L’humanité aspire à la paix, mais s’enfonce dans le bourbier sanglant de la guerre moderne : la mort gave la terre. Les guerres sont décidées par des pouvoirs profanes et des idéologues religieux indifférents au sort des peuples qu’ils commandent et manipulent. Les dégâts s’amplifient au fil des siècles (voir diagramme entre 1400 et 2000) avec les « progrès » mortifères des armes.

Dans les guerres récentes, les victimes sont surtout des civils, de 10% avant 1914, leur part est passée à plus de 80%. Les armes modernes permettent à quelques soldats de massacrer à distance des milliers de personnes bombardées au hasard. Dans le lexique militaire, les victimes civiles ne sont que des « dégâts collatéraux ».

La folie guerrière fait sauter toutes les barrières de l’éthique individuelle et accompagne la folie criminelle de puissants individus et partis au pouvoir qui répandent des idéologies dévastatrices. Les juristes peinent à suivre en créant de nouvelles catégories de crimes, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes génocidaires, mais l’effet dissuasif des tribunaux internationaux reste très faible, leurs décisions sont lentes et aléatoires.

La guerre sera vaincue par la Puissance de la Paix spirituelle qu’il faut ancrer dans l’âme des hommes pour qu’ils exècrent les guerres et les empêchent. Mais pour baliser des chemins de Paix pour le millénaire en cours, il faut d’abord comprendre les mécanismes du piège mortel de la violence guerrière afin de s’attaquer à ses causes.

1 La Bête de la guerre, une naissance tardive

L’homme moderne, doté par le Créateur d’un langage, apparaît il y a 50 000 ans en Mésopotamie. Il se multiplie et se répand sur toute la planète en bandes de chasseurs-cueilleurs en quête de nouveaux territoires pour se nourrir. Les violences interindividuelles dans une communauté ou par rencontre fortuite de bandes rivales ont toujours existé, mais les massacres guerriers apparaissent très tardivement dans l’histoire des sapiens avec l’augmentation de la densité des populations sédentaires.

Au Soudan, l’étude d’un cimetière vieux de 12 000 ans a montré que 40% de ses 59 squelettes portaient les traces de coups mortels de lances ou de flèches. Les innovations au service de la chasse commencent à servir pour massacrer des humains. A la même époque, en Turquie, sont érigées des constructions de pierre monumentales à proximité desquelles il n’y a ni source d’eau, ni trace de foyers. Elles ne peuvent s’expliquer que par un lieu de culte régional où convergeaient des rassemblements de populations éloignées, probablement pilotées par des guides religieux.

Ainsi, avant les débuts de l’agriculture, les pouvoirs guerriers et religieux émergent. En 2017, l’étude Seshat a comparé l’évolution de 414 sociétés depuis 10 000 ans sur 51 critères dont l’échelle spatiale, la densité de population, les niveaux de hiérarchie administrative, l’utilisation de l’écriture, les réseaux d’irrigation… Sur 17 critères possibles expliquant l’évolution de ces sociétés, l’étude conclut que la guerre est le facteur déterminant de leurs évolutions.

Avec l’apparition de l’agriculture et la sédentarisation, il faut protéger les sols fertiles, les stocks alimentaires et les bétails convoités par des chasseurs cueilleurs de passage. Donc les guerres s’organisent sous l’autorité de guerriers et des prêtres.  Les premières cités apparaissent, celle de Jéricho date de – 8 500, et avec elles un pouvoir centralisé. Au quatrième millénaire, l’extraction intensive du cuivre et sa métallurgie permettent le développement de guerres plus meurtrières. La course aux armements est lancée, les armes en bronze seront supplantées par celles en fer.

Le premier pharaon date de – 2700. La logique d’empire s’appuie sur un pouvoir centralisé disposant de réseaux commerciaux, de scribes tenant les comptes, de prêtres et d’une armée structurée. L’Egypte, longtemps peu menacée par ses voisins, était une puissance agricole et artisanale dépendant des crues du Nil. Elle dominait la région grâce à sa démographie galopante et ses richesses. Son pouvoir religieux n’a pas laissé d’indices d’une religion de sacrifices humains ou animaux, mais d’une prêtrise utilisant des formules magiques pour protéger des aléas du climat et des crues.

Ailleurs, les rivalités entre cités et les premières fortifications apparaissent. Les conflits entre Lagash et Umma en Mésopotamie, entre -2600 et -2350, sont bien documentés mais rares. Les communautés organisées étaient encore à bonne distance et peu peuplées. L’explosion démographique change la donne. Un pouvoir centralisé apparait, et sous Hammourabi en – 1792 les juristes s’agglomèrent au pouvoir et écrivent son célèbre code. La Mésopotamie produit des machines de sièges dévastatrices et l’Egypte perfectionne ses chars de guerre. Leur rivalité régionale aboutira à une guerre en – 605.

A part en Egypte, les prêtres sacrificateurs sont partout la norme. Les mésopotamiens inventent des divinités propitiatoires qu’il fallait implorer pour les rois superstitieux. Elles devaient être consultées avant les guerres et réclamaient des sacrifices humains pour protéger la cité. Plus il y avait de divinités à contenter, plus les prêtres qui pratiquaient la divination et les sacrifices s’enrichissaient. C’est le début des religions polythéistes sanglantes de peuples oublieux de leur lien avec le Créateur unique.

2 Les prémisses du dragon chinois

De grands empires se constituent au premier millénaire avant J.-C., à Babylone, en Perse en Grèce, à Rome. Ils forment d’immenses armées et perfectionnent leurs techniques de guerre, mais ont toujours besoin de la caution des prêtres pour soutenir leur puissance. De nos jours encore, la plupart des guerres sont pilotées par une alliance toxique entre les pouvoirs profanes et les pouvoirs religieux, la Bête (post 60).

Pendant ce temps, la Chine, géographiquement éloignée des rivalités des empires méditerranéens et riche en ressources naturelles et en potentiel humain devient la première puissance économique mondiale. Les chinois modernes se voient comme un peuple pacifique qui ne s’intéresse qu’au commerce, mais les historiens démentent cette allégation !

Des homos sapiens arrivent en Inde et en Asie du Sud-Est il y a 45 000 ans. Ils progressent vers le Nord. A Taïwan, on a retrouvé le crâne vieux de 30 000 ans de l’homme de Zuozhen, de petite taille et de peau foncée. Une vague de migration venue de Chine à partir de -4000 déplace ces populations dont il ne reste rien. Les anciens taïwanais évoquaient ces hommes, ce n’était pas un mythe. Un premier génocide ?

La Chine centrale se peuple progressivement de nomades éleveurs venus du Nord et du plateau tibétain qui découvrent dans le Bassin du Fleuve Jaune une terre accueillante. Ils deviennent sédentaires en pratiquant la culture du millet et du blé vers – 7000. La population se développe, des rivalités de territoires et de guerriers apparaissent. La métallurgie commence vers – 2000, les armes deviennent meurtrières.

Le premier empereur chinois (mythique ?), Yu le grand, réalise de grands travaux d’irrigation pour maîtriser les crues du fleuve et éradiquer les famines. La dynastie suivante des Shang-Yin, historiquement avérée, règne de -1570 à -1050. La tradition confucéenne la croyait pacifique. Or dans le livre « La Chine en guerre », le sinologue J. Levi brosse le tableau d’un empire conquérant aux pratiques cruelles. Ces peuples avaient hérité des pratiques chamaniques de leurs lointains ancêtres nomades, mais y avaient ajouté le culte sanglant de la dévotion au roi ou aux mânes de leurs aïeux.

Les clans nobles tenaient à sacrifier des centaines de captifs de guerre en holocauste. L’empire organise des razzias chez les Qiang des plateaux tibétains comme s’ils chassaient des animaux sauvages. Les captifs non décapités étaient envoyés à la capitale pour être engraissés et immolés le jour du rituel. La noblesse chinoise coordonnait les pratiques religieuses, divinatoires et sacrificielles et les guerres.

La dynastie Zhou (-1050 à -256) prend la succession. L’empereur était fils du Ciel, mais son mandat sacré ne pouvait se maintenir qu’avec le soutien de la population ou du Ciel consulté par les devins. Il avait tous les droits sur ces sujets et dès cette dynastie, les célèbres supplices chinois défient l’imagination dans leur cruauté. Les archéologues ont récemment découvert des squelettes d’aristocrates datés de 2500 ans avec des traces d’amputations cicatrisées de tout ou partie d’un membre, une punition plus cruelle qu’une simple exécution.

Avant la fin de cette dynastie, le sixième siècle avant J.-C. est celui de Bouddha, Confucius et Lao Tseu. La Chine en fera un syncrétisme avec le culte d’un empereur divinisé. Ailleurs, des prophètes avaient déjà été envoyés bien avant aux peuples sémites pour transmettre les Messages du Créateur et sermonner les puissants. Mais nous n’avons pas de traces historiques de messagers du Créateur envoyés aux chinois. Ont-ils été bâillonnés ou tués ?

3 les guerres intestines chinoises

Dans le contexte mental chinois, la guerre pouvait utiliser tous les moyens pour vaincre en se justifiant par des objectifs précis : apaiser des violences locales, abattre un seigneur rebelle à l’empereur ou un tyran qui ne méritait plus son mandat. La victoire à la guerre était le signe de l’approbation du Ciel, y compris pour renverser un empereur et fonder une nouvelle dynastie. Les guerres étaient affaire de nobles, un jeu rituel où il fallait prouver ses vertus : bravoure, respect des usages et allégeance au supérieur. Les moyens étaient limités, arcs, lances, chevaux, quelques chariots de guerre adaptés des modèles mésopotamiens et un nombre réduit de combattants pour des guerres de courte durée et des pertes militaires et civiles faibles.

Le général Sun Tzu écrit vers – 500 son célèbre « art de la guerre ». Pour s’assurer d’une victoire au moindre coût, il faut contraindre l’ennemi à abandonner la lutte, y compris sans combat, en utilisant la ruse, l’espionnage, la corruption et une grande mobilité tactique. Lao Tseu (historicité douteuse), aurait écrit : « Un Etat se conduit par des moyens réguliers, une guerre se conduit avec des moyens irréguliers ». Ce contexte relativement pacifié permet à la Chine de renforcer sa puissance humaine et commerciale, mais avec peu d’innovations militaires.

La population augmente et le pouvoir central s’affaiblit, c’est la période des royaumes combattants (- 480 à – 221). De petits rois locaux dominant une dizaine de territoires adjacents sur le Bassin du Fleuve Jaune entrent en rivalités incessantes. La guerre devient massive et les armes se perfectionnent. La Chine invente les premières arbalètes dont une à répétition. Ces armes redoutables lancent des carreaux qui percent toutes les cuirasses. Les guerres deviennent de véritables boucheries avec des machines de siège, des centaines de chars, des armées de plus de 200 000 hommes qui exterminent les vaincus.

Les seigneurs organisent leurs fiefs non pour enrichir leurs sujets, mais pour constituer et financer une armée puissante. Ils créent des circonscriptions administratives centralisées fusionnant civils et militaires et embrigadent de force des paysans récompensés en fonction des têtes d’ennemis coupées puis exhibées pendant trois jours. Leurs chefs ont un quota de têtes à respecter. A Yique en – 293, 240 000 têtes sont coupées par l’armée de Bai Qi. Une pyramide à la chinoise !

En -221 le royaume de Qin conquiert ses rivaux et son seigneur se proclame Auguste Empereur. L’empire des Han lui succèdera de – 206 à + 220. Sous la férule impériale, la Chine se développe et organise le commerce par la route de la soie. Le bouddhisme et le taoïsme s’implantent solidement en sus de la tradition confucéenne. Ils éradiquent les pratiques sacrificielles anciennes.

4 Le dragon chinois crache le feu

L’empire se désagrège progressivement. Il laisse la place à des seigneurs de guerre qui se disputent la succession (220-280), puis à l’empire des Jin (265-420), constamment menacé par les rivalités internes. La dynastie Tang (618-907) réunifie l’empire, consolide le pouvoir central et reprend les conquêtes extérieures en perfectionnant les armes sous la menace des nomades turciques du Nord.

Les ancêtres des turciques vivaient au nord-est de la Chine. Avec la désertification de la région vers -6800, ils migrent en Mongolie, deviennent éleveurs puis domestiquent le cheval. Ces peuples nomades sont d’impitoyables guerriers pilleurs. Ils constitueront une vaste mosaïque ethnolinguistique de peuples. En se déployant vers l’Est, ils se mélangeront à d’autres peuples. La population turque actuelle en est le résultat.

Les huns et les mongols terroriseront l’Europe et la Chine. Les empereurs Tang les courtisaient par de généreux présents. Mais en 629, les troupes Tang profitent de leurs rivalités pour infliger une sévère défaite aux Turcs orientaux. Ils incorporent des guerriers turciques à leur armée. En 750, le califat abbasside s’instaure peu avant qu’en Occident, Charlemagne ne soit couronné empereur en 800.

Son principal rival sera le monde chrétien, mais des rivalités en Sogdiane conduisent à une guerre avec la Chine. La défaite chinoise de 751 à Talas est due à la défection des turciques qui se rallient au camp musulman et se convertiront. Les abbassides stoppent l’expansion chinoise et contrôlent la route de la soie. C’est un basculement de pouvoir entre ces deux empires couvrant la moitié de la population mondiale.

La révolte du général sogdien An Lushan, en 755, conduisit à huit années de guerre civile et plus de 20 millions de morts pour 52 millions d’habitants. Les caisses de l’empire sont vides et il a perdu des territoires au Nord. La dynastie Tang est renversée en 907, et après la période instable des dix royaumes, la dynastie Song s’impose de 960 à 1279. Confrontés aux menaces des mandchous et des mongols, les chinois perfectionnent les armes. Les balistes développées par les grecs sont remplacées par des trébuchets, plus précis et puissants. Ils inventent la poudre explosive et les canons à main. Après avoir craché ses carreaux et ses pierres, le dragon chinois crache le feu.

Malgré ce développement de technologies de guerre imitée par ses ennemis, la dynastie perdra le contrôle de la Chine du Nord au profit des mandchous et sera balayée par Gengis Khan qui prend Pékin en 1215. Ses descendants fonderont la dynastie Yuan (1271 — 1368). La dernière dynastie Han des Ming (1368 — 1644) prend le relais et crée le mousquet, plus léger et maniable. Vers 1590, elle commence à utiliser des armes à feu de type européen comme des boulets explosifs, des mines terrestres et navales et des fusées à plusieurs étages. Elle achète des canons aux portugais et développe une flotte maritime conduite par l’eunuque Zheng He, musulman originaire du Yunnan.

Au Nord, les mandchous deviennent menaçants, créent en 1634 leur corps d’artillerie, à l’aide de soldats et d’artisans chinois capturés, et incorporent dans l’armée leurs alliés mongols. Ils renversent les Ming et imposent la dynastie Qing (1644 à 1912), guerrière et très centralisée. La Chine poursuit son expansion, imposant son protectorat au Tibet, à la Mongolie et au Xinjiang.

Dans cette tumultueuse histoire, la Chine reste une puissance agricole et démographique, passant de 143 millions en 1741, soit 19% du monde à 415 millions en 1900 soit 24% du total mondial. L’Europe, passe de 170 à 420 millions. En 2022, sur 8 milliards d’humains, la Chine représente encore 18% et l’Europe, saignée par ses guerres, moins de 10%

Mais la Chine a perdu son leadership économique et commercial à cause de la politique d’autarcie de la dynastie Qing et l’argent reste le moteur de la puissance guerrière. De plus le géant chinois a des pieds d’argile, sa population diminuera de moitié à la fin du siècle, comme celle de la Russie. Les USA resteront l’hyperpuissance mondiale.

5 Un deuxième millénaire meurtrier

Avant 1400, les guerres les plus meurtrières ont probablement été celle des conquérants Gengis Khan vers 1200 et Tamerlan vers 1398 et de leurs descendants. Les croisades successives lancées par le clergé romain à partir de 1096 ont été dévastatrices pour la paix entre les mondes chrétiens et musulmans.

Sur les six derniers siècles, le graphique des morts civiles et militaires dans le monde montre l’augmentation tendancielle des massacres et l’omniprésence des guerres menées sur le sol européen. Elles ont stimulé l’innovation et la diffusion d’armes qui pourraient maintenant presque détruire l’humanité. Mais la progression exponentielle de l’information est un facteur protecteur : les massacres sont connus de tous et peuvent faire réfléchir.

Entre 1400 et 1600, les conflits européens tuent à peine 5% de la population mondiale mais ravagent les pays en guerre. A la fin de leur guerre de cent ans où la rivalité pour le trône papal a joué un rôle majeur, la France et L’Angleterre comptent 10 + 2 millions d’humains pour 350 dans le monde. Leur population a baissé de moitié à cause des guerres par mort au combat ou famines. L’Europe connut aussi les guerres dynastiques anglaises et françaises et des guerres à motifs religieux : les croisades hussites soutenues par le clergé romain contre une rébellion populaire après l’exécution du réformateur religieux Hus, et la guerre des paysans saxons contre les nobles encouragés par Rome et Luther. Et la France fut ensanglantée par huit guerres de religions entre catholiques et protestants.

Au dix-septième siècle, le taux de mortalité par guerres européennes double à plus de 10% avec deux longs conflits transnationaux, la guerre de trente ans, soutenue par la rivalité entre Etats protestants et catholiques, et la guerre anglo-néerlandaise pour le contrôle du commerce maritime. Au dix-huitième siècle, ce taux de mortalité double encore avec les guerres de succession pour les trônes espagnol et autrichiens et la guerre de sept ans qui oppose sur plusieurs continents la France alliée à l’Autriche et la Grande-Bretagne alliée à la Prusse.

Le dix-neuvième siècle reste aussi meurtrier en Europe avec les guerres contre la Révolution Française, les aventures impérialistes de Napoléon et la guerre de Crimée. Mais de nombreux conflits plus ou moins meurtriers éclatent ailleurs, la guerre de sécession US et la guerre du Paraguay. La Chine avait déjà surmonté en 1796 la révolte de la secte bouddhiste du lotus blanc d’inspiration qui s’insurge contre les impôts et le pouvoir mandchou. La guerre civile fit en huit ans 16 millions de victimes.

Mais la révolte des Taiping fait entre 1851 et 1864 de 20 à 30 millions de morts. Hong Xiuquan, après avoir lu des brochures chrétiennes, se proclama frère cadet de Jésus-Christ. Avec ses fidèles armés, il prend Nankin en 1853, promulgue une réforme agraire et institue l’abandon de la polygamie, du bandage des pieds des femmes, l’interdiction des mariages arrangés, des jeux d’argent, de la drogue, de l’esclavage, de la torture et de la prostitution. Ces projets étaient attractifs pour les chinois pauvres, mais l’abolition de la propriété foncière et la mise en commun des biens distribués par leurs chefs militaires impliquait un grave risque de dérive. C’est ce qui arriva, ils sombrent dans le luxe et la polygamie et discréditent le mouvement. La Chine s’aidera du Royaume-Uni et de la France pour anéantir la secte.

Tous ces conflits prouvent la responsabilité accablante des pouvoirs religieux et politiques et leurs alliances, la Bête meurtrière qui divise pour régner. La dynastie ottomane, fondée en 1299, constitua longtemps un empire musulman stabilisateur. Les ottomans, au contact et en conflit constant en Europe constituent une armée moderne et s’emparent de Constantinople en 1453, c’est la fin de l’empire romain. Mais avec le temps, leur empire s’affaiblit et la puissance économique et militaire se déplace vers l’Europe et les USA, surtout depuis la révolution industrielle qui a démarré en Angleterre vers 1760.

A l’aube du vingtième siècle, la carte des pouvoirs économiques et militaires dans le monde est bouleversée.

6 Le vingtième siècle, massacres et course mondiale à l’armement

C’est celui des guerres mondiales où les peuples allemands, russes et chinois ont permis à trois dictateurs Hitler, Staline et Mao de soutenir des guerres et des massacres et de provoquer des famines qui feront plus de 100 millions de morts parmi les 2 milliards d’humains. Leurs idéologies meurtrières, nazie et communiste, fonctionnent comme des religions athées avec les clergés du parti qui prêchent la doctrine, de fausses promesses de lendemains glorieux et le culte du leader .

Les guerres sont préparées par une propagande idéologique soutenue qui aveugle les peuples concernés et leur dictateur. Les morts sont surtout des civils car le sort des guerres n’est plus lié au courage individuel des soldats, mais à la puissance d’armes de destruction massive que les innovations guerrières et leur commerce mondial ont permis d’empiler partout dans le monde. Les Etats européens prétendument chrétiens, en rivalité constante, ont décimé leurs populations et enrichi les marchands de canons et de frontières. Ils portent une lourde responsabilité dans ce cancer métastasé de l’armement.

Pour leurs guerres intestines, ils ont d’abord copié avec plusieurs siècles de décalage les inventions chinoises. Les arbalètes seront interdites en 1139 par le pape Innocent qui menace les arbalétriers, fabricants et commerçants d’excommunication et d’anathème. Puis les armes à feu apparaissent, arquebuses en 1364 et mousquet en 1521. Les canons se perfectionnent et imposent une transformation radicale des édifices défensifs, châteaux et murs des cités.

La colonisation en Amérique, Afrique et Asie et le recours à l’esclavage enrichissent les européens dont la puissance économique et militaire dépasse celle de l’empire chinois. Les missionnaires chrétiens, jésuites et portugais voudront leur part du gâteau chinois, mais un décret impérial interdit la religion chrétienne en 1724. Le Japon fera de même. Le « traité inégal » de Nankin en 1842 mit fin aux guerres de l’opium déclenchées par les anglais, cède des ports, des quartiers, comme à Shanghai et l’administration de régions aux européens et aux américains. Il est suivi par la défaite contre les japonais en 1895. Huit nations s’allient pour imposer leurs intérêts en Chine : l’empire du Japon, l’empire allemand, l’Autriche-Hongrie, les États-Unis, la France, le royaume d’Italie, l’Angleterre, l’empire russe. Ils lancent leurs marines en 1900 et prennent Pékin. La monarchie est abolie en 1912.

De toutes ces humiliations face à leur grandeur passée, les chinois se souviennent et la montée en puissance de Xi n’est pas à prendre à la légère. Redevenu puissant économiquement, le nouvel empereur Xi Jinping évoque la route de la soie, élargit ses frontières maritimes et menace les taïwanais qui veulent rester libres et le David philippin dont les petites îles sont stratégiques pour le contrôle maritime.

Le contraste historique entre les périodes impériales prospères et le chaos lors de lutte internes pour le pouvoir explique la préférence dans l’inconscient collectif Han pour un empire centralisé avec un leader vénéré. Le peuple chinois se rangera derrière Xi comme le peuple russe vieillissant se range derrière Poutine qui cultive la nostalgie du panslavisme et de la grandeur de la Russie. L’effondrement de la puissante URSS n’a jamais été acceptée par les nostalgiques de la puissance russe que Poutine séduit.

Aux guerres mondiales s’ajoutent beaucoup d’autres conflits longs, la guerre civile espagnole, le Vietnam, l’Afghanistan et de très nombreux conflits locaux. Et surtout l’horreur des génocides où l’objectif n’est pas de vaincre un ennemi, mais d’exterminer une minorité.

7 Des violences extrêmes, les génocides

L’historien Yves Ternon a étudié dans « guerres et génocides au XXème siècle » les trois génocides reconnus juridiquement du siècle dernier, celui des arméniens par les jeunes turcs, des juifs par les nazis et des tutsis au Rwanda. Dans le cas des ukrainiens (holodomor), des khmers rouges ou des bosniaques, les avis sont partagés sur la qualification de génocide.

En 1894, le sultan turc ordonne les massacres d’arméniens chrétiens soupçonnés de pactiser avec les russes. La situation s’aggrave quand l’Italie déclare la guerre aux turcs en 1911. Les guerres des Balkans balaient alors tous les interdits moraux : les soldats massacrent les civils ennemis pour se venger, piller, et violer et les civils armés en profitent. Le nationalisme belliqueux devient la règle et déstabilise un long vécu de cohabitation pacifique. Les jeunes turcs capitalisent sur l’humiliation de la perte de leur empire. Ils planifient le génocide à partir de 1914. Les kurdes participeront aux tueries et 80% des arméniens de la région seront exterminés.

A l’époque, les allemands avaient l’influence nécessaire pour arrêter les massacres. Le cynisme des calculs politiques se lit dans la réponse du chancelier allemand Hollweg à l’ambassadeur Metternich qui s’indigne de ce qu’il voit : « Proposer une réprimande publique d’un allié au cours d’une guerre serait sans précédent dans l’histoire. Notre seul but est de maintenir la Turquie de notre côté, que les Arméniens périssent ou non ». Le pasteur Lepsius rédigera un rapport vite oublié sur le peuple arménien.

La folie nazie débutera moins de 20 ans après, mais elle se greffe sur un terreau culturel prêt à accepter les pires crimes. Le pays endoctriné avait plébiscité Hitler à plus de 90% malgré son idéologie raciste . Avec la Shoah suivie de la défaite militaire, plus personne ne pourra ignorer l’horreur du génocide, mais il sera longtemps difficile d’en parler, pour les victimes comme pour les bourreaux.

Le Rwanda est un petit pays fertile où coexistaient agriculteurs et éleveurs sous la férule d’un roi, de chefferies et d’élites exploitant les pauvres. Les colonisateurs allemands arrivent en 1894, époque où fleurissent les théories pseudo-scientifiques des races. Les belges reçoivent mandat de la SDN en 1922. Les missionnaires et les commerçants belges s’activent pour en profiter et le roi se convertit au catholicisme en 1931. Les colons racistes répertorient des différences physiques et distinguent arbitrairement les hutus de tutsis plus grands, à la peau plus claire, généralement des éleveurs prospères.

Les tutsis sont catalogués comme bons pour collaborer avec l’occupant. La fausse différenciation ethnique est inscrite sur les documents administratifs belges et instrumentalisée dans les rivalités de pouvoir entre chefs locaux. Une république démocratique est instaurée en 1961 et les rivalités politiques prennent le relais. Le parti Parmehutu, fondé en 1957, prend le pouvoir avec 80% des voix et s’emploie à « nettoyer » le Nord du pays des notables « tutsis ». Beaucoup s’exilent et fondent en Ouganda en 1987 le Front patriotique rwandais (FPR).

Les clergés chrétiens ont converti 76% de la population, ils prêchent mais n’arrêteront pas l’engrenage de la violence. Par contre leurs doctrines anti contraception ont abouti à une explosion démographique (de 2,4 millions d’habitants en 1962 à 7,1 millions en 1992) qui attisera les rivalités pour la terre. La population s’appauvrit et les riches s’approprient les terres les plus fertiles.

Les escarmouches entre miliciens aboutiront à une guerre civile frontale dès 1990 avec des chefs de partis qui sèment la haine criminelle. Le Parmehutu présente la minorité tutsi comme des nazis voulant les exterminer. Le 6 avril 1994 le président rwandais hutu est assassiné par un missile qui détruit son avion (les enquêtes judiciaires sur les commanditaires ont abouti à un non-lieu faute de preuves suffisantes). Du 7 avril au 17 juillet 1994, les massacres explosent et feront 800 000 morts.

Les historiens et les juristes cherchent à désigner des coupables, des instigateurs des crimes, leurs avis sont partagés. L’objectif de ce blog ne sera jamais de juger quiconque, il est de de contribuer à éclairer les mécanismes qui conduisent aux massacres afin de les prévenir. Dans le cas du Rwanda, on constate un engrenage qui se déroule sur un siècle. C’est peu à l’aune de l’histoire de l’humanité, mais suffisant pour stopper les dégâts quand il est encore temps.

L’engrenage meurtrier part d’une fausse différenciation ethnique inventée par les colonisateurs et se nourrit d’une explosion démographique facilitée par l’idéologie religieuse chrétienne. Il passe à une rivalité politique locale quand le royaume est aboli. Les politiciens divisent et instrumentalisent la haine et la jalousie populaire. Les violences criminelles se développent et enclenchent une vengeance sans fin, un génocide pour les juristes. Les génocides différent, mais ils sont presque toujours prévisibles. Dans le cas du Rwanda, ni l’ONU ni les européens qui avaient le pouvoir d’arrêter le massacre ne l’ont fait. Prévenir les crimes est plus efficace que soigner les victimes et c’est parfois possible.

8 L’I.A. au service des crimes de guerre, un progrès ?

Les deux guerres atroces qui se déroulent sous nos yeux en Ukraine et à Gaza sont très médiatisées et utilisent tous les moyens modernes. Comme la cyberguerre et la désinformation, et de plus en plus l’I.A., d’abord utilisée en secret et modestement. Mais ses progrès techniques exponentiels poussent les armées à une escalade meurtrière.

Le post 84§4 avait évoqué l’utilisation de l’I.A. par Tsahal. Le site israélien « Local Call », cité devant la CIJ, avait révélé l’utilisation du logiciel Habsora pour viser des cibles matérielles dès la campagne contre Gaza en 2021. Depuis, un autre logiciel, Lavender s’attaque aux cibles humaines. Il en a désigné 37 000 à Gaza. Au moins 10% des cibles désignées comme terroristes par leurs conversations sur What’s App résultent d’une erreur de logiciel. Pour chaque bombardement avec les puissantes bombes américaines, les enquêteurs du site affirment qu’il y aurait 15 à 20 victimes civiles innocentes. Car les bombes sont lancées sur leur domicile et détruisent des quartiers d’habitation.

En théorie, une intervention humaine était exigée avant de laisser des robots tuer. Avec les essaims de drone et leurs capteurs, tout va très vite dans un réseau interactif de 250 drones désorientant les systèmes de brouillage. Le contrôle humain est devenu impossible, le brouillage coupe la communication avec les militaires. C’est une évolution irréversible des guerres. Les logiciels n’ont pas d’âme, ils suivent un programme. Lors d’une simulation US, le logiciel a décidé de tuer son opérateur l’empêchant d’attaquer des ennemis qu’il avait identifiés. A Gaza, la guerre mobilisant l’I.A. a fait 35 000 morts dont 15 000 enfants et 80 000 blessés. Dans la guerre en Ukraine, les morts sont dix fois plus nombreux et l’I.A. est utilisée des deux côtés, pour détruire des infrastructures ou tuer des soldats ennemis.

Les dégâts de l’I.A. peuvent être limités par des décisions de chefs, l’état d’esprit dans les unités ou les choix individuels. A Gaza, indépendamment du déséquilibre entre les armements, pourquoi tous ces morts côté palestinien qui scandalisent l’opinion mondiale ? Le témoignage d’un officier de réserve publié le 3 mars sur le site israélien politically koret, un psychologue de 35 ans, est révélateur (cf. Courrier International du 11 avril).

« La plupart des soldats qui m’entouraient n’avaient qu’une motivation : la vengeance. J’ai vu des soldats lancer des grenades sans raison dans des logements encore habités par de simples civils. Mon lieutenant entrait dans les maisons palestiniennes pour y mettre le feu ou les faire exploser juste pour le plaisir. A Gaza, quand on n’adhère pas au discours extrémiste et politiquement frelaté qui s’est emparé de toute la société israélienne, on perd tout crédit et toute autorité vis-à-vis de ses subordonnés.

La seule explication est une peur impossible à maîtriser. Les jeunes soldats tirent sur tout ce qui bouge et en tirant deviennent des héros. C’est la règle du jeu, je n’aurai jamais cru des êtres humains capables de telles choses. Notre culture guerrière plonge ses racines dans les pratiques d’autodéfense face aux massacres antisémites européens. Nos âmes absorbent une violence qui ne mène nulle part, sauf à notre perte. Nous sommes brisés, cette guerre nous a tous changés. Mes amis et mes frères d’armes sont en colère contre moi, mais je ne peux pas taire ce que j’ai vu et fait ».

Ce contexte explique l’utilisation débridée de l’I.A. pour massacrer. Nous sommes très loin des fanfaronnades des leaders politiques et religieux. C’est la terrible réalité destructive des guerres pour tous les humains, soldats et civils des deux côtés des conflits. Nous ne devons jamais l’oublier et résister aux discours des pouvoirs et à l’endoctrinement massif des fauteurs de guerre.

9 Comment vaincre la guerre ?

Ternon conclut : « L’élaboration d’un droit international humanitaire s’est avérée vaine. Sur deux siècles, la force ne cesse de l’emporter sur le droit. La distinction entre violence symbolique (mépris ou humiliation) et violence physique est arbitraire car la première engendre et justifie la seconde. Alors toutes les violences deviennent légitimes au nom de l’injustice sociale, de l’oppression, de la protection de la patrie, du maintien de l’ordre, de l’acquisition de l’espace vital, de la défense d’une culture, de la diffusion d’une religion… ».

La guerre tirait sa légitimité de son but, l’obtention d’une paix équitable, mais elle libère les pulsions meurtrières et banalise le crime. Les maîtres de l’Etat canalisent ces forces et programment le meurtre de masse. Les alchimistes d’une violence génocidaire trouvent dans la guerre le creuset où élaborer un poison qui tue des êtres humains et dépouille assassins et victimes de leur humanité. Le XXème siècle, celui des massacres guerriers, est devenu celui des génocides ».

Les conventions de Genève ont placé quelques barrières vite débordées par la folie nazie. Les tribunaux établis par l’ONU ont défini les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocides. La peur des condamnations ne peut que provisoirement contribuer à tempérer les bourreaux. Les chercheurs essaient aussi d’exhumer d’autres massacres soigneusement occultés par les puissants qui les avaient commandités et leurs complices.

Mais le constat de Ternon ne propose pas de dynamique de paix spirituelle possible pour toute l’humanité. Les guerres à Gaza, en Ukraine, au Soudan, au Yémen ou ailleurs, suscitent des émotions légitimes comme l’effroi, l’indignation, la révolte, la compassion… Et des émotions illégitimes comme le désir de se venger et la volonté de dominer l’autre camp et de l’opprimer. Ces émotions ne permettent pas de vaincre la guerre. Il faut en démonter les mécanismes pour traiter ce cancer généralisé.

Malgré la spécificité de chaque conflit guerrier, on retrouve toujours dans la longue histoire de ‘humanité les mêmes causes fondamentales. L’une d’elles est l’explosion démographique. La population a triplé lors du XXème siècle et accentué les luttes de territoires. Très longtemps les homos sapiens n’ont pas dépassé quelques dizaines de milliers et à l’époque de Jésus, ils étaient environ 170 millions. Nous sommes maintenant 8 milliards, mais ce chiffre va se stabiliser voire décliner plus vite que prévu, une cause majeure des guerres disparaîtra.

Les cessez-le-feu et accords de paix signés par les pouvoirs humains durent rarement. Tous les pouvoirs, religieux, politiques ou militaires, ont intérêt à diviser pour régner, à créer des frontières physiques ou mentales pour définir un ennemi auquel déclarer la guerre et élargir leur empire sur les hommes. Or l’humanité moderne commence à comprendre que les pouvoirs religieux sont des imposteurs, que les pouvoirs politiques sont des menteurs incompétents, et que les pouvoirs militaires sont aveuglés par leur logique de guerre.

Il faut déconstruire leurs discours et affirmer que nous sommes une seule humanité vivant sur une planète non extensible que les guerres abiment. Il n’y a ni guerre propre, ni guerre victorieuse contrairement à ce que les pouvoirs affirment. Toutes les guerres s’accompagnent de crimes de guerre et sont une défaite pour l’humanité. La victoire sur la guerre passera par une résistance coriace aux fauteurs de guerre et aux pouvoirs diviseurs.

Certaines guerres peuvent être prévenues ou calmées s’il y a des autorités capables de s’y opposer et décidées à le faire, soit dans une logique juridique de « communauté internationale », soit parce qu’un Etat ou une alliance d’Etats puissants décident de bloquer rapidement l’engrenage meurtrier.

En sus de ces efforts au niveau collectif, il est incontournable de revitaliser la dynamique spirituelle individuelle, la pacification des cœurs et des têtes. Elle nécessite le pardon préalable avant de chercher à connaître l’autre pour faire disparaître l’idée d’étranger. Alors l’écoute peut s’établir et guider un cessez-le-feu et des négociations entre peuples et assemblées. Nous en parlerons dans le prochain post.