N’ai-je pas mis les forts et les sages au service des faibles et de petits ? (1974-26/9). Abats les idoles de l’esprit comme ont été abattues les idoles de bois (23/8).

Des idoles de l’esprit moderne comme la loi et son Etat de droit, la démocratie électorale ou la justice des tribunaux ont été évoquées au post 23 §6, mais le** culte de ces idoles ne peut s’exercer que dans le cadre des frontières d’un pouvoir, celui de l’Etat-nation**. Et *l’idéologie de l’Etat-nation est à la base des calamités guerrières et économiques du monde moderne*.

La politique (du grec politikos) désigne ce qui est relatif à l’organisation et la gestion d’une cité ou d’un État et à l’exercice du pouvoir dans une société organisée. Elle porte sur les actions, l’équilibre, le développement interne ou externe de cette cité ou société et ses rapports à d’autres entités. Elle a donc trait au collectif, celui d’individualités ou d’ensembles sociaux et la « science politique » implique d‘autres disciplines comme l’histoire, le droit, la sociologie, l’économie ou la finance.

Les rapports entre les souverains et les dieux, les rois et les prêtres, la place du sacré et sa définition dans une société ont varié dans l’histoire humaine. Dans les petites sociétés primitives, le chef guerrier et le sorcier ou chamane sont complémentaires ; dans certaines civilisations anciennes, le pouvoir politique fusionne avec le pouvoir religieux. Dans le monde moderne, la dimension sacrée a presque disparu du monde politique, mais la collaboration entre pouvoir politique et religieux persiste pour dominer leur peuple comme dans la Russie de Poutine. Leur amalgame est encore en place en Iran avec son guide suprême et le projet criminel de l’état islamique surfait sur le mythe du « calife bien guidé ». On parle à tort de « théocratie » car Dieu respecte la liberté donnée aux hommes : il s’agit de la mainmise d’un roi blanc religieux sur son pays par endoctrinement.

En théorie juridique moderne, la politique se conforme à un texte constitutionnel qui définit sa structure et son fonctionnement. En pratique, la politique est devenue l’art de s’emparer du pouvoir à l’intérieur d’une frontière étatique et de le conserver, donc aux luttes de pouvoir entre des hommes et femmes ambitieux, et entre les partis politiques qui les encadrent et les soutiennent.

1 L’apprentissage aléatoire des régimes politiques : philosophes grecs et avatars du pouvoir

L’humanité adamique date de 50 000 ans (voir post 42), mais la politique n’apparait qu’il y a environ 6000 ans comme conséquence du développement exponentiel de la population humaine, de l’agriculture intensive et des cités commerçantes qui se développent. Les problèmes de société dans de petits groupes humains vivant en autarcie se traitent plus simplement que dans des populations nombreuses. C’est donc en Mésopotamie et dans la vallée de l’Indus qu’apparaissent les premières structures et textes organisant les relations entre les agriculteurs d’une région et une cité hiérarchisée s’occupant du commerce et de l’administration.

Le mot politique vient de polis, la cité grecque. La population grecque a évolué au hasard des mouvements de population avec l’Asie. D’abord avec les Achéens venus des hauts plateaux anatoliens vers 40 000 avant J.C. qui constituent une société agraire où le néolithique apparut tardivement. Puis les éoliens et les ioniens, vers l’an 3000 avant J.-C. qui introduisent l’usage du métal, donc des armes et des hiérarchies guerrières. Au début du IIe millénaire, la région est dominée par la Crète. De leurs palais, les rois centralisent l’activité économique de leurs territoires de pouvoir grâce à leur maîtrise de l’écriture : leurs flottes sillonnent les mers, exportant en Égypte et en Syrie des objets d’art raffinés.
Au XIIe siècle avant J.C., l’invasion dorienne cause d’importantes émigrations vers l’Asie Mineure où naissent les premières cités grecques commerçantes, embryons d’un système politique caractéristique. Dans l’organisation politique des Grecs de l’Antiquité, la politeia allie la citoyenneté au mode d’organisation de la cité. Dès ses débuts, la cité grecque instaure un partage des responsabilités entre des citoyens plus ou moins égaux devant les instances délibératives et exécutives de la cité, et devant l’accès aux charges et aux honneurs de la cité. C’est un système social innovant dans le monde antique.

Les grandes familles aristocratiques avaient pris le pouvoir à Athènes en faisant reculer les prérogatives royales, devenues des magistratures annuelles (archonte, roi et polémarque au septième siècle). La boulê, l’ancien conseil de l’époque royale, formée de magistrats dirige la cité sans véritable contrôle de l’assemblée du peuple, l’ecclésia. L’organisation sociale athénienne s’adapte aux crises successives : appauvrissement des masses paysannes et apparition de commerçants et d’artisans suffisamment riches pour acheter des équipements d’hoplites. La guerre n’est plus l’apanage des aristocrates dont le pouvoir assis sur la propriété agraire est contesté par les revendications égalitaires de ces nouveaux citoyens-soldats.

Athènes devient le berceau d’une démocratie qui atteindra son apogée sous Périclès mais reste relative car les femmes : les esclaves et les étrangers sont exclus des délibérations. Cette cité a trois traits principaux : l’usage du discours rationnel, la publicisation des actes politiques, et la croyance en l’égalité des citoyens devant la loi qui invalide les vieilles coutumes orales. Les législateurs successifs promeuvent une éthique citoyenne et rationalisent la justice : le criminel n’est plus jugé coupable vis-à-vis de sa victime, mais de la cité entière.
Les lois de Dracon, édictées en – 621, déterminent les punitions sévères imposées aux meurtriers, et en – 594, Solon, choisi comme arbitre et législateur suprême, édicte des réformes juridiques. Quand elles ne rétablissent pas l’ordre social, les grecs ont recours à un tyran comme Pisistrate à Athènes qui gouverne en « bon citoyen ». Ces régimes tyranniques restaurent un équilibre provisoire, mais ne résistent ni aux difficultés de succession, ni aux pressions citoyennes et s’achèvent en révolution, comme avec Clisthène en – 510.

Au sein des autres cités, les grandes familles surfent sur le mécontentement des paysans appauvris ou des nouveaux riches urbains et se disputent le pouvoir. Elles font appel à des puissances extérieures pour renverser les tyrans. Les cités se combattent fréquemment entre elles, ce qui nourrit des révoltes durement réprimées, mais les guerres sont aussi un facteur de cohésion interne. Chaque cité grecque frappe sa propre monnaie, un nouvel outil de son pouvoir. Le pouvoir religieux local unifie les divinités primitives en intégrant le monde des dieux et la société des hommes dans un panthéon qui hiérarchise des dieux aux attributions diverses. Le développement de cultes communs aux groupes grecs disséminés dans la région renforce la conscience d’une culture grecque. Ainsi, ces cités où la philosophie politique fait son apparition vont tester divers régimes politiques et deux modèles se distingueront : l’oligarchie militaire spartiate et la démocratie athénienne.

Tous les philosophes – Isocrate, Xénophon, Platon, Aristote – pensent à réformer la cité. Les individus réclament leur droit à la liberté contre la loi civique. La pensée socratique affirme l’indépendance de l’individu à l’égard de la cité, ce qui le conduira à un procès et à la mort. Les cultes traditionnels s’affaiblissent, magies et superstitions se développent comme le culte consolateur d’Asclépios. Des confréries plus ou moins secrètes émergent, hétairies aristocratiques ou thiases dionysiaques populaires.

Platon présente la cité juste comme une totalité organisée, soumise à l’autorité d’un roi philosophe, détenteur du pouvoir parce qu’il est détenteur du savoir. Bertrand Russell et Karl Popper ont cru retrouver dans la société de castes imaginée par Platon un prototype de la Russie soviétique. Dans Protagoras, Platon évoque le divin : les dieux font à l’humanité le don de la politique qui leur permettra de vivre dans des cités stables. Aristote pense que la vie politique est inscrite dans l’essence humaine et permet une civilisation plus sophistiquée que la simple vie en association, mais le passage de l’homme social à l’homme animal politique suppose certaines conditions préalables. Il reproche à Platon de privilégier l’unité de la cité et d’oublier sa multiplicité. « L’art politique » prolonge la nature, c’est une technique qui peut connaître des modalités différentes. Contrairement aux barbares ne vivant pas en cité, les Athéniens forment une politeia de citoyens égaux devant dans la loi, dans des rapports de pouvoir réversibles : le citoyen commandé peut commander à son tour comme magistrat.

2 Le retour en force des empires et du pouvoir religieux : le verrouillage de l’Europe

La diversité des expérimentations grecques contraste avec la rigidité des peuples soumis à l’autorité d’un despote guerrier soutenu par une caste de prêtres comme dans les empires égyptiens et babyloniens. A Rome et en Macédoine, le pouvoir glisse en faveur d’un commandant en chef qui deviendra roi ou empereur. Les cités grecques finiront par être dominées par l’empire romain puis byzantin, et dans l’histoire violente des hommes, le pouvoir centralisé et guerrier restera longtemps le modèle dominant : les tentatives de démocratie n’auront duré que quelques siècles dans une région du monde très limitée.

Philippe II de Macédoine fait de son royaume une monarchie centralisée avec de puissants moyens d’action : formations armées (phalange), corps du génie, exploitation des mines d’or du mont Pangée. Il sait utiliser les discordes des cités pour intervenir en Grèce. Partout où il s’avance, il se heurte à des établissements athéniens, mais la cité éprise de paix néglige le danger qui menace son ravitaillement et son indépendance. Il convoque à Corinthe, dont la citadelle est une place clé, un congrès des cités qui fait de lui le maître de la Grèce. Les cités dites « libres » doivent adhérer à une ligue, dont Philippe est le généralissime (hégémon). Philippe se prépare à envahir la Perse, mais il est assassiné avant le départ de l’expédition en – 336. Son fils Alexandre le Grand se lance à la conquête d’un immense empire. En – 335, il détruit Thèbes qui s’était révoltée.

La deuxième guerre de Macédoine en – 200 fait de Rome, soutenu par les cités, la puissance régionale. Les romains, comme les russes aujourd’hui, dictent des dispositions constitutionnelles, imposent des modifications territoriales et une politique étrangère proromaine. La culture de l’empire romain avec son pouvoir centralisé autour d’une alliance des guerriers et des prêtres deviendra le modèle dominant dans toute l’Europe. Au Moyen Âge, le régime politique dominant est la monarchie héréditaire ou élective qui s’impose par la force à ses vassaux. En France, c’est la monarchie absolue de droit divin dont l’archétype est le roi Louis XIV, en Russie c’est le régime tsariste, une autocratie héritée de l’Empire chrétien byzantin.

Les princes de la religion catholique décident de ce qui peut être pensé, ils brident la réflexion des philosophes et canoniseront ceux qui vont dans le sens de leur théologie comme Augustin (354-430) et Thomas d’Aquin (1225-1274) qui théorisent la nécessité du pouvoir politique. Dans la cité de Dieu, Augustin constate la volonté de puissance, ce désir de dominer qui pousse l’humain à la guerre, et pourrait anéantir l’humanité. Un pouvoir politique limitant la violence est donc un bien relatif sur le fond du mal absolu qui stigmatise l’humanité. La cité terrestre ne peut connaître la même paix que la cité de Dieu, où les hommes aiment le Créateur et sont aimés de lui, mais les pouvoirs publics peuvent éviter la violence extrême. Thomas d’Aquin marquera la doctrine sociale des partis et syndicats catholiques en critiquant l’individualisme. L’institution de la cité se fonde sur les communautés naturelles comme la famille mais le lien politique se construit par la raison. La cité poursuit le bien commun, toujours plus divin que celui de l’individu, dans une structure hiérarchique. La politique est un lieu de conflits acceptable si son but est la recherche du bien commun. Tous deux légitiment des institutions politiques autoritaires ou corporatistes qui font passer les droits de l’individu au second plan.

La Renaissance libère progressivement la pensée européenne et remet en lumière les philosophes grecs. Les écrits de Machiavel (1469-1527) puis de Bodin (1529-1596) feront école. Machiavel observe de près la mécanique du pouvoir et le jeu des ambitions concurrentes à Florence, c’est l’un des fondateurs de la politique moderne. Son pragmatisme de l’exercice du pourvoir et sa volonté de séparer la politique de la morale inspireront des théoriciens de l’État comme Bodin et Hobbes qui défendront la souveraineté absolue de l’État face aux individus et à l’église romaine.
Le matérialiste Hobbes (1588-1679), dans le Léviathan, expose une vision glaçante de la société. À l’état de nature, l’homme est un loup pour l’homme, et pour préserver sa vie, il renonce à sa liberté au profit d’un souverain garantissant la sécurité collective. Le passage de l’état de nature à la société civile (commonwealth) permet une société pacifiée ou l’homme travaille et accède à une vie meilleure. Pour lui, l’Etat est un moindre mal même s’il est le lieu de passions négatives et de corruptions. En période de guerre civile, il revendique pour l’État souverain le monopole du pouvoir politique ainsi que celui de l’autorité théologique.

Les traités de Westphalie en 1648 ébranlèrent définitivement la légitimité des empires « chrétiens », mirent fin aux guerres de religion et initieront les parcours complexes des États-nations modernes : Grande-Bretagne, États-Unis, France, Allemagne, Russie, Espagne et Pays-Bas.

3 Les penseurs modernes de la philosophie politique

L’histoire de l’Occident avait été marquée par le dualisme conflictuel entre les rois blancs des églises et les rois noirs des pouvoirs profanes qui s’accordaient cependant pour dominer les peuples et exercer la violence qu’ils prétendaient légitime en jouant sur la crainte et l’ignorance. Le roi blanc menace de l’enfer et le roi noir menace du chaos. Les sociétés modernes sont dans un contexte différent où les lieux de pouvoir se sont multipliés avec l’émergence de nouveaux pouvoirs économiques et financiers et le développement de l’éducation populaire qui compliquent les stratégies de pouvoir des puissants et des riches.

Libérés du verrou de l’église romaine, la plupart des grands philosophes occidentaux réfléchissent à la question politique. L’influent philosophe John Locke (1632-1704) est témoin des guerres de religion, du rationalisme débutant et de l’opposition à l’absolutisme royal. Il participe aux théories émergentes du contrat social, de la loi et du droit naturel et aux prémices du libéralisme. Ses écrits promeuvent la tolérance : le politique s’occupe du monde présent et la religion s’occupe du monde de l’au-delà, les deux ne doivent pas interférer. Il s’oppose à l’absolutisme qui se met en place en France et échoue en Angleterre, en partie grâce à lui. Il développe la notion d’État de droit : les hommes sont libres et égaux, et dans l’état de nature, nul ne détient d’autorité législative. S’il n’y a aucune loi humainement instituée, tous les hommes doivent suivre la loi de nature, découverte par la raison ou par la révélation d’origine divine. Les lois humaines sont acceptables si elles correspondent à la loi de nature. La liberté n’y est pas licencieuse : les hommes doivent préserver la vie, un don de Dieu, respecter la liberté et les biens d’autrui nécessaires à leur conservation, s’efforcer de mener une vie harmonieuse avec les autres, respecter la parole donnée et les contrats. La violence n’est acceptable que pour la légitime défense.

Après lui, de nombreux philosophes français et allemands vont aux aussi enrichir la pensée occidentale qui se développe par les interactions mutuelles de leurs pensées, citons ici Montesquieu (1689-1755), Rousseau (1712-1778), Hegel (1770-1831), Tocqueville (1805-1859). La place manque dans ce post pour développer les éléments marquants de leurs théories. Disons rapidement que Montesquieu analysera les trois options de régime politique (république, monarchie et despotisme) et insistera sur la séparation des trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) pour garantir la démocratie. Rousseau développe l’idée que l’homme est naturellement bon et que la société le corrompt. La recherche de la volonté générale est la clef du contrat social qu’il propose. Le grand philosophe Hegel voit en l’Etat un accomplissement de la rationalité qui intervient dans la vie économique avec des corporations, et dans la vie de famille à l’aide du droit. Sans l’État et la régulation interne par des institutions juridico-politiques, la vie sociale serait menacée par l’essor de l’industrie, la division du travail et l’aggravation des inégalités. Hegel appelle « société civile » la sphère de la satisfaction des besoins par le travail. Son analyse préfigure la théorie de l’État de droit de penseurs comme Hayek. Enfin Tocqueville a analysé avec une grande finesse les mécanismes de fonctionnement de la démocratie américaine.

La pensée anarchique prend son essor en France avec Charles Fourier (1772-1837) puis Proudhon (1809-1865). Il écrit : « la propriété c’est le vol » et définit l’anarchie comme « une forme de gouvernement sans maître ni souverain ». L’américain Thoreau (1817-1862), avec son livre « la désobéissance civile », inspirera Gandhi et bien d’autres. En Russie, l’anarchisme se développe avec Bakounine (1814-1876), un praticien de la révolution, Tolstoï (1828-1910) une grande âme qu’on peut classer dans les anarchistes chrétiens (son livre « Le royaume de Dieu est en vous » est un témoignage bouleversant de la cruauté des pouvoirs russes) et Kropotkine (1842-1921), un scientifique talentueux, théoricien respecté du mouvement anarchiste international.

L’anarchisme (du grec « sans pouvoir ») réfléchit à une société sans hiérarchie et à des stratégies pour renverser le système social autoritaire. Ce mot a une connotation péjorative, synonyme de désordre social comme si l’absence de pouvoir autoritaire impliquait la désorganisation sociale. Les anarchistes pensent que l’ordre naît de la liberté et que les pouvoirs engendrent la violence et donc le désordre, mais la plupart ne répugnent pas à la violence pour écarter les pouvoirs en place. On peut relier à la mouvance anarchiste le philosophe Michel Foucault (1926-1984) célèbre pour son analyse des processus de pouvoir et sa critique des institutions comme la prison. Pour lui, le pouvoir génère des résistances qui rendent possible une révolution fonctionnant en guérilla, une action politique qui tient compte de l’action adverse mais ne peut la prévoir ni la réduire intégralement. En ce sens, la politique n’est pas une destruction mais une production.

Avec le développement de l’industrie capitalistique et des inégalités sociales, les questions sociales, économiques et financières relèguent la philosophie politique pure au second plan. Les théories de Marx (1818-1883) impacteront durablement la politique mondiale avec les communismes révolutionnaires. Ses théories comme la loi d’airain du capital ou la disparition de la religion ne résisteront pas au verdict de l’histoire, et son projet d’une dictature du prolétariat imposant un pouvoir temporaire débouchera sur la tyrannie d’un parti manipulé par les ambitieux. Il aidera cependant à prendre conscience des terribles injustices du capitalisme naissant. D’autres théories politiques modernes vont favoriser les dictatures, comme celles de Weber (1864-1920) qui distingue l’entreprise économique pour se procurer des biens et l’entreprise politique pour se procurer le pouvoir et développe le concept du monopole étatique de la violence légitime. A sa suite Schmitt (1888-1985), par sa vision absolutiste de la puissance étatique et son antilibéralisme, inspirera le nazisme qu’il cautionnera.

Les analyses de ces philosophes croyants et athées s’expliquent par leur contexte social, mais certaines de leurs idées ont traversé l’histoire, posant la question de la nature du pouvoir, de sa légitimité, de ses modalités et des moyens de réduire les injustices que les puissants et les riches ont causé ou laissé faire. Souvent avec retard, leurs théories ont impacté l’opinion populaire et contraint les pouvoirs en place à se réformer.

4 Des philosophes aux juristes : la rédaction de textes constitutionnels

Dans plusieurs pays occidentaux, la monarchie de droit divin est remise en cause, et les juristes positivistes du XIXe siècle introduisent une définition légale et constitutionnelle de l’État qui aboutira aux régimes parlementaires et aux mythes de « représentants » du peuple. C’est à partir des déclarations de droits qu’a commencé à s’établir ce qui est maintenant appelé « État de droit » avec sa hiérarchie de normes juridiques, sa Constitution, ses lois, décrets et règlements. La contestation prendra d’abord racine en Angleterre avec les premiers textes libérateurs comme la Grande Charte (1205) et l’Habeas Corpus (1679). La révolution de 1688 instaurera un régime de monarchie constitutionnelle avec la Bill of Rights de 1689 qui limite l’autorité du pouvoir royal et garantit aux anglais quelques droits politiques et personnels. La guerre d’indépendance des États-Unis, en 1775, leur permet de devenir la première république démocratique moderne, initiée par la Constitution de Virginie (1776), un texte précurseur qui limite le pouvoir gouvernemental et affirme les droits citoyens. Elle inspirera la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 issu de la révolution française.

En Europe, le congrès de Vienne et la Sainte-Alliance de 1815 rétablissent un équilibre européen fondé sur le modèle monarchique qui évoluera, plus ou moins vite selon les pays, vers une forme constitutionnelle. Le libéralisme politique et économique de Locke, modèle dominant au Royaume-Uni et aux États-Unis, ne s’impose pas en France et en Allemagne où la révolution de 1848 est un échec. Les unifications allemande et italienne s’accompagnent de la construction d’un État national monarchique autoritaire. En Russie, après l’échec du mouvement de 1825, la révolution de 1905 n’aboutit qu’à une ébauche de régime constitutionnel. Ces deux types de régimes (monarchie et république constitutionnelles) vont se répandre progressivement, avec plus ou moins de succès, dans une majorité d’états. Des révolutions constitutionnelles se produisent en Iran en 1905, dans l’Empire ottoman en 1908 et en Chine en 1911.

Les sociétés modernes s’enrichissent, se complexifient, et les questions d’économie et d’échanges entre Etats prennent une importance déterminante. La référence au sacré est de plus en plus ténue. Le préambule de la loi fondamentale allemande de 1949 commence par « consciente de sa responsabilité devant Dieu » (il s’agit du Dieu des religions officielles). Même en France, un des pays les plus athées au monde, la Déclaration de 1789 affirme qu’elle est rédigée sous les « auspices de l’Etre Suprême ».

Analysons ce texte, norme juridique suprême, placée en tête de la Constitution actuelle. Il pose le « bonheur de tous » comme objectif fondamental et déclare dans l’article 2 : « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ». Il offre donc une arme juridique solide aux courageux qui résistent aux dérives autoritaires de l’état français et à l’arbitraire de ses bureaucrates.
Il reste cependant ambigu avec cette vague notion d’ordre public qui sert de prétexte à toutes les dérives de pouvoir (article 10 : nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi). Et il a été détourné par l’introduction du mot de représentants, dès le préambule en parlant des rédacteurs de ce texte, mais surtout dans l’article 6 où la loi est « l’expression de la volonté générale » (cf. Rousseau) et « tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation ». L’habilité des politiciens et des médias à leur service a ensuite transformé une démocratie sur le papier en oligarchie et en ploutocratie de fait, celle d’une petite minorité d’ambitieux et de juristes habiles à prendre le pouvoir et à le garder et qui savent rendre extrêmement difficile des modifications législatives contraires à leurs intérêts.

La Parole de 1974-27/7 nous avertit : « Ne te lasse pas de dire aux riches, aux puissants, aux impudiques, aux prêtres et aux autres qu’ils tirent maintenant abondance de la terre, de l’or, du fer et du feu, du salaire de l’ouvrier, de l’humilité des petits, des faiblesses des pêcheurs, et qu’ils ont mis en lois leurs rapines, leur injustice et toutes leurs abominations en alliances qu’ils font habilement sceller par ceux qu’ils dominent pour les corrompre, les tromper, les voler ».

En France, où chaque député ne connait qu’une infime fraction des électeurs qu’il est censé représenter, le caractère mythique de la représentativité est une évidence : les lois résultent d’alliances calculées entre de puissants individus et leurs partis. La Constitution de 1958 part du principe de « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », mais verrouille aussitôt son exercice : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum » et elle oint les partis qui se soumettent à la logique de la « République indivisible, laïque, démocratique et sociale » : « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ». Une pseudo-démocratie représentative !

Quelques passages du texte de 1789 peuvent aider la résistance à la dérive autoritaire française comme l’article 4 : « La loi ne peut ordonner que ce qui est juste et utile à la société » qui permettrait un immense nettoyage du fatras des textes juridiques, ou l’article 6 : « Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » qui permettrait de questionner les puissants sur leur talent de gestionnaires et sur leurs vertus, ou l’article 15 : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration » qui pourrait simplifier le parcours d’obstacles que constitue tout recours contentieux face à la bureaucratie.
Devons-nous questionner nos concitoyens sur leur liberté vécue face à cette avalanche de lois et normes, à ces bureaucrates avec ou sans uniforme ? Quelle est la référence du juste qui devrait encadrer les lois et les interprétations des juges ? La politique française contribue-t-elle au bonheur commun et à la jouissance des droits naturels ? Comment faire sentir à l’homme son potentiel immense de bonheur absolu, universel ?

Aux USA, le droit anglo-saxon est jurisprudentiel, ce sont les juges qui interprètent les intentions des « pères fondateurs » de la démocratie américaine. La Constitution de 1787 n’a pas de déclaration de droits. Les amendements de 1791 (dont le deuxième sur le droit du citoyen à porter des armes) ont été ajoutés pour obtenir la ratification des États réticents. La Cour Suprême par ses arrêts de 1803 et 1833 a décidé d’en limiter la portée aux lois fédérales et de déléguer à tout juge le pouvoir d’apprécier la constitutionnalité des lois. Les choses ont lentement changé, le droit des personnes arrêtées de garder le silence et d’obtenir un avocat date de 1966.

Il y a aussi la déclaration universelle de 1948 (applicable en France), rédigée pour l’ONU et soigneusement expurgée de thèmes spirituels à part une référence vague à la fraternité. Son article 18 parle de la liberté d’expression pour manifester « tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites« , il donne plus de liberté que les usages français qui limitent la religion à la pratique d’un culte entre quatre murs. SI la déclaration de 1948 reste prudente sur la question des nations et des Etats, elle inclut des phrases utilisables pour résister aux abus des pouvoirs étatiques, comme : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat ; de quitter tout pays et de revenir dans son pays ; devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays ; nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité ; tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, à ne pas être inquiété pour ses opinions et à chercher, recevoir et répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ; aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de destruction des droits et libertés qui y sont énoncés ».

5 Le piège de l’Etat nation et des luttes internes et externes pour plus de pouvoir

Il y a les textes, et il y a la réalité, la vie des peuples et nations. En fonction des frontières des Etats- nations les constitutions changent et se traduisent par des régimes politiques variés. En Europe, les frontières étatiques ont toujours fortement fluctué au gré des logiques de guerres et d’empires (voir https://www.youtube.com/watch?v=t2vDidU5mHc). Les européens sont donc soumis à l’arbitraire de leur lieu de naissance, de leur généalogie, ou des naturalisations, mais la doxa de l’Etat-nation reste prédominante en Europe.

Au XIXe et au XXe siècle, de multiples crises des États-nations se produisirent sous l’effet des colonisations, des impérialismes occidentaux et des totalitarismes bolchevique et nazi (cf. « Les origines du totalitarisme » d’Hannah Arendt, citée au post 11 avec sa « vita activa »). Des dizaines de millions de morts sont la conséquence de l’idéologie nazie d’un empire racial constitué après la prise de pouvoir d’Hitler, un ex-putschiste qui remporte 36 % des suffrages au deuxième tour de l’élection présidentielle, contre 53 % pour Hindenburg qui offre à Hitler la chancellerie après de vaines tentatives de gouvernement d’union nationale. À la mort du président, Hitler se déclare Führer et fusionne les postes de président et de chancelier. Les parlementaires lui accordent les pleins pouvoirs en 1933 par un vote de 444 voix contre 94 ! Tout cela s’est déroulé dans le respect du processus électoral et des textes constitutionnels, comme les pleins pouvoirs accordés à Pétain par l’assemblée nationale française. On connaît les calamités qui ont suivi ces processus nationaux « démocratiques ».

Après ces drames et sous l’égide des USA, l’ONU est créée en 1945. Les sujets du droit international n’y sont pas des individus, mais des États-nations, une cinquantaine à l’origine. Après les décolonisations de 1947 (Inde) à 1974 (colonies portugaises) et la dislocation du bloc communiste, le nombre d’Etats nations a fortement augmenté, 193 sont actuellement représentés à l’ONU et d’autres attendent d’être reconnus comme le Somaliland. Dès qu’ils ont une certaine consistance, les États veulent se faire une place dans le monde et augmenter leur influence et la tentation de l’empire perdure, comme l’illustrent le débarquement franco-anglais à Suez, l’épisode de l’invasion par les américains de la baie des cochons à Cuba ou la Russie de Poutine qui déploie allégrement ses troupes au-delà des frontières de son immense territoire.

Les Etats-nations continueront à se désagréger dans la violence (voir post 42) comme l’on fait la Yougoslavie et le Soudan. Tôt ou tard, cela se fera au Mali, Centrafrique, Congo, Libye, Syrie, Irak, Afghanistan, Pakistan, ou Birmanie…, tous ces pays hétérogènes aux frontières artificielles déterminées par la décolonisation. Sur les 57 conflits armés dans le monde entre 1990 et 2005, 53 concernaient des États-nations en situation de conflits internes. Et d’innombrables guerres civiles larvés ou ouvertes ne figurent pas dans les statistiques guerrières. La désagrégation des Etats instables n’est pas une mauvaise nouvelle pour l’humanité, c’est la violence qui accompagnera ces changements qui l’est, inévitable parce que les puissants au pouvoir résisteront de toutes leurs forces et que les juristes se crisperont sur leur idéologie de souveraineté de l’Etat-nation.

Un Etat-nation de taille modeste est plus homogène, plus facilement gouvernable, et moins tenté par les intrusions dans la vie des autres nations. A contrario, les Etats-nation grands et puissants sont un enjeu plus tentant pour les ambitieux, les rivalités dans les luttes de pouvoir y sont féroces, et le pouvoir est éloigné du peuple qu’ils peuvent plus facilement opprimer. De plus ils sont tentés de faire jouer leur propre intérêt lors des conflits internationaux au lieu de rechercher la justice et la paix et de mobiliser leurs espions ou les milices armées à leur service, quand ce ne sont pas leurs militaires, comme la Russie actuelle.

Comparons la petite Suisse, une fédération de cantons où la votation populaire est souvent sollicitée et écoutée, et la France grande, hétérogène, centralisée à Paris. Les français chauvins se sont souvent gaussés de leurs petits voisins, de leur volonté d’indépendance et doutaient de leur avenir, les faits les ont démentis dans tous les domaines. Il fait bon vivre dans une Suisse apaisée qui n’est pas étouffée par les avalanches de lois comme en France, qui gère beaucoup mieux son abondante immigration, qui se concentre sur ses enjeux domestiques au lieu de chercher à donner des leçons aux autres, et dont le revenu par habitant est devenu le double de la France avec un chômage à faire rêver les exclus du marché du travail français. Or la Constitution française nie à son peuple le droit d’y distinguer plusieurs nations et de relativiser ses frontières (article 89) : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ».

La désagrégation des Etats-nations instables s’ajoutera au rééquilibrage des pouvoirs nationaux au détriment du pouvoir central. Les contrepouvoirs supra étatiques se renforceront, et le pouvoir exécutif central devra laisser plus de place à des régions autonomes, aux pouvoirs locaux et aux assemblées libres. Les pratiques politiques se transformeront en profondeur, cela prendra plusieurs générations.

6 La pratique politique moderne dans l’impasse : propagande et mensonges, ambitieux et partis

La distinction traditionnelle entre monarchies et républiques a perdu sa pertinence : il y a encore des monarchies de toutes sortes (les monarchies parlementaires scandinave, espagnole, britannique ou les rudes monarchies des Etats pétroliers) et on peut classer les républiques en démocraties avec régimes présidentiel, parlementaire et formes mixtes, et y distinguer les Etats unitaires plus ou moins centralisés des Etats fédéraux.

Ainsi, la pensée commune réduit la politique moderne à une prise de pouvoir faisant suite à des élections épisodiques qui réduisent le citoyen en électeur occasionnel et gouverné permanent. Le processus électoral s’est imposé au XXe siècle comme le standard international de désignation des dirigeants. Il instaure une compétition massive pour le pouvoir, à la différence des régimes autoritaires ou totalitaires qui se réclament de la volonté populaire et peuvent se dispenser du formalisme électoral ou le manipuler en excluant des candidats, en achetant des voix et en abrutissant le peuple de leur propagande.

Or la dérive autoritaire se répand dans le monde moderne, même dans les pays où la rivalité électorale est relativement ouverte. Historiquement, les révolutions violentes qui ont abattu des régimes totalitaires les ont remplacés par d’autres qui ont souvent dérivé vers l’autoritarisme. Et de nos jours, les évolutions technologiques donnent aux puissants de redoutables outils informatiques pour espionner, influencer et dominer le peuple. Ils facilitent la propagande, le mensonge et la peur. Le cynique Staline disait « un mensonge répété un million de fois devient une vérité » et l’omniprésence des grands médias, leur soumission aux pouvoirs financiers et leur collusion avec le milieu politique laissent très peu de place à la recherche objective des faits.

La peur reste un outil incontournable de la manipulation des consciences. Le pouvoir religieux jouait de la peur de l’enfer, le pouvoir politique a la peur de la prison et crée d’autres angoisses pour renforcer son emprise et sa police : l’angoisse du terrorisme islamique a laissé place à l’angoisse du coronavirus. D’autres angoisses seront opportunément inventées ou nourries pour étayer le discours sécuritaire et l’omniprésence d’uniformes de toutes sortes, armée, policiers nationaux et municipaux, vigiles privés…

En France où le pouvoir est très centralisé et de plus en plus présidentiel et bureaucratique, la faiblesse des contre-pouvoirs est criante : les parlements sont verrouillés par les partis et le ministère de la « Justice » qui a autorité sur les juges du parquet, fait tout pour se soumettre les autres juges. Le blocage politique français est également visible avec le cumul des mandats et ces indéracinables maires de grandes villes qui cumulent pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires et peuvent étouffer facilement toute opposition ou débat public et utiliser leur connaissance du terrain pour le clientélisme et la division pour rester au pouvoir et propulser un successeur bienveillant à leur égard. Quant aux partis, contrairement à ce que dit la Constitution (« les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage »), dans la pratique actuelle, ils sont un facteur de blocage de l’accès aux mandats et d’appauvrissement du débat public.

Heureusement pour la France, la déconcentration géographique du pouvoir national progressera avec la montée en puissance de l’Europe et des régions. Beaucoup de sujets ne peuvent se traiter correctement à l’échelle nationale, trop grande pour certains sujets et trop petites pour d’autres. La lutte contre le coronavirus ne peut se faire qu’à l’échelle mondiale avec le support de l’OMS, et la lutte contre Monsanto et son herbicide tueur d’abeille ne peut se faire qu’à l’échelle européenne, de même que la lutte contre le kleptocrate Poutine. L’Europe n’est pas toujours bien vue en France, mais la gestion monétaire y est beaucoup plus efficace que les politiciens français qui faisaient tourner la planche à billet et accumulaient sans frein des déficits générant une inflation incontrôlée. Les citoyens défendant leur liberté peuvent avoir recours à elle, et de nombreux programmes européens font l’unanimité comme Erasmus. Mais on peut à l’inverse constater la dérive politicienne à l’échelon européen par les privilèges de députés catapultés par leurs partis et grassement payés pour un travail très variable.

Des factions politiques opposées ont toujours existé au sein de tous les régimes, pour soutenir une personnalité en vue ou diviser le peuple en idéologies artificiellement opposées comme l’axe droite-gauche en France ou républicains-démocrates aux USA. Mais partout ces modèles partisans sont en crise, même en Angleterre. Un hebdomadaire de qualité, The Economist, écrit : « La vie politique britannique, ses institutions et sa culture se sont à tel point détériorés qu’un honnête menteur comme Boris Johnson s’est révélé attrayant : les députés n’hésiteront pas à garder Johnson s’il les aide à garder leur siège ». On retrouve ces mêmes calculs avec Trump et les élus républicains aux USA, mais la propagande mensongère de ses post-vérités a fait augmenter d’un cran l’ignorance populaire américaine et déstabilisé les médias de qualité.

Les médias furent appelés le quatrième pouvoir, les grandes plumes qui y écrivaient pouvaient faire basculer les élections et les journalistes enquêteurs mettaient en lumière ce que les puissants cherchaient à cacher. Mais le modèle économique des médias a été déstabilisé par Internet et la dérive de l’éthique des milieux journalistiques vers le sensationnel et les préjugés de leur milieu largement athée. Ce n’est pas la recherche de la vérité ou la réflexion documentée qui détermine le contenu de leurs articles ou reportages, c’est la ligne éditoriale imposée par les propriétaires des médias et leurs annonceurs.
La panne de réflexion dans les médias et l’influence du marketing politique a conduit à une modification des comportements des partis qui mettent en scène leur candidat comme une vedette aux photos retouchées avec une accroche publicitaire. Les électeurs se résignent à choisir le moins mauvais dans la liste (à part la petite minorité qui soutient mordicus un parti, un programme ou un candidat). En France, les vainqueurs de la joute électorale recueillent rarement plus de 25% au premier tour dont une partie seulement leur fait confiance sans hésitation. En tenant compte des abstentions qui grimpent inexorablement, on est sous la barre des 20%. Le modeste soutien populaire au vainqueur ne lui permet pas de se déclarer honnêtement mandaté pour gouverner son Etat-nation.

Ainsi la perte de confiance du peuple est patente à l’égard des puissants du monde politique comme du monde médiatique. La panne de réflexion des citoyens alimente les idées les plus fantaisistes comme les théories complotistes qui se cultivent en petits réseaux. Ils regroupent ceux qui partagent leurs préjugés à la manière des réseaux qui cultivent la violence dite « djihadiste » qui est une trahison du sens de ce mot dans le Coran. L’impasse du système électoral est également évidente à l’international. Nous n’avons pas la place ici pour développer l’analyse de la dérive des nombreux pays où l’élection détermine le pouvoir politique, comme dans la plus grande démocratie du monde, l’Inde, ou en Turquie, en Egypte et bien d’autres où les élections ont oint un manipulateur cynique et violent qui aggrave les difficultés du peuple. Partout la dérive autoritaire est manifeste et les inégalités sociales s’accentuent.

Les impasses actuelles de la politique mondiale exigent une nouvelle pensée politique qui facilite une conversation entre les nations et les assemblées pour favoriser le Bien universel de manière déterminée et positive, et ne pas se limiter aux calculs et marchandages des intérêts des diverses parties. Le Bien n’est pas le moindre mal, il est le refus du mal sous toutes ses formes. Le prochain post sera sur le drame ukrainien et évoquera quelques pistes d’avenir fondées sur la Parole qui nous dit en 1974-27/5 : J’ai interdit qu’on s’empare de l’héritage de Mon Peuple et de son gouvernement que J’ai laissé à tous !