndicales, société civile, groupes religieux, fédérations sportives, organismes culturels, fondations, mais aussi immigrés et descendants d’immigrés. Une « culture de bienvenue » est mise en place pour augmenter l’attractivité de l’Allemagne pour la main-d’œuvre qualifiée.

En 2008, l’Allemagne, avec un solde migratoire négatif, veut attirer les travailleurs qualifiés étrangers. Angela Merkel, par humanisme ou par pragmatisme économique, fit preuve d’une volonté politique sans faille pour accueillir les immigrés : 790 000 Syriens et 74 000 Érythréens arrivent en Allemagne entre 2013 et 2019. En 2015, deux millions de migrants sont arrivés en Allemagne pour un solde migratoire de plus d’un million, 442 000 ont demandé asile en Allemagne, sept fois plus qu’en France.

L’Allemagne, très pragmatique, pratique « l’orientation directive » des immigrants. L’expérience montre que le chômage des réfugiés est élevé lors des premières années de résidence. La pandémie de Covid-19 a exacerbé le problème car de nombreux réfugiés n’étaient pas formés pour travailler à domicile. Mais la moitié d’entre eux ont déjà trouvé un emploi, grâce à l’apprentissage et aux réseaux locaux d’entreprises. Selon une étude de l’Office pour la migration, la majorité des Syriens et des Erythréens sont « satisfaits ou très satisfaits » de leur nouvelle vie et affirment bénéficier d’un bon réseau social. Ce sentiment de satisfaction est particulièrement élevé lorsque des Allemands font partie de leur entourage privé.

Même si la majorité de la population allemande pense encore que les réfugiés devraient être renvoyés dans leur pays d’origine lorsque la situation le permettra, la plupart s’intègrent bien et souhaitent rester. A contrecourant des préjugés contre l’islam, 96 % des réfugiés sont favorables à la démocratie et seule une minorité (13 %) n’approuve pas la séparation entre l’État et la religion. Aujourd’hui, environ un cinquième de la population allemande est immigrée ou a au moins un parent immigré ou étranger. Si l’on prend en compte d’autres types de relations familiales comme le mariage, un tiers de la population est directement concerné par les immigrés.

Le bilan économique pour l’Allemagne, compte tenu des rentrées fiscales et des cotisations de ces nouveaux travailleurs est certainement positif face au coût initial de l’accueil et s’améliorera avec le temps. Nous disposons de moyens statistiques pour prouver l’impact positif d’une immigration volontariste bien organisée afin de déconstruire l’idéologie obscurantiste d’extrême droite sur le coût des étrangers. C’est le seul moyen de saper durablement leur envolée dans les élections, un objectif que je partage avec le président et beaucoup de français bienveillants, mais nous ne nous sommes pas donné les moyens d’éclairer suffisamment l’opinion publique.
Pourquoi n’organiserions-nous pas une Convention Citoyenne sur l’immigration ?

L’Allemagne a su absorber dans des conditions correctes un afflux brutal d’un million d’immigrés syriens. Il n’y a aucune raison de penser que la France ne serait pas capable de se donner un objectif d’intégrer correctement autant d’immigrés choisis sur une période de dix ans, soit 100 000 par an en moyenne, en définissant en concertation avec les employeurs des formations et des compétences dont a besoin son économie et en établissant en accord avec des pays d’origine ciblés un parcours donnant aux jeunes une espérance raisonnable de visa et de réussite professionnelle en France au lieu de confier leur vie à des réseaux de passeurs.

Cette possibilité change complètement la situation dans le pays d’origine. Par exemple, aux Philippines, le boom démographique perdure mais l’économie locale, gangrenée par la corruption politique et les inégalités de patrimoine, est incapable de fournir un travail correct à la plupart des jeunes. Connaissant les critères d’immigration pour les grands pays comme les USA, le Canada ou l’Australie, ils se construisent avec l’aide de leur proches un parcours d’émigration, deviennent infirmiers, informaticiens ou marins et réussissent à s’établir durablement dans les pays d’accueil où un réseau de soutien par leurs compatriotes existe déjà.

En ajoutant cette immigration programmée aux étudiants étrangers qui resteront en France et aux naturalisations par mariage, la France pourrait éviter son déclin démographique et adapter plus facilement son économie au vieillissement de sa population, sans exercer une pression trop forte sur les dispositifs d’accueil déjà en place. L’OFII se charge d’intégrer les migrants légalisés durant les 5 premières années de leur séjour en France avec pour les jeunes un parcours personnalisé d’intégration républicaine.

J’aimerais évidemment que la compassion pour leurs multiples malheurs soit le moteur de notre générosité envers nos frères humains immigrés, et que nous puissions nous exclamer à l’unisson de la Parole : « Etrangers, je vous aime avant de vous connaître » (1974, 25/4). Mais connaître c’est aussi écouter lucidement, discerner avec sagesse les mensonges de certains, comprendre leur culture d’origine, et les problèmes qu’ils pourraient poser dans l’avenir qui pourraient être mis à profit par les idéologues d’extrême droite. Dans la catégorie « étranger », on ne peut faire l’amalgame entre une jeune tunisienne ou sénégalaise éduquée et décidée à construire son avenir en France et un quadragénaire réfugié d’Afghanistan, habitué à la violence, venant d’une société traumatisée comme la Tchétchénie par la guerre et la barbarie des soldats russes !

La politique d’accueil doit se construire avec intelligence et analyser les situations individuelles. Certains immigrants, déjà engagés sur la voie de la délinquance, risquent de devenir des escrocs nigérians, des pirates informatiques russes, des cambrioleurs bulgares difficiles à intégrer ici. Notre pays s’est donné les moyens de gérer les cas problématiques, pénalement ou par l’expulsion, mais il vaut mieux anticiper et éviter l’amalgame avec tous ces jeunes étrangers prometteurs en mettant en place un processus de sélection ciblé en fonction des perspectives professionnelles, ce que font les grands pays d’immigration.