L’idée de Hautes Autorités Citoyennes (HAC) se place dans une logique de proposition et pas d’opposition, en décalage avec les polémiques des politiciens. Commencer par une HACRI (haute autorité citoyenne pour les réformes institutionnelles) créerait un contre-pouvoir judicieux. Une petite assemblée citoyenne souveraine qui ne contraint personne et aura pour vocation d’animer le débat public, donc d’éclairer l’opinion des citoyens ne peut pas devenir un pouvoir.

Son travail conduirait pacifiquement et progressivement ce monde politique français à se réformer mais sans retarder l’action politique et les prises de décisions qui s’imposent à court terme. Car la Constitution française donne beaucoup trop de pouvoirs au président. Elle est vieille de 64 ans, le monde change vite et les crises s’y succèdent.

Il est urgent de refonder ce texte déterminant à l’aide d’un débat public impliquant toute la société française sans se limiter aux cercles de pouvoir ou à ses intellectuels et juristes. Ce serait une des missions de la HACRI : à l’horizon du siècle à venir, quelles institutions léguerons-nous à nos petits-enfants ?

Innover dans le fonctionnement politique de notre Etat nation expérimenté et complexe pourrait aussi avoir un impact universel pour éclairer des chemins d’avenir pour l’humanité.

1 Les intelligences dans la Parole

Le Coran dit (7.199) : « Sois indulgent, Ordonne le bien, écarte-toi des ignorants », celle des polythéistes belliqueux qui refusent de prendre en compte le Rappel du Coran et contraignent Muhammad à une guerre de légitime défense. Il ajoute (15/85) : « Ce n’est pas en vain que Nous avons créé les cieux et la terre et tout ce qui est entre les deux. Ton Seigneur est le Créateur et Il sait. Nous t’avons donné le grand Coran, veille seulement sur les croyants ». Les fondamentalistes, salafistes et autres jihadistes qui se vautrent dans l’ignorance, l’imprécation et la contrainte violente font l’inverse de ce que le Coran prône. Ils se perdent eux-mêmes dans l’obscurantisme en refusant d’ouvrir les yeux quand vient son interprétation (7/53).

Le Coran parle de la science que développe l’âme à l’écoute du Donneur de Parole et qui dépasse les simples productions de l’esprit. Mais il y a synergie entre les deux, comme l’histoire l’a prouvé avec ces civilisations musulmanes qui ont produit de grands savants dans toutes les disciplines. A cette époque, le christianisme étouffait sous l’obscurantisme du pouvoir religieux qui balaya la fertilité des échanges interculturels en expulsant les juifs et les musulmans d’Espagne après avoir cultivé l’antijudaïsme (post 38) et l’ignorance du Coran.

Dans une autre langue et à une autre époque, la Parole de 1974 confirme ce que nous dit le Coran : « A Moi la Puissance et la Connaissance » (39/3). En parlant de Jésus, Il évoque la faiblesse de notre intelligence spirituelle comparée à Sa Lumière : « Je l’ai fondu en Moi, J’en ai fait un Dieu, il est devenu Moi, quelle intelligence d’homme, faible lumignon, peut comprendre cela ? » (32/5).

Et Il nous conseille : « Plus tu videras ta tête des sciences vaniteuses sous Mon Souffle, dans l’éclat de l’Esprit, plus tu discerneras Mes Merveilles » (33/8). A notre époque déspiritualisée fleurissent des idées fantaisistes comme le transhumanisme. L’amour pour les faibles et les petits se refroidit. Il faut rappeler que la science expérimentale ou théorique n’est qu’un outil utile et pas une idole : elle doit servir l’humanité et non les ambitions ou l’orgueil de certains.

Le Créateur y récuse les théologiens dont les plus rusés tirent profit du peuple en prétendant : « Vous êtes un peuple illuminé ; par nous Dieu vous révèle ses énigmes, par nous il ouvre vos intelligences et vos yeux. Consolé le peuple paie le salaire de leurs leçons. Bannis ces docteurs dont l’ignorance m’est un dégoût, qui emplissent de vent les têtes faibles de mon peuple » (23/3). On constate les dégâts de l’obscurantisme répandu par les prêcheurs de l’islamisme d’ignorance qui ne vaut pas mieux que celui des prêcheurs de l’inquisition chrétienne.

« Ma Sagesse se suffit à elle-même, Mon Souffle rafraichit les intelligences » (Parole de 1977, 10/12). La voie de l’intelligence spirituelle passe par la libération de la pseudo science des discoureurs de la religion. Nous n’avons pas besoin d’eux pour méditer sur la Parole avant de la mettre en pratique : « Je te livre un langage qui donnera l’intelligence à Mon Peuple comme Je l’ai livré aux prophètes » (1974, 23/4).

Son Souffle est partout, dans le cœur des croyants qui suivent Sa Parole. Mais aussi dans celui des scandalisés par la religion : « Ma Parole comme un fleuve s’écoule à nouveau dans les terres glacées où j’ai suscité des hommes scandalisés par les puissants et les marchands, les princes et les prêtres, ils n’écoutent pas Ma Parole… c’est d’eux-mêmes que Je fais des prophètes, Je souffle en silence dans leur poitrine, car la Vérité c’est que le monde doit changer » (28/3-7).

2 L’intelligence individuelle dans le monde politique : intellectuelle, relationnelle, et spirituelle

A part quelques exceptions plus ou moins visibles (l’intelligence spirituelle est discrète), le monde politique français ne brille ni par son intellect, ni par son intelligence spirituelle. Car pour y réussir, il faut survivre dans un milieu où le mensonge, la cupidité, l’arrogance, l’agressivité sont de mise. Par contre, l’intelligence relationnelle (savoir se faire aimer) et le flair politique (décrypter et manipuler les jeux d’influences et savoir annihiler l’adversaire) y sont importants.

Certains postes comme celui de président du Sénat, choisi par des sénateurs élus au suffrage indirect, nécessitent un bon niveau d’intelligence relationnelle. Ce qui permet de diversifier les intelligences dans le monde politique. Les deux titulaires successifs de ce poste convoité, MM Poncelet et Larcher, ont indéniablement joué un rôle modérateur. Ils n’avaient pas cet instinct de tueur politique d’hommes comme Sarkozy, arrivé rapidement au pouvoir par voie électorale directe. Le flair politique se nourrit souvent d’un égo hypertrophié, Mélenchon, Boris Johnson et Trump en sont des illustrations.

Nous avons sur le devant de la scène politique française quelques personnalités dont les études ont prouvé l’intelligence intellectuelle comme Mmes Borne, Pécresse et M. Macron. Disposer d’un outil intellectuel performant est un atout pour bien faire le travail d’un responsable politique de haut niveau. La France n’en est heureusement pas au point des USA où les intellectuels sont discrédités par la pensée de masse de l’américain de base. d’où l’arrivée au pouvoir de Trump.

Mais les aléas de la procédure électorale pourront toujours conduire au pouvoir des personnalités limitées dans leur capacité de réflexion. Comme au Venezuela ou au Brésil avec de graves conséquences sur la population. La pauvreté intellectuelle et l’impéritie gestionnaire des trois poursuiveurs de l’élection présidentielle française, Le Pen, Mélenchon et Zemmour a de quoi inquiéter. On peut critiquer le président élu, mais il sait réfléchir et gérer. Par contre l’impéritie des trois poursuivants sortis du peloton des candidats est manifeste. Ils auraient pu être élus, disposer d’un pouvoir présidentiel important et prendre des décisions impulsives néfastes pour l’avenir de nos enfants.

Dans le monde politique où règnent la rivalité des ambitions personnelles et partisanes, l’intelligence collective fonctionne mal. Son univers mental est en connivence avec celui du monde médiatique. Car ils sont en situation de dépendance mutuelle. Les journalistes craignant le chômage obéissent à une ligne éditoriale dictée par les actionnaires et favorable à la propagande publicitaire. Leur milieu subit un nivellement par le bas avec la disparition des grandes plumes et des esprits indépendants.

Pour « redonner sa place à l’intelligence française », M Macron dans son discours au Parlement de 2019 « pense aux grandes découvertes, aux chercheurs, à nos grands physiciens, à nos grands médecins, aux inventeurs, aux innovateurs à tout ce qui fait et la fierté de notre pays qu’il nous faut savoir célébrer. Comme aux écrivains, aux philosophes, aux historiens, aux cinéastes, qui continuent d’apporter au monde ce regard libre des préjugés qui fait notre force. Comme aux peintres ou aux musiciens qui remettent la politique à sa juste place en nous faisant entrevoir un au-delà de l’existence immédiate »..

Dans cette habile adresse au monde politique, le président se limite à l’intelligence individuelle de personnalités reconnues par leurs pairs pour les intellectuels, leurs clients pour les entrepreneurs et les amateurs d’art pour les artistes. Il n’évoque ni l’intelligence spirituelle, hors sujet dans le monde du pouvoir français, ni les conditions d’émergence d’une intelligence collective nationale.

3 Instinct, Intelligence collective et intelligence individuelle

Le Souffle du Créateur est partout dans la Création : « J’ai envoyé Mon Souffle sur toute la terre, par Lui toute vie, dès la graine, dès l’œuf, reconnaît sa nourriture et les lois de son espèce ; par Lui tout homme reconnaît Ma Voix » (1974, 4/10). Grâce au Souffle de Vie, tous les animaux ont un instinct pour survivre, se nourrir, se reproduire et s’adapter aux changements de leur environnement. Les capacités intellectuelles des espèces animales croissent avec la taille de leur cerveau. Les mammifères sont au sommet (bien que les corbeaux ou les poulpes montrent des capacités d’initiative individuelle étonnantes). Tout en bas, les insectes ont un cerveau minuscule.

Collectivement les mammifères s’organisent en bandes ou en troupeaux en nombre limité. Leur comportement est dicté par une hiérarchie stricte avec un mâle ou une femelle dominante et un territoire à géométrie variable qu’ils protègent des groupes rivaux. De grands nombres de mammifères nomades peuvent se constituer comme les gnous lors des grandes migrations. Mais la complexité de leur organisation et donc de leur intelligence collective est très loin de celle des insectes organisés en colonies comme les abeilles, les fourmis ou les termites. Ils peuvent dépasser le million d’individus partageant des règles de vie communes dans des termitières d’une complexité et d’une efficacité qui étonnent les scientifiques.

Leur intelligence collective contraste avec une intelligence individuelle limitée à un instinct primaire et à une fonction bien définie. La reine est seule à exercer la fonction de reproduction mais serait incapable de diriger la colonie en dominatrice. Dans  » La démocratie chez les abeilles », Seeley révèle des similarités de fonctionnement entre deux entités cognitives d’un même poids, un cerveau de primate et une colonie d’abeilles. L’opinion dansée d’une seule abeille serait l’équivalent de l’excitation d’un seul neurone chez le primate.

Il étudie les mécanismes décisionnels dans ces essaims de 10 000 abeilles pour chercher un nouveau lieu après avoir quitté avec leur vieille reine la ruche d’origine. Une décision qui conditionne la survie de toutes. Seeley propose cinq leçons de démocratie pour expliquer leur efficacité : choisir un groupe d’éclaireuses pour préparer la décision ayant un respect mutuel et des intérêts en commun ; éviter qu’un leader influence la réflexion du groupe ; chercher des solutions diverses ; rassembler les connaissances par le débat ; utiliser le quorum pour une décision précise, rapide et consensuelle. Quand le collectif a décidé de changer de place, la reine suit sans hésiter, sans avoir participé à la formation du consensus.

L’intelligence collective suppose un réseau d’échanges interindividuels suffisamment dense et fréquent. On ne peut donc parler d’un intelligence collective humaine qu’à une échelle limitée, celle des assemblées et des nations. Pour faire évoluer les opinions extrémistes et les votes de colère, l’ostracisme est contre-productif. Dans les instances délibératives, il faut éclairer l’opinion publique avec un débat solidement argumenté.

Contrairement à ce qu’affirment les pessimistes compulsifs, les électeurs ne sont pas tous des individualistes bornés. Ils gardent la liberté de réfléchir au Bien commun local ou universel, de développer leur intelligence spirituelle en aimant et en aidant ceux qu’ils côtoient. Ils peuvent donc développer simultanément leur intelligence individuelle, spirituelle, relationnelle et intellectuelle. Et apporter leur contribution à l’intelligence collective qui se traduit lors de l’agrégation des votes.

L’intelligence collective des électeurs dépassera toujours celle des médias ou des partis qui raisonnent en milieu confiné. Ils se soumettent à une hiérarchie qui encadre leurs propos avec un objectif de course au pouvoir ou à l’audience. Les esprits créatifs qui sortent de la ligne éditoriale ou partisane sont vite exclus.

4 Vers une démocratie débattante puis délibérative (post 70)

Il est essentiel pour la démocratie que des contre-pouvoirs soient réels et qu’ils soient composés de personnalités qui ne sortent pas tous du même moule et montrent des intelligences complémentaires. De ce point de vue la montée en puissance des femmes dans la politique est un progrès considérable. Les aléas du processus électoral nous feront toujours courir le risque de l’élection d’un président incompétent. Déconcentrer le pouvoir présidentiel français et donc réformer notre organisation institutionnelle est urgent et possible avant la fin de ce quinquennat.

Mais les réformes institutionnelles ne suffiront pas, il est essentiel d’introduire des citoyens au cœur de la réflexion et de la délibération publique. Le Président Macron avait évoqué une « démocratie délibérative permanente » lors d’un débat avec des élus le 15 janvier 2019. Le Grand débat national (GDN) et la Convention Citoyenne pour le Climat furent sans conteste un moment fort pour la démocratie française. Elles initièrent une dynamique de démocratie « débattante », étape préalable à la délibération qui prépare et impacte une décision. C’est un progrès par rapport à la démocratie participative où, en pratique, les citoyens sont appelés à simplement participer à une réflexion préalable à des décisions qui seront prises par les pouvoirs en place.

Pour le GDN, des Conférences Citoyennes ont été organisées en ateliers participatifs d’une journée et demie. Des citoyens tirés au sort, aux profils diversifiés, ont dialogué et échangé pour élaborer des propositions collectives argumentées sur les quatre thèmes du GDN : transition écologique, démocratie et citoyenneté, fiscalité et dépenses publiques, organisation de l’Etat et services publics.

Dans l’expérience du CCC une assemblée a été constituée en octobre 2019 par le CESE avec 150 citoyens tirés au sort. Elle devait « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990. Les citoyens retenus ont été intelligemment filtrés, le résultat de leur travail a été probant.

Ils ont auditionné 140 experts, un collège des garants contrôle la transparence des débats. Les participants se sont répartis en cinq groupes thématiques : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger et se nourrir, reprenant toutes les activités qui produisent des GES. Durant la septième session, fin juin 2020, les participants votent en faveur de 149 propositions pour lutter contre le réchauffement climatique. Le président en retient 146 pour en débattre au Parlement lors de réunions avec des membres de la CCC.

Le Haut Conseil pour le climat, sceptique par construction, a jugé insuffisantes les réponses apportées par le gouvernement au problème des GES. Mais il reconnait que la CCC a contribué à médiatiser largement les débats sur le climat et à relayer le travail des organisations et des associations. Il considère la Convention comme « une superbe expérience humaine et démocratique, une démonstration au grand public des vertus de l’intelligence collective ».

5 Instituer des Hautes Autorités Citoyennes (HAC) pour éclairer l’opinion

Les conditions de base identifiées par Seeley pour une délibération efficace chez les abeilles s’avèrent pertinentes pour la délibération au sein des HAC. Sauf la dernière, un quorum pour une décision précise, rapide et consensuelle. Elle n’est pas applicable à un collectif humain où la grande diversité des sensibilités et des expériences ne permet pas d’établir un consensus décisionnel solide. Or ces HAC ne sont pas là pour prendre des décisions applicables à tous. Ce sera le travail des institutions politiques de rechercher ensuite le meilleur chemin décisionnel pour bonifier la situation de la nation.

Ces HAC sont libres et souveraines d’elle-même (Parole de 1974, 8/1), décidant de leur agenda, de leurs modalités de fonctionnement, de leur communication avec la nation et les pouvoirs politiques. Leur travail doit se dérouler dans une totale transparence via un site Internet. Et elles motiveront le public en sollicitant leurs contributions. Pour être visible, ces HAC doivent être permanentes même s’il y a un renouvellement de leurs membres. Elles n’ont de compte à rendre qu’à l’opinion publique qu’elles éclairent par leurs travaux et qui déterminera leur influence dans les grandes décisions politiques. Un processus électif pour une partie de ses membres leur donnerait légitimité et visibilité.

Des dispositifs temporaires ou permanents de concertation et de proposition sur des sujets prédéfinis ont déjà été institués. La Haute Autorité de la Santé a fait parler d’elle avec la pandémie, la Haute Autorité de transparence de la vie publique est très sollicitée en période électorale, la CNIL est bien connue. Beaucoup ont entendu parler de la convention citoyenne pour le climat, du Grenelle de l’environnement, parfois du CCNE, le comité consultatif national d’éthique, certains ont eu recours à la CADA, commission d’accès aux documents administratifs…

La CNIL et la CADA ont moins de vingt membres. La HAS emploie plus de 400 agents pilotés par un collège de 7 personnes, la HATVP dispose de fonctionnaires affectés et d’une vingtaine d’employés pilotés par un collège de 13 personnes, la HALDE avait un collège de 11 membres, elle a été supprimée pour être relayée par le Défenseur des droits. Toutes ces instances sont cooptées par le pouvoir à l’intérieur du système de pensée qu’il formate. Avec des élus ou membres de grands corps qui peinent à se rendre indépendant des préjugés et calculs de pouvoirs.

Je propose d’initier une dynamique d’assemblées à taille humaine (comme l’est le Conseil Constitutionnel), d’assemblées libres et souveraines d’elles-mêmes. Donc libre de leur ordre du jour, travaillant pour le Bien de tous sur des thèmes précis, urgents et importants qui ne peuvent être traités dans la précipitation.

La constitution progressive de ces hautes autorités citoyennes travaillant en permanence sur le long terme ne ralentira pas l’action des gouvernements en place contrairement aux polémiques politiciennes. A notre époque très agitée et inondée d’informations fausses ou biaisées, il devient très difficile de promouvoir un débat collectif constructif, réfléchi, réaliste pour préserver l’avenir des générations qui viennent.

Les Hautes Autorités Citoyennes (HAC) auraient plusieurs caractéristiques qui, prises ensemble, en font une innovation politique en France. Elles peuvent devenir une étape importante dans le développement d’une démocratie délibérative et le renforcement de notre intelligence collective :

  • Elles restent à dimension humaine, 27 personnes, une taille qui limite le risque des jeux de pouvoirs internes, préserve l’égalité d’influence entre les membres et permet d’aboutir à des consensus solides
  • Elles ne sont composées que de citoyens qui n’imposent aucune décision
  • Elles sont libres et souveraines d’elles-mêmes, décidant de leur agenda, de leurs modalités de fonctionnement, de leur communication avec la nation et les pouvoirs politiques
  • Elles sont au service de la nation et n’ont de compte à rendre qu’à l’opinion publique qu’elles éclairent par leurs travaux. L’opinion publique déterminera leur influence dans les grandes décisions politiques
  • Elles sont assemblées par tiers de provenances complémentaires, un tiers élu directement par les citoyens, un tiers tiré au sort parmi eux, et un tiers coopté par les précédents pour les assister dans leurs travaux
  • Par l’intervention d’une élection dans la composition de leurs membres, elles sont aussi légitimes que les gouvernants élus, président et parlementaires. Mais pas pour représenter ou gouverner : leur mandat est d’éclairer l’opinion publique. Le processus électif leur donne une bonne visibilité.

6 Commencer par une Haute Autorité Citoyenne sur les réformes institutionnelles (HACRI)

La première HACRI (Haute Autorité Citoyenne pour les Réformes Institutionnelles) pourrait être composée en sélectionnant ses 18 premiers membres par tirage au sort. Ils s’adjoindraient neuf autres membres, choisi de préférence pour leurs vertus et leurs talents (DDH de 1789 article 6). Ils prépareraient la future élection de 9 membres simultanément à l’élection présidentielle, donc pour un mandat de 5 ans. Après un tirage au sort de 9 autres membres, tous recomposeront en 2027 une nouvelle HACRI de 27 membres. Parmi les missions de cette première HAC, il y aurait la mise en débat public et la publication de ses délibérations et propositions pour définir les autres HAC jugées nécessaires.

Pour être efficace, elle doit affirmer son autorité, être permanente, et renouveler ses experts. Son autorité ne s’imposera pas immédiatement comme celle du Conseil Constitutionnel. Mais ses travaux pourront faire autorité auprès de l’opinion publique par leur caractère réfléchi, ouvert, sérieux et indépendant des arrière-pensées de pouvoir politique. La transparence de son travail et l’ouverture à la participation des citoyens désireux de contribuer à la réflexion est un élément déterminant de la crédibilité de cette assemblée. Elle doit prendre le temps d’installer sa notoriété dans l’espace public.

La première assemblée serait consacrée aux réformes institutionnelles. Elle pourra proposer d’intégrer à la Constitution des hautes autorités focalisées sur des sujets précis. Ainsi les citoyens disposeront directement d’une force de proposition pour éclairer l’opinion publique, peser sur l’arbitraire des pouvoirs en place, et revisiter leurs décisions trop hâtives qui s’avèrent inappropriées.

Une dizaine de hautes autorités citoyennes se concertant librement entre elles sur les sujets transversaux devrait être nécessaire et suffisant pour nous engager vers une démocratie délibérative. Les décisions importantes y seront précédées et suivies d’une concertation nationale afin de construire progressivement des consensus stables sur les enjeux majeurs. On peut penser à de hautes autorités sur la liberté, la justice sociale, le logement, la santé, l’éducation, l’écologie au sens large, la souveraineté alimentaire, les transports…

Les citoyens qui composeront ces assemblées sont souverains par nature. Chaque assemblée est souveraine et décide librement des sujets à traiter et des modalités de son travail. Elle veillera à maintenir son autonomie et son indépendance à l’égard de tout groupe de pression et à juguler les ambitions personnelles de ses membres. Dans cet esprit, on peut imaginer trois co-présidents de chacun des groupes de neuf et un secrétaire et porte-parole s’exprimant sous la vigilance de tous les membres. Dans une petite assemblée à taille humaine, le consensus n’est pas difficile à obtenir et préserver.

La HACRI pourrait avoir comme première mission de plancher sur une nouvelle Constitution permettant la déconcentration indispensable des décisions sans éluder des pistes long terme comme la transformation de la France en Etat Fédéral (post 56) comme la Suisse, l’Allemagne, les USA, l’Inde et bien d’autres. Ceci permettrait de secouer la centralisation de notre culture jacobine et imposerait de redéfinir précisément la répartition des domaines de décision entre Paris, les régions, les territoires et les communes. Ceci contribuerait aussi à une intégration plus fluide de notre société aux enjeux supranationaux à traiter au niveau européen. Comme la relation avec le peuple russe ou au niveau mondial comme la lutte contre les pandémies.

Dans les élections par correspondance des Philippines, le bulletin comporte un président à choisir parmi une dizaine de candidats, un vice-président choisi indépendamment (à la différence des USA). Et de 12 sénateurs à choisir parmi une petite centaine de candidats indiquant leur parti ou sans précision pour les indépendants. C’est une formule à étudier.

Pour une élection de 9 citoyens simultanée avec la présidentielle française, on pourrait consulter sur Internet ou en mairie leur profil, leur « profession de foi » ou leur programme. Ce processus enrichirait le débat électoral de la présidentielle dont la logique de confrontation de personnes ne convient plus à nos concitoyens.

7 Vers une refondation de la démocratie traditionnelle : la démocratie délibérative

La refondation de la démocratie traditionnelle, représentative ou directe, est largement débattue depuis plusieurs décennies par les sociologues et politologues. Ils nous parlent d’une évolution vers une démocratie délibérative, à la suite des travaux des grands précurseurs Rawls et Habermas déjà évoqués dans ce blog. James Bohman a contribué aux réflexions dans « Une approche systémique de la démocratie délibérative » ainsi que Alban Bouvier, dans son article : « Démocratie délibérative, démocratie débattante, démocratie participative » (https://journals.openedition.org/ress/82).

Une démocratie délibérative implique deux conditions essentielles aux décisions politiques : l’argumentation et la participation. La délibération, dans les sphères de formation de l’opinion puis dans les instances de décision politique, est une condition nécessaire pour que les exigences de justice soient entendues puis réalisées dans la sphère publique et reconnues par les citoyens.

Habermas insiste sur l’utilisation critique et public de la raison dans une situation de liberté de parole absolue, un « pouvoir d’assiègement permanent » (ce qui rappelle la pensée de Michel Foucault). Une décision n’est légitime que si la discussion qui y mène l’est également. Ce qui oppose la démocratie délibérative au modèle actuel de décisions par des gouvernants. Et aux initiatives de simple participation citoyenne canalisée par les pouvoirs politiques. La loi nationale doit aussi se soumettre à l’objection de conscience des citoyens. Le débat public est un contre-pouvoir essentiel face à l’Etat et ses injustices.

Prenons l’exemple du référendum de 1995 sur le traité de Maastricht. Les pouvoirs politiques y voyaient une simple formalité pour accroître la légitimité d’une décision déjà prise. UMP, PS et UDF avaient appuyé ce texte. Mais à leur grande surprise, un débat vif et passionné va s’engager lors de la campagne électorale. Il fera basculer l’opinion qui vote non à 54,67% des suffrages exprimés avec un taux de participation de 69,37%. Le président Chirac reste mais remplace le premier ministre.

Le peuple a pris une décision claire au terme d’une vraie délibération. Que cette décision populaire ait été la bonne est contesté. L’Europe a continué à avancer, mais la pratique démocratique y a gagné. La constitution européenne proposée n’avait de légitimité que formelle mais pas populaire ni délibérative. Bohman interprète les votes négatifs des français et des néerlandais comme la sanction de ce double manque de légitimité.

Le sociologue Jon Elster écrit sur « L’impératif délibératif » dans la revue Politix. Il affirme l’importance du processus de vote dans les trois phases de la décision : argumenter, négocier et voter. Dans « Deliberative democracy », Bohman questionne le pouvoir d’initiative législative au niveau européen. Il fait référence à la conception de la liberté chez Hannah Arendt (post 26) : « ce qui distingue l’esclave (ou le dominé) de l’homme libre, c’est que seul le second a un pouvoir d’initiative ». Le pouvoir d’initiative, celui de l’auto saisine, est une des caractéristiques des Hautes Autorités Citoyennes proposées ici.

Selon la fondation Jean Jaurès : « Les chercheurs sur la démocratie délibérative et la démocratie participative y voient un troisième âge du gouvernement représentatif, succédant à la république parlementaire et à la démocratie des partis, favorisant une prise de décision et un consentement plus éclairé et s’opposant à la montée en puissance d’une démocratie d’opinion purement médiatiqueL’Assemblée citoyenne tirée au sort parmi les citoyens de Colombie britannique, au Canada fut chargée en 2004 d’élaborer la proposition de réforme du mode de scrutin soumise ensuite à référendum. Pour retisser le lien entre les citoyens et les institutions, il faut compléter notre démocratie représentative par plus de démocratie participative et délibérative. Grand débat, conventions, assemblées citoyennes, commissions ou comités mettent en pratique une philosophie politique développée par Jürgen Habermas ».

Quel est le risque ? Si cette expérience de budget modeste s’avère décevante au bout de quelques années, il est facile d’y mettre un terme !