Une réflexion sur le mot ghetto et la situation à Gaza peut équilibrer la perception du drame en cours par nos frères juifs. D’une part, il rappelle l’antisémitisme (post 32) présent en Europe depuis deux millénaires, à l’origine du problème actuel de cohabitation entre juifs et palestiniens. D’autre part son sens s’est étendu à l’oppression de minorités confinées par les pouvoirs dans des conditions de vie difficile, comme Soweto à l’époque de l’apartheid. Les palestiniens subissent depuis trop longtemps l’oppression de l’Etat israélien sous la coupe de Netanyahou.

La situation est devenue dramatique depuis l’intervention de l’armée israélienne à Gaza. Un commentateur du post 79 parlait de « tout un lexique utilisé par les antisionistes, comme le mot apartheid que pratiquerait Israël à l’égard des palestiniens, ou la comparaison entre Gaza et le ghetto de Varsovie ». Certes, les situations de chaque lieu d’oppression ne sont pas comparables, le ghetto de Varsovie était une horreur absolue. Mais la lutte contre l’oppression est nécessaire en tout lieu et en tout temps.

Devant la Cour Internationale de Justice de l’ONU (CIJ), les mots d’apartheid, de colonisation et de génocide ont été utilisés par l’Afrique du Sud ou le Brésil pour qualifier ce qu’Israël appelle sa guerre existentielle contre le Hamas lancée après les tueries atroces du 7 octobre.

La première publication de ce post a été sensiblement complétée, en particulier par des éléments sur le Hamas et l’opinion palestinienne. Ainsi, ce post est devenu long et je vous prie de m’en excuser.

1 L’apparition du mot ghetto : la ségrégation des juifs en Europe

Il vient de Venise, c’était « jetto » en vénitien. Un lieu où on jetait les scories de cuivre d’une fonderie voisine. Avec l’arrivée des Juifs d’Allemagne, assignés là par les autorités vénitiennes, le J est devenu G. Les quartiers juifs, aussi appelés « juiveries », ont existé de tout temps en diaspora.

Les Juifs se rassemblent pour des raisons religieuses, les règles alimentaires avec l’abattage rituel, le minian (quota d’hommes pour valider une prière rituelle) ou l’observation stricte du shabbat nécessitant une synagogue proche. Il y a aussi des raisons sociales comme l’importance de l’éducation et des écoles confessionnelles ou la mise en œuvre de la forte solidarité entre nos frères juifs. Les persécutions par le christianisme ont amplifié cette tendance de repli communautaire.

Paris compte, au XIIIe siècle, quatre juiveries, 300 rues de la Juiverie et rues des Juifs existent encore. Les fondations matérielles du ghetto sont posées, mais il manque la contrainte. Elle apparait en 1215 après les décisions du concile de Latran qui recommande d’isoler les Juifs de leurs concitoyens. Les quartiers juifs cessent d’être un choix libre. En 1290 les Juifs sont chassés d’Angleterre puis en 1306 de France. Dès lors, les populations juives européennes se concentrent sur le territoire pontifical ou en Alsace- Lorraine.

À Venise et en Italie, ils participaient encore assez librement à la vie économique. Mais en 1516, Venise décrète : « Les Juifs habiteront tous regroupés dans les maisons situées au Ghetto ; et pour qu’ils ne circulent pas toute la nuit, deux portes seront mises en place pour passer les deux ponts qui y mènent. Elles seront ouvertes à l’aube et fermées à minuit par quatre gardiens appointés et payés par les Juifs ». Ils y emménagent en trois jours en adaptant les maisons. Ils payent un loyer d’un tiers supérieur à celui payé par les anciens locataires chrétiens. Il leur est interdit de devenir propriétaires.

En 1789, la France compte 40 000 Juifs. Les « yiddishophones » d’Alsace et Lorraine, les « Portugais » de Bordeaux et Bayonne ou les « Juifs du pape » en Avignon. La Révolution française leur donne enfin un statut non discriminatoire de citoyens français. Et c’est Napoléon, conquérant de l’Italie, qui exporte les valeurs de la fraternité. Il supprime le ghetto de Venise en démolissant ses portes.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis, déterminés à les exterminer, parquent les Juifs d’Europe orientale dans leurs quartiers d’habitation. Des ghettos apparaissent, coupés par des murailles de tout contact avec l’extérieur, notamment à Vilnius, Kaunas, Cracovie, Lublin, Lwów, Riga, Białystok. Celui de Lódz comprend 170 000 Juifs, celui de Varsovie en a compté plus de 500 000.

Transformés en camps de travail, vivant sous un régime communautaire, les ghettos étaient condamnés à disparaître. Soit par asphyxie, surpopulation et insuffisance du ravitaillement, soit par des pogroms et l’évacuation vers les camps de la mort. Réduit à 40 000 habitants, le ghetto de Varsovie se révolte avant d’être détruit pierre par pierre après une héroïque défense, en avril mai 1943.

2 L’extension du concept de ghetto, son applicabilité à Gaza

La ghettoïsation désigne tous les processus de ségrégation spatiale comme les ghettos noirs des grandes villes US. Le ghetto de Soweto où est né Mandela s’est révolté en 1976 contre la ségrégation imposée par le pouvoir blanc. Les émeutes conduiront à la fin de l’apartheid au terme d’une lutte longue et courageuse.

Les politiques de désinvestissement public dans les quartiers pauvres créent des lieux accumulant les problèmes sociaux. L’utilisation du mot ghetto par les pouvoirs publics et les médias se projette sur sa population. Une partie le rejette, une autre le revendique pour dénoncer un urbanisme délétère. Il crée une concentration de minorités en situation précaire, de petits trafics et de violence ambiante. Ce mot s’applique surtout aux quartiers entourés de murs où, faute de place, de hautes constructions surplombent des rues trop étroites. Il désigne par extension un lieu où une minorité vit séparée du reste de la société ou un milieu renfermé sur lui-même, dans des conditions économiques difficiles.

La situation de Gaza est la conséquence des guerres. Plus de 70% de ses 2,3 millions d’habitants sont des descendants des réfugiés arabes fuyant la guerre de 1948. Ne sachant où aller, ils se sont entassés dans des camps de tentes sur la bande de Gaza, à l’époque sous contrôle égyptien. C’est la nakba (post 79). Ayant perdu leur domicile dans lequel ils ne peuvent plus revenir, ce sont des réfugiés pris en charge par l’ONU. Leurs propriétés ont été saisies par Israël sans compensation et attribuées à un fonds réservé aux juifs. Le statut de réfugié donne droit à une aide humanitaire qui les place dans une situation psychologiquement inconfortable. Il est très difficile de trouver un emploi sur place.

Gaza coche plusieurs critères faisant référence à un ghetto. Des murs de sécurité et d’innombrables check points militaires rendent très difficile ou impossible les déplacements des arabes. Ainsi, le développement d’une activité économique palestinienne autonome est très problématique.

L’oppression des populations arabes depuis 1967 est avérée en Cisjordanie où l’implantation des colonies juives morcelle les zones habitées par des arabes (voir carte ci-contre). Les juifs ont accès à des routes exclusives. Selon l’Afrique du Sud, c’est un indice d’apartheid. A Jérusalem Est, la politique de ghettoïsation est en cours. Avec 230 000 colons israéliens après expropriations et démolitions, il ne reste que 320 000 habitants arabes. Tout est fait pour qu’ils deviennent une minorité entassée dans des quartiers délaissés, un ghetto. Gaza, territoire surpeuplé et enclavé est déjà devenu un ghetto. Cette réalité de terrain pourrait-elle réveiller la compassion de nos frères juifs pour leurs frères arabes ?

Les murs de séparation construits en empiétant sur les territoires palestiniens sont censés protéger Israël du terrorisme des groupes ou individus extrémistes armés en particulier par l’Iran et dont le Hamas fait partie. D’après les chiffres israéliens, de 1993 au 7 octobre 2023, il y a eu 295 morts par attaques terroristes. Le 7 octobre, en un jour, 766 civils et 373 soldats israéliens ont été tués. Le Hamas aurait perdu ensuite plus de 1000 combattants et la guerre à Gaza en aurait mis hors de combat 10 ou 15 000 (?). Même s’il est très difficile de désigner un combattant du Hamas, la majorité des 30 000 morts dont 13 000 enfants et 70 000 blessés côté palestinien sont à l’évidence des civils innocents.

Sur la seule base des chiffres, il est clair que la politique répressive amplifiant l’injustice crée une frustration et un désir de vengeance qui finissent par exploser et faire encore plus de dégâts des deux côtés. Il n’y a pas de sécurité sans équité. Le gouvernement israélien refusant de reconnaître un Etat palestinien, il a les mains libres pour intervenir sur tous leurs territoires sans avoir à déclarer la guerre. Et il maintient une occupation durable en finançant des colonies établies par la force et l’expropriation.

3 L’oppression des palestiniens sur le terrain

Un article du journal israélien Ha’aretz du 17 janvier publie des témoignages comme celui d’Aïcha, une palestinienne de 19 ans vivant à Hébron, proche d’une colonie juive. Elle monta sur le toit de sa maison et vit apparaître un colon qu’elle connaissait, mais transformé. En uniforme et portant un fusil d’assaut, il l’a insulté, traité de pute et chargé son arme. Un mois auparavant, elle avait croisé en rentrant chez elle un autre voisin colon en uniforme qui lui ordonna de montrer sa carte d’identité et son téléphone. Il a menacé de l’arrêter parce qu’elle refusait de lui remettre son portable.

Selon elle, « une fois recrutés, les colons sont bien plus durs que les soldats ordinaires ». Après le 7 octobre, 5500 colons ont été recrutés dans les bataillons de défense territoriale et armés pour « servir » près de chez eux. Le recrutement n’est guère sélectif, une des recrues avait volé et agressé des palestiniens. Des enquêtes sont parfois diligentées et des armes confisquées, mais elles ne dissuadent pas les brutes. Issa, un autre résident d ‘Hébron a été arrêté dès le premier jour de la guerre, menotté, battu et menacé pendant une dizaine d’heures. « Je pensais qu’ils allaient me tuer. Je peux m’accommoder des soldats, même fanatiques, mais les colons en uniforme sont impossibles ».

Le 16 octobre, des soldats d’un bataillon territorial ont envahi le village de Khirbet avec un bulldozer conduit par un colon reconnu par les villageois. Ils ont détruit des habitations, des cultures, des citernes et conduites d’eau. Une ONG israélienne de défense des droits humains, Haqel a contacté l’administration civile : aucun ordre de démolition n’avait été donné. Deux semaines plus tard, Ahmed, un habitant du village témoigne que des soldats ont fait irruption chez lui, terrorisé ses filles de 7 et 8 ans, puis l’ont roué de coups. Un soldat lui a lancé : « Vous avez 24 heures pour raser votre maison, je reviendrai vérifier ».

Selon l’organisation B’Tselem, seize villages de la zone C, le glacis colonial, ont été évacués par leurs habitants pour échapper aux menaces et aux violences des soldats et colons. Il y a toujours eu des citoyens et associations juives défendant la dignité des palestiniens, mais depuis le 7 octobre, les brutes et les sadiques qui existent dans toutes les communautés se sentent libres de sévir.

Les colonies sont souvent situées au sommet des collines. Des villages en contrebas ont tendu des grillages entre les toits de leurs maisons pour se protéger des ordures jetées d’en haut incluant de vieux meubles. Des médias fiables ont aussi publié des vidéos de soldats israéliens riant en chœur en voyant s’effondrer des bâtiments d’habitations bombardés à Gaza. De l’autre côté du mur, des images de tueries de juifs suscitent la liesse de certains palestiniens. Où est la fraternité humaine ?

Avec l’augmentation des effectifs militaires et paramilitaires et la montée des sentiments de vengeance et de l’idéologie religieuse d’éloignement des arabes, la situation devient très difficile à maîtriser. Depuis octobre, 400 palestiniens ont été tués en dehors de Gaza par les colons et les soldats.

4 Les militaires et la logique de guerre

L’objectif d’une guerre n’est pas toujours clair, sauf pour défendre une population. Le pouvoir politique déclare la guerre, l’armée est censée obéir. Israël a son armée, Tsahal, et son pouvoir politique, le premier ministre Netanyahou. Il a été élu en s’alliant avec les partis religieux d’extrême droite. Ils refusent la solution à deux Etats. Son objectif actuel est la destruction totale du Hamas, un prétexte pour un politicien poursuivi par la Justice de son pays pour prolonger la guerre. La majorité des citoyens juifs et le moindre bon sens le savent irréalisable par les armes.

Le Hamas a sa branche politique. Sa Charte initiale de 1988 l’identifiait comme une branche des frères musulmans et appelait à la création « d’un État islamique en Palestine à la place d’Israël et des Territoires palestiniens occupés » et à l’anéantissement de l’État d’Israël. Elle a été réécrite en 2017, mais rejette le plan de partage de la Palestine des Nations unies de 1947 et réclame la création d’un État palestinien entièrement souverain et indépendant, avec Jérusalem comme capitale, selon les limites du 4 juin 1967, avec le retour des réfugiés et des déplacés vers les maisons d’où ils ont été expulsés.

Leur leader K. Meshaal a déclaré le 17 janvier : « Nous rejetons l’idée d’une solution à deux États. Notre objectif est clair : un État palestinien du fleuve à la mer, du nord au sud. Le 7 octobre a renouvelé le rêve et l’espoir de cette Palestine ». Il n’a jamais condamné les crimes commis par la horde humaine qui a franchi le mur, où des membres de la branche armée du Hamas étaient majoritaires. Le Hamas aurait été dépassé par les résultats de son attaque en nombre de morts et d’otages juifs. Mais il s’était organisé pour filmer et diffuser des actes de barbarie.

Il savait qu’il perdrait une partie de ses effectifs et il a peut-être encouragé ou ordonné des crimes horribles pour recruter des guerriers prêts à tout. Le Hamas, classé comme organisation terroriste par l’UE a prouvé à cette occasion que ce qualificatif était justifié. Daesh avait créé deux types de vidéos destinées à des cibles différentes, l’un avec des crimes répugnants destinés à recruter des sadiques, l’autre avec des avancées triomphantes de guerriers pour faire rêver les djihadistes.

Que la guerre soit en cours ou menaçante, défensive ou offensive, s’ils ont un soutien financier, les chefs armés trouveront toujours des guerriers. Peu importe qu’un combattant fasse partie d’une armée officielle comme ceux de Tsahal ou d’un mouvement comme le Hamas, il y a une logique commune : un ennemi désigné, des chefs ordonnant de tuer, le risque de mourir prématurément et des armes plus ou moins sophistiquées. Face à la menace des Etats arabes et avec le soutien des USA, les israéliens ont construit une puissance militaire écrasante et nucléarisée.

Quand la guerre fait rage, les chefs guerriers, relayés par les politiciens, rêvent d’une « victoire » sur le terrain. Pour eux, la guerre est moins risquée. C’est une aubaine pour poser en héros, recevoir des décorations et monter en grade. Avec dans les pays corrompus des commissions sur les achats d’armes. De toute évidence, seule la grande faucheuse est victorieuse dans les guerres modernes où les hécatombes frappent davantage d’innocents.

De plus, il n’y a pas de guerre sans crimes de guerre. Car elles placent des hommes armés dans des situations imprévisibles où les plus bas instincts peuvent se réveiller. Le rôle de l’encadrement est donc essentiel pour les prévenir. Tsahal est mieux formée et encadrée que l’armée russe mais le politique commande. Il avait le choix entre des bombes surpuissantes faisant davantage de victimes et des bombes classiques. Comme le prouvent des cratères d’impact monstrueux, il a fait le choix de la puissance. Dans les assassinats ciblés, pour être sûr de tuer la cible humaine, et sur les immeubles, pour détruire d’éventuels tunnels du Hamas.

Les armées sont à la pointe de la technologie. Selon l’officier à la tête de Sigma, s’exprimant en 2018, « Tsahal introduit l’Intelligence Artificielle dans tous les domaines, de la logistique au personnel en passant par le renseignement ». P. Scharre affirme dans le LA Times du 3 novembre 2023, que « Les systèmes d’I.A. sont notoirement peu fiables en situation réelle. Sur un champ de bataille mouvant, le risque de frapper la mauvaise cible est considérable, comme en Lybie et en Ukraine ». Le journaliste conclut que « l’I.A. sert à augmenter la capacité destructrice à Gaza d’un pays qui écume de rage. Les erreurs d’algorithmes sont noyées dans les brumes de la guerre ». L’I.A. permet aussi de localiser plus facilement les cibles humaines, dont des journalistes (130 ont été tués).

5 Le point de vue du droit international : une situation complexe

Endoctrinés ou contraints par les rois noirs du pouvoir, les hommes commettent des crimes qui devraient répugner à leur conscience. Les crimes nazis ont marqué l’histoire et ont conduit à de nouvelles notions juridiques et tribunaux internationaux pour les punir et dissuader les criminels. Depuis, les brutes et les sadiques innovent dans la cruauté et les juristes ont dû s’adapter.

Parfois le droit humain peut offrir une protection. La guerre traditionnelle entre Etats était régie par un droit de guerre pour protéger les civils et restreindre les méthodes et moyens de guerre. Celle de Gaza oppose l’Etat d’Israël et le Hamas, alors que les palestiniens n’ont pas d’Etat reconnu par tous. Mais pour juger les crimes des milices serbes, le tribunal international a défini comme « crimes de guerre » ceux commis dans un « conflit armé prolongé entre les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés ou entre de tels groupes au sein d’un État ». Alors le droit international humanitaire (DIH) peut s’appliquer. Un crime de guerre peut donner lieu à une responsabilité pénale individuelle pour les combattants. La prise d’otages par le Hamas en fait partie.

Plus graves sont les crimes contre l’Humanité définis en 1946 : l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation. Et tout autre acte inhumain commis contre les populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux. L’apartheid en fait partie. Ils sont imprescriptibles selon le droit français.

Plus grave encore sont les crimes de génocide, définis en 1948. C’est l’intention de détruire tout ou partie d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, incluant la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, et le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. C’est sur ces bases que la Russie et Israël sont accusés de génocide. Contrairement à l’apartheid, ils sont difficiles à prouver et longs à juger.

Ainsi, l’accusation de génocide portée par l’Afrique du Sud le 12 janvier devant la CIJ, juridiction élue par l’ONU est particulièrement lourde. Ses conséquences s’appliquent aussi aux soldats obéissant aux ordres. Elle a statué le 26 janvier que « l’Etat hébreu devait prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir tout acte ou incitation au génocide ».

De plus, l’AG de l’ONU a demandé à la CIJ de rendre un avis consultatif sur la légalité de l’occupation israélienne prolongée depuis 1967 et ses conséquences juridiques pour les États membres. Dans cette procédure en cours, 50 Etats, l’Union Africaine, la Ligue Arabe et trois ONG ont présenté leurs conclusions, du jamais vu dans les débats de cette Cour. La décision 242 du Conseil de Sécurité avait déjà souligné l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la guerre, inscrite dans la Charte de l’ONU.

L’avis juridique de la CIJ se situe un cran au-dessus et pourrait influencer les décideurs politiques. La quasi-totalité des interventions insistait sur une solution à deux Etats. Etablir un Etat palestinien admis à l’ONU au même titre qu’Israël est incontournable pour équilibrer la situation. Or Netanyahou et les dirigeants du Hamas s’y opposent résolument. Une solution politique doit donc être préparée dans des instances ou conférences internationales indépendamment de Netanyahou et du Hamas, puis argumentée directement auprès des peuples.

6 Les négociations politiques internationales : des accords précaires

Un résumé historique fait par l’ONU est consultable à https://www.un.org/unispal/fr/histoire-de-la-question-de-palestine/. Il permet de comprendre les causes du déséquilibre entre un peuple juif qui dispose d’un Etat armé et un peuple palestinien en situation précaire. Des juristes arguent que l’absence de frontières définies et de gouvernement reconnu les empêchent d’avoir un Etat.

Les guerres, celle de 1967 à l’initiative d’Israël et celle de 1973 à l’initiative des Etats voisins, ont rendu la situation juridique provisoirement confuse et compliqué les solutions politiques possibles. Légalement, une occupation doit être contextuelle et liée à une guerre en cours respectant le droit de guerre. Les intervenants devant la CIJ ont affirmé qu’elle est permanente et s’amplifie.

La Palestine sous mandat britannique a été divisée en une partie devenue l’Etat d’Israël et trois autres territoires occupés par Israël depuis la guerre de 1967. La bande de Gaza, initialement administrée par l’Egypte, Jérusalem Est et la Cisjordanie attribués aux palestiniens. L’annexion de Jérusalem Est décrétée par la Knesset en 1980 a été condamnée par le Conseil de Sécurité et l’ONU. La Cisjordanie fut divisée en trois zones après les accords d’Oslo en 1993. A et B sous contrôle civil de l’Autorité Palestinienne, et C, 60% du territoire, sous contrôle exclusif de l’armée israélienne.

Ce conflit implique directement plus de 6 millions de résidents locaux de chaque peuple. Et indirectement la diaspora palestinienne (environ 6 millions de personnes, surtout en Jordanie, 2,3 Mn, en Syrie et au Liban) comme la diaspora juive (15 à 24 Mn suivant le sens donné à ce mot, dont 6 à 10 aux USA). C’est peu par rapport aux 8 milliards d’humains, mais ce conflit a des répercussions mondiales.

Dans la procédure devant la CIJ, les USA ont argumenté d’une situation ni légale ni illégale et contesté la légitimité de la CIJ pour se prononcer, le Royaume Uni a une position assez proche. Ils déclarent aussi que toute décision de la CIJ pourrait compliquer toute négociation entre Netanyahou et le Hamas. Ils sont de plus en plus isolés. Les USA ont mis leur veto sur trois résolutions du Conseil de Sécurité demandant un cessez-le-feu immédiat. Le professeur de droit représentant la Ligue Arabe a fait une démonstration implacable pour déconstruire leur argumentation. Il rappelle que des droits fondamentaux comme ceux du peuple palestinien, affirmés par les juridictions internationales, ne peuvent être soumis au préalable d’une négociation avec le gouvernement d’Israël.

Les bombardements sur Gaza économisent des morts de Tsahal au prix d’un massacre de civils. Ils n’ont rien épargné, mosquées, églises ou hôpitaux. L’eau, l’électricité et les approvisionnements ont été coupés pour l’attaque de Gaza, aussi inhumaine que celle du 7 octobre. On parle de cimetière à ciel ouvert et la famine menace. Le calvaire des palestiniens change l’opinion publique mondiale. Nos frères juifs étaient largement perçus comme des victimes de l’antisémitisme et du nazisme européen qu’il fallait protéger. Ce sont maintenant eux les oppresseurs et les colonisateurs.

Toute forme de résistance palestinienne peut être qualifiée de menace terroriste par décision administrative israélienne sans procédure judiciaire pour se défendre. Il y a maintenant plus de 7200 prisonniers dans les geôles israéliennes. Les négociateurs, Qatar, Egypte et USA essaient d’obtenir la libération concomitante d’otages et d’emprisonnés.

7 les négociations entre palestiniens et israéliens seront ardues

L’attaque du 7 octobre fut un traumatisme pour nos frères juifs persuadés à tort que la domination militaire apportait la sécurité. Car ils voient dans les crimes du Hamas l’intentionnalité de massacrer toute leur communauté, ce qui leur rappelle la Shoah. De plus, par solidarité communautaire, tous se sentent personnellement concernés par les victimes dont ils portent le deuil et par le sort des otages. Les victimes israéliennes, annoncées à 1500, a été réduit à 1139. Certains auraient été tués par mégarde par leur armée. Il resterait actuellement 134 otages, certains sont morts sous les bombes. Depuis l’opération de Tsahal, 235 soldats juifs ont été tués lors d’affrontements avec le Hamas.

La situation réelle de nos frères palestiniens est souvent une préoccupation secondaire pour l’opinion juive et l’actualité sur Gaza est quasi absente des médias israéliens. Trop gênante à voir et entendre ! Dans une opération récente, Netanyahou a félicité ses soldats pour avoir libéré deux otages du Hamas. Sans aucun mot pour les 100 victimes de l’opération dont la quasi-totalité avaient la malchance d’habiter au mauvais endroit. Israël pense avoir réduit de moitié l’effectif combattant du Hamas. Mais on ne combat pas une idéologie par les armes. Il ne peut y avoir de solution militaire.

Le système oppressif a acculé les palestiniens et encouragé les actions terroristes pour attirer l’attention. Ce qu’avaient fait des militants sionistes en posant une bombe en 1946 dans l’hôtel King David. Elle tua 91 innocents dont 58 palestiniens et 28 anglais. Cet attentat terroriste conduira à la décision anglaise début 1947 de renoncer à son mandat, transféré à l’ONU. La déclaration de création de l’Etat d’Israël par Ben Gourion en résultera.

Le gouvernement israélien a perdu la guerre des médias et discrédité sa prétention à représenter les juifs, y compris en interne. Selon de récents sondages, seulement 15% des juifs israéliens souhaitent que Netanyahou reste. Les manifestations contre lui ont repris après celles contre ses tentatives de museler la Cour suprême. De même, le Hamas a pris le pouvoir par la force à Gaza, mais un sondage récent de l’AWRAD à Gaza et en Cisjordanie donne 14% des palestiniens qui voteraient pour lui. Il a été réalisé début novembre en face à face sur 668 palestiniens. Il ne faut pas confondre la posture de soutien verbal à chaud d’une action militaire, majoritaire des deux côtés, avec le soutien électoral futur de partis dont l’idéologie conduit dans l’impasse.

Par contre, ce qui est préoccupant dans ce sondage, c’est que les palestiniens considèrent comme positif le rôle des mouvements armés (de 76% pour le Hamas à 89% pour les brigades Al Qassam). Les médias arabes Al Jazzera en tête sont à 48%, le Hezbollah à 45%, la Russie à 40%, la Croix Rouge à 37%, la Chine à 34%, la Turquie à 33% et l’Iran à 32%. Beaucoup plus loin viennent l’Egypte, 14%, la Jordanie, 12%. L’Autorité Palestinienne est à 10%, comme les médias occidentaux, l’ONU n’est qu’à 9% et l’Arabie Saoudite à 3%, en dernier avec 0%, les USA et Israël.

Je n’y vois pas un soutien massif des palestiniens aux groupes armés, mais la réaction émotionnelle à chaud d’un peuple qui se sent humilié depuis trop longtemps et abandonné par tous y compris par leurs frères arabes qui se contentent de discours de soutien. Les Etats arabes les ont déçus et c’est par contraste que les mouvements guerriers sont vus positivement, le Hamas comme libérateur de prisonniers palestiniens et organisateur de l’aide d’urgence à Gaza. Le paradoxe est que les grands donateurs de l’aide qui leur permet de survivre sont les USA, l’Allemagne et l’UE. La Russie et l’Iran sont appréciés comme fournisseurs d’armes. Il faudra d’autres sondages et enquêtes pour comprendre l’évolution récente des opinions publiques dans les deux camps et préparer les négociations. Mais la logique de guerre risque d’être marquante pour longtemps : 73% des sondés rêvent encore d’une victoire palestinienne !

Il y a à l’évidence un clivage radical des opinions publiques de base, accentué par les crimes récents. S’y ajoutent la crainte des massacres antisémites chez les juifs et le mythe du martyr dans la culture musulmane. Ce n’est donc que sous la très forte pression des acteurs internationaux qu’une solution politique à deux Etats pourra être établie. Elle nécessitera beaucoup de temps et d’efforts d’explications, de communication et d’éducation.

Pour y parvenir, il faudra d’abord s’accorder sur un territoire où ces Etats sont souverains avec le problème de Jérusalem Est. Un Etat doit aussi disposer d’un gouvernement reconnu à l’international et soutenu par ses citoyens, ce qui n’est le cas ni du Hamas ni de Netanyahou. Puis il faudra organiser une police. Mais faut-il une armée palestinienne ? Le Costa Rica n’en a pas et s’en félicite. Dans leur contexte géographique, les palestiniens n’ont qu’une menace avérée, l’Etat d’Israël. Dans l’impossibilité d’aboutir à un équilibre des forces, ils doivent trouver des protecteurs. Une alliance du type OTAN pourrait permettre à la Ligue Arabe de le faire. Elle exigerait d’Israël : « Entre le fer dans ta main (Parole de 1977, XXV/5) » si tu veux vivre en paix avec les Etats voisins. L’idéologie belliqueuse des clergés iraniens serait désarmée.

Sans aucun doute, le sujet épineux sera le sort des colonies implantées en territoire palestinien et des 700 000 colons qui y vivent actuellement. Elles sont interdites par le droit international, mais les gouvernements israéliens successifs les ont soutenues financièrement et militairement. Seul Sharon a eu la sagesse de démanteler les colonies implantées à Gaza. Il savait en militaire expérimenté qu’elles étaient insoutenables à terme et source de trop de problèmes pour Israël.

8 La vision spirituelle et la Paix du Saint

Dans une guerre ouverte comme en Ukraine (post 62), Soudan, Yémen ou en Palestine, le côté sombre des pouvoirs que la Parole récuse est évident. Les leaders motivés par la puissance du pouvoir politique et de l’argent se comportent comme des mâles alphas en quête d’un territoire de domination. Quand ils habillent leurs ambitions avec une idéologie à connotation religieuse comme Khamenei, Poutine ou Netanyahou, les politiciens sont encore plus dangereux. C’est la Bête (post 60), l’alliance mortifère entre les rois noirs, les pouvoirs profanes, et les rois blancs, les pouvoirs religieux.

Après des décennies de souffrances, nos frères palestiniens doivent comprendre qu’ils ont été manipulés au nom de la « cause palestinienne » par des politiciens et des idéologues appelant à abattre l’Etat d’Israël sans se préoccuper des conséquences pour les juifs qui y vivent ni de leur capacité à se défendre. Ils les embourbent dans une vengeance sans fin (1974, 27/9). Les palestiniens doivent récuser les idéologies du Hamas, du Hezbollah et les manigances des clergés chiites.

Nos frères juifs doivent écouter l’enseignement des prophètes libérés des interprétations des rabbins : aime ton prochain comme toi-même (Lévitique 19/18). Et Deut. 27/19 qui maudit celui qui opprime l’étranger, donc leurs voisins palestiniens. Ils doivent comprendre qu’il n’y a pas de paix et de sécurité s’ils restent indifférents aux injustices perpétrées contre les non juifs. On peut comprendre leur inconscient collectif de crainte héritée de siècles de persécutions. Mais la peur est mauvaise conseillère, les faits le prouvent.

Seule la vision spirituelle permet la Paix du Saint. Elle commence par se libérer des pouvoirs religieux et profanes, de leurs idéologies et de de leur propagande. Elle passe par l’amour fraternel à la base, entre tous les humains. Elle seule permettra de consolider une Paix plus durable que des négociations entre puissants qui débouchent trop souvent sur d’autres guerres.

Les guerres causées et alimentées par les pouvoirs sèment la mort. Pour un être humain endeuillé par la mort, retrouver l’amour universel et étouffer toute soif de vengeance est long et difficile. Il doit d’abord pardonner aux criminels. C’est un enseignement crucial de Jésus, rappelé sous la torture avant de mourir. Chacun doit renforcer son âme pour retrouver la paix intérieure, seul antidote solide contre les réactions primitives de peur, de colère et de vengeance.

9 L’espérance d’une réconciliation spirituelle

Pour nos frères sémites se référant au patriarche Abraham et aux prophètes (avant Jésus pour les juifs), on peut rêver d’une véritable réconciliation spirituelle, même si elle prendra plusieurs générations. Il faut revenir à la Parole à sa Source, celle qui ne se divise ni ne se tait. Revenir à la Torah qui maudit l’oppresseur du faible et au Coran qui concède la lutte armée dans les deux seuls cas de légitime défense ou de lutte contre l’oppression (post 78 §4). Tuer des innocents n’est ni aimer son prochain comme soi-même, ni lutter contre un système oppressif. Il faut comme Gandhi trouver des solutions innovantes mobilisant l’intelligence spirituelle de chacun.

Et avec l’aide de la communauté internationale, on doit espérer la mise en œuvre plus rapide d’une synergie économique tenant compte des réalités de terrain. Pour reconstruire et développer les territoires palestiniens dévastés, les habitations et les infrastructures. Et pour trouver des solutions sages pour gérer les colonies sionistes qu’on ne va quand même pas passer au bulldozer. Personne n’y gagnerait et il faut des talents pour optimiser le potentiel des infrastructures créées.

A priori, on peut penser à des juifs résidant dans des espaces territoriaux sécurisés, à statut particulier mais sous souveraineté palestinienne pour payer loyers et impôts. A des femmes et hommes vivant en paix avec leurs voisins (résolution 194 de l’ONU § 11), éduqués, entreprenants et disposant de réseaux commerciaux et de moyens financiers. Ils ont besoin d’un peuple palestinien jeune, plein d’espérances et qui a tout à construire. Les postes offerts par l’ONU ou les ONG sont peu nombreux et les salaires des organisations violentes type Hamas sont tentants pour nourrir la famille. Ce serait aussi une alternative aux postes offerts par les entreprises installées en Israël qui recrutent une main d’œuvre palestinienne passant par les fourches caudines des autorisations administratives et des check points des militaires.

Les occidentaux, héritiers des peuples européens, doivent mesurer leur responsabilité historique dans l’antisémitisme (post 32) et l’humiliation coloniale des arabes, des africains et des autres peuples sur lesquels ils ont assis leur enrichissement. Ils peuvent consacrer davantage de leurs talents et de leurs ressources technologiques et financières pour aider du mieux qu’ils peuvent leurs frères humains partout. Les européens sont des acteurs marginaux dans ces négociations, mais le post 79 § 3 et 4 a proposé une initiative possible pour la France et les Etats européens.

Je pense que la jeunesse occidentale est beaucoup plus consciente que nos générations de la nécessité d’agir contre les injustices. Espérons !

La conscience du Bien universel peut unir croyants et incroyants dans une alliance fraternelle pour établir l’équité (1974, 28/10).