Une valeur, c’est « ce qui est vrai, beau, bien dans une société, à une époque » et est jugé « objectivement désirable ou estimable ». La liberté est probablement une valeur universelle. Mais qu’est-ce qu’une valeur occidentale ? La notion d’Occident a-t-elle un sens ? Cette notion floue se réfère aux peuples européens et à l’Amérique du Nord qu’ils ont colonisée. Ils se croyaient plus civilisés que les peuples premiers et voulaient imposer leurs références culturelles, donc leurs valeurs.

Une longue guerre froide sévit pendant des décennies entre les Etats du bloc communiste (soudé autour de l’URSS) et l’OTAN, une alliance militaire de pays de tradition chrétienne. Ces blocs laissaient peu de place à quelques pays « non alignés ». La notion d’Occident fait surtout référence à cette rivalité passée. Ses valeurs seraient déstabilisées par un monde multipolaire où émergent d’autres puissances. Des géants humains et économiques comme la Chine, l’Inde, ou le Brésil, et les mondes musulmans et africains. Les Etats et les hommes s’obstinent à rivaliser en puissance au lieu de rivaliser par l’amour. « A Moi la Puissance » nous dit le Créateur (1974, 39/3).

Nous avons brièvement analysé entre les post 61 et 73 les risques posés par la puissance de certaines nations (Russie, Iran, Chine, USA). Leurs pouvoirs peuvent nuire à leurs citoyens et à d’autres peuples. L’hégémonie économique des pays occidentaux a permis la diffusion d’un modèle de consommation sur l’ensemble des continents. Il a créé de fortes tensions avec les sociétés traditionnelles par la rapidité des changements sociaux qu’ils induisaient. Y aurait-il un conflit entre des valeurs « occidentales » et des valeurs traditionnelles d’autres régions du monde ?

Les Constitutions des Etats peuvent protéger les individus, en particulier avec leurs Déclarations de droits. Mais les citoyens opprimés ne peuvent résister à l’arbitraire étatique que s’il existe dans ces Etats des instances indépendantes susceptibles de les défendre. Dans les démocraties occidentales, c’est le rôle des Cours et des juges, mais dans les pays où les juges sont soumis au pouvoir, les Déclarations de droits sont purement formelles, comme en Russie, en Chine ou en Iran.

La Constitution iranienne de 1979 (post 65), comme la Constitution chinoise de 1982 (post 68) ou celle de l’URSS de 1977 sont des textes idéologiques où la référence à la liberté de la population est inopérante. Après l’effondrement de l’URSS, la Fédération de Russie (post 61) s’est dotée en 1993 d’une Constitution classique, inspirée de celle de la France. Mais comme on le constate avec Poutine, l’arbitraire du sommet du pouvoir reste entier : il tue, emprisonne et ruine qui il veut, quand il veut. Dans la Chine de Xi, n’y a aucun corps d’État pour faire respecter la Constitution. Il suffit de prendre le contrôle du comité permanent de l’Assemblée nationale populaire en y plaçant des fidèles pour que l’autocrate local règne en maître.

Peut-on parler de valeurs universelles comme celles évoquées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (DUDH) ? Ou de valeurs européennes comme celles évoquées dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de 2000 (CDFUE) ? Ou de valeurs françaises comme celles de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (DDHC) ?

1 La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (DUDH) 

Ce texte, marqué par le contexte de la défaite militaire de la machine de mort nazie, explique que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. Il constate que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie. Il veut un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère. Il affirme qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint à la révolte contre la tyrannie et l’oppression.

Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Zeid Al Hussein déclare : « Ces pactes précisent les libertés fondamentales : liberté de vivre à l’abri de la peur et du besoin, liberté d’expression et de religion. Ils détaillent le droit à la liberté, à la sécurité, à l’éducation, à la santé, à l’égalité entre hommes et femmes et à l’élimination de toutes les formes de discrimination. Ces pactes font une différence dans la vie quotidienne des gens dans les pays qui les ont ratifiés ».

Des valeurs sociales à vocation universelle et des droits individuels sont évoqués dès l’art. 1 : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. D’autres droits y sont cités :  Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne (art. 3) ; Toute personne, aussi bien seule qu’en collectivité, a droit à la propriété (art 17).

Les articles 18 à 20 développent les libertés : la liberté de pensée, de conscience et de religion (celle de changer de religion ou de conviction et de les manifester seul ou en commun, en public ou en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites) ; la liberté d’opinion et d’expression et la liberté de réunion et d’association pacifiques.

Les articles 25 et 26 développent des droits sociaux. Droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires. Droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse. Droit à l’éducation gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental.

Vingt-sept pays n’ont toujours pas ratifié la DUDH, dont l’Arabie saoudite, la Chine, les USA et le Vatican, mais elle peut être considérée comme une référence mondiale. La Déclaration de droit française et la DUDH qui la prolonge sont le fruit d’un longue lutte des peuples pour protéger les hommes des abus des pouvoirs des puissants, rois et prêtres et de traditions injustes.

2 La lente émergence des droits individuels : objectifs et valeurs des Constitutions

Le cylindre de Cyrus, gravé en 539 av. J -C. après sa victoire sur le roi local est considéré par l’ONU comme l’ancêtre des déclarations de droits. Il glorifie Cyrus comme bienfaiteur des citoyens de Babylone. Il règne pacifiquement, délivre de corvées injustes, octroie aux déportés le droit de retour dans leur pays. Il laisse les statues de divinités emmenées à Babylone revenir dans leurs sanctuaires d’origine. Il proclame la liberté totale de culte dans son empire. Il n’impose pas le zoroastrisme (post 5), la religion dominante en Perse.

A cette époque, la démocratie athénienne s’était déjà formée, d’abord avec les lois de Dracon, puis avec les réformes de Solon (640-558 av. J.-C). Cette organisation sociale fondée sur des textes écrits et des pratiques délibératives était une innovation majeure en rupture avec les pouvoirs traditionnels des rois, des nobles et des prêtres. Ils avaient tous les droits sur les individus, à commencer par celui de vie et de mort. Mais ce progrès ne concernait qu’une partie de la population, excluant les esclaves, les femmes et les immigrés. Cette démocratie ne dura que quelques siècles, balayée par les guerres et les logiques d’empire, mais restera une référence sur le continent européen. L’empire romain s’en est inspiré avec son Sénat.

Le rôle de la conscience individuelle, seule responsable de ses choix moraux indépendamment des idées du groupe social est le fond de l’Evangile enseigné par Jésus. Mais son caractère révolutionnaire sera occulté par les églises officielles du christianisme. Elles imposeront leurs doctrines à leurs fidèles en enseignant qu’obéir aux rois et aux évêques, c’est se soumettre à Dieu. Cette Bête du pouvoir (post 60), l’alliance entre les rois et les clergés, a maintenu l’Europe dans des ténèbres moyenâgeuses.

La première petite brèche dans l’absolutisme est venue d’Angleterre avec la Magna Carta de 1215, acceptée par le roi sous la pression des nobles. Elle met fin aux emprisonnements arbitraires sans intervention d’un juge et la possibilité de plaider sa défense. Cette charte est à l’origine de la séparation des pouvoirs des pays anglo-saxons avec un pouvoir judiciaire indépendant et un Parlement qui a préséance sur l’exécutif, dans la monarchie anglaise actuelle comme aux USA. En Europe, le pouvoir royal de droit divin est longtemps resté la norme jusqu’à l’émergence de la bourgeoisie et le mouvement des Lumières qui répandront la contestation. Avec la Révolution française de 1789 et la prise emblématique de la prison où le roi embastillait qui il voulait, le pouvoir royal déclinera irrémédiablement sur le continent.

C’est en Virginie esclavagiste, juste avant la Déclaration d’indépendance des USA qu’est proclamée en juin 1776 la première Constitution. Elle définit et limite les pouvoirs du gouvernement et énonce les droits fondamentaux de ses citoyens. La DDHC de 1789 la suivra de peu et s’en inspirera. Elle reste la norme de référence en droit constitutionnel français. Dans ces textes historiques, la première revendication est celle de restaurer la liberté comme droit de l’homme fondamental. La liberté religieuse, celle de s’opposer aux décisions arbitraires d’emprisonner et de punir, voire de tuer. La résistance à l’oppression fait partie des droits de l’homme listés dans la DDHC.

La Constitution US de 1787 se donne pour objectif « d’établir la justice, assurer la tranquillité intérieure, développer le bien-être général et assurer les bienfaits de la liberté ». Biden liste les valeurs fondamentales « chères aux américains, la compassion, l’honnêteté, l’intégrité, la générosité, la liberté, l’espoir ». La Constitution française de 1793, dès son premier article, affirmait : « Le but de la société est le bonheur commun. Le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles ».

Le bonheur individuel et collectif est un objectif universel (post 46). Mais les gouvernements, verrouillés par les puissants de la politique, de la religion et de l’argent, chercheront toujours à dominer les peuples et cautionnent des injustices qui minent le bonheur social. La compassion, l’espoir, le bien-être ou le bonheur sont rarement cités car seules les vertus individuelles les rendent effectives et la vertu n’a guère de sens juridique. Ainsi la défense de la justice, de la liberté et de l’équité par une population déterminée restera longtemps incontournable pour une démocratie. C’est le rempart qui manque dans les nations soumises à un dictateur.

3 Liberté spirituelle, politique, économique et sociale, une lutte permanente face aux pouvoirs

L’idée de liberté individuelle est indissociable de la capacité à se concevoir comme une individualité relativement autonome par rapport aux collectivités humaines. Cette notion a émergé en Grèce (post 45). Elle reste quasi inexistante dans les cultures chinoises et japonaises et faible dans la culture arabe qui donne la primauté au clan. Pourtant la relation avec Dieu est d’abord individuelle et non contraignante comme les prophètes de la Bible et du Coran l’ont enseigné (post 17). Dans les langues du Japon et de la Corée, le mot liberté, emprunté du chinois, a le sens péjoratif de l’absence de règles et d’égoïsme.

C’est à partir d’une base individuelle qu’il est possible de parler de liberté de conscience et de relation à Dieu. Toutes les premières Constitutions évoquaient Dieu, mais de manière différente. La Magna Carta est octroyée par « Henri, roi par la Grâce de Dieu ». La Déclaration d’indépendance US de 1776 parle du « Dieu de la nature… Créateur », la DDHC de 1789 est faite « sous les auspices de l’Être suprême », la Constitution polonaise de 1791 commence par « Au nom de Dieu, seul en Trinité », la Constitution suisse de 1874 commence par « Au Nom de Dieu Tout Puissant » …

La diversité européenne est évidente et contraste avec la relative homogénéité des textes américains. La Constitution brésilienne de 1824 instaure la liberté religieuse. Mais le catholicisme y est reconnu comme religion d’État. Les textes des USA sont marqués par la culture protestante des « pères fondateurs », des émigrés fuyant la persécution des puissants, rois, nobles et clergés. Ses citoyens revendiquent fortement leurs libertés religieuse, politique et économique face à l’Etat. Paradoxalement, ils sont devenu un pays policier avec beaucoup trop de détenus, surtout en provenance des minorités et des pauvres. La peine de mort y tue encore des innocents par suite d’erreurs judiciaires reconnues après leur mort.

En Europe, la Constitution polonaise de 1791 affirmait « La religion catholique, apostolique et romaine est et restera à jamais la religion nationale, et ses lois conserveront toute leur vigueur. Quiconque abandonnerait son culte pour tel autre que ce soit encourra les peines portées contre l’apostasie. Cependant, l’amour du prochain étant un des préceptes les plus sacrés de cette religion… nous assurons un libre exercice à toutes les religions, à tous les cultes, conformément aux lois ». Texte très ambigu, clarifié par la Constitution polonaise de 1997 en vigueur qui parle de « ceux qui croient en Dieu, Source de la vérité, de la justice, de la bonté et de la beauté, comme de ceux qui ne partagent pas cette foi et qui puisent ces valeurs universelles dans d’autres sources ».

La liberté humaine comme valeur apparaît en réponse à l’esclavage, un scandale qui mit du temps à disparaître. Le Danemark est le premier à l’abolir en 1792, la France ne le fera qu’en 1848 et la guerre de sécession y mettra un terme aux USA en 1865. L’abolition de la peine de mort, la liberté de vivre est caractéristique du droit européen. Mais elle reste en vigueur dans beaucoup de pays autocratiques, « musulmans » ou « démocratiques ». Les préjugés populaires la croient dissuasive, c’est évidemment faux.

La Constitution italienne de 1947 insiste sur les droits sociaux, et la liberté de religion. Mais elle déclare : « l’Etat et l’Église catholique [l’Etat du Vatican] sont chacun dans son ordre particulier, indépendants et souverains ». La France se situe aux extrêmes européens de l’intolérance religieuse en raison de l’importance de l’athéisme militant et des séquelles des conflits de pouvoirs entre catholiques et laïcards ayant abouti aux lois de 1905. Ses persécutions fiscales contre les témoins de Jéhovah ont été récusées par la CEDH et un rapport de parlementaires ignorants a inclut dans sa liste de sectes l’inoffensive mission Ram Chandra (post 12) déclarée d’utilité publique au Danemark ! La paranoïa antisecte est une bonne base pour l’audience des grands médias français.

La dynamique occidentale est marquée par la modernisation : industrialisation, urbanisation, scolarisation, croissance économique, modifications culturelles et médiatiques, mouvements sociaux, mobilité géographique, transformation des relations internationales. Cette dynamique a considérablement développé la notion de liberté. En particulier dans le domaine économique et social mais aussi pour les droits civiques, la participation à la vie politique nationale. Le processus électoral ne définit pas une « démocratie », c’est la lutte permanente pour défendre les libertés. Elle donne envie d’y vivre aux nombreux réfugiés et immigrés qui y affluent et fuient l’absence de liberté chez eux. Il n’y a pas que l’attraction économique qui joue.

4 Egalité, équité, générosité et lutte contre les injustices

L’égalité au sens juridique est l’absence de toute discrimination entre êtres humains pour leurs droits. Cette valeur s’est affirmée avec l’abolition des privilèges accordés traditionnellement en France aux puissants, rois, nobles, clergés et riches bourgeois. L’inégalité est partout dans la nature. Parmi les humains, certaines inégalités ont duré trop longtemps comme l’inégalité entre hommes et femmes. Les sociétés modernes n’ont cessé de produire des inégalités sociales aggravant les inégalités naturelles. Elles tentent de les justifier par une idéologie. Ou de les réguler en discriminant entre citoyens et étrangers pour l’accès à l’emploi, aux services publics et la répartition de l’impôt.

Selon le deuxième principe de justice de Rawls, « les inégalités sociales et économiques doivent être attachées à des fonctions et à des positions ouvertes à tous, dans une juste égalité des chances et procurer le plus grand bénéfice aux membres les plus désavantagés de la société ». L’égalité pourrait être avantageusement remplacée par l’équité. Une valeur (attribuer à chacun ce qui lui est dû par référence aux principes de la justice naturelle) et une vertu (ce qui est fait avec justice et impartialité).

La lutte légitime pour plus d’équité sociale ne peut niveler par le bas par jalousie des riches, ni démotiver les créateurs de richesses et appauvrirait les défavorisés. Il faut d’abord augmenter le gâteau en récompensant le travail et la prise de risque avant de le partager au mieux. C’est un des domaines dans lesquels la perception est très différente des deux côtés de l’Atlantique. Ceci prouve qu’il n’y a pas un Occident homogène culturellement.

Aux USA, marqués par une courageuse lutte pour la survie de colons qui comptaient d’abord sur eux-mêmes, aider les plus faibles est perçu comme un encouragement à la paresse. Les pauvres doivent pouvoir s’en sortir indépendamment du contexte social. Le rêve américain est de devenir riche en partant de rien. Cette idéologie occulte le scandale de l’exploitation des africains dont les effets sont encore réels des siècles après et la situation difficile des immigrés récents.

En Europe, la révolution industrielle fut une exploitation scandaleuse des enfants et des prolétaires. Sous l’influence de la culture de charité chrétienne et des idées socialistes et marxistes, les Etats européens construisirent un système de protections. Il permit de stabiliser la situation sociale grâce à une forte fiscalité progressive. L’idéologie de la révolution conservatrice appliquée par Reagan et Thatcher a démantelé l’Etat providence aux USA et en UK et réduit la fiscalité sur les riches en croyant dynamiser l’économie. Ce fut un échec flagrant.

De moins de 10% du PIB en 1910, la fiscalité a grimpé à 30% aux USA dans les années 1980 avant de se stabiliser, mais jusqu‘à 40 à 50% en Europe. D’après les statistiques de T. Piketty, les inégalités ont fortement augmenté aux USA, mais pas en Europe. Les 10% les plus riches américains ont un revenu double des riches européens, mais les 50% les plus pauvres sont 20% en dessous avec une grande inégalité dans l’accès aux soins et à l’éducation.

C’est une dérive mondiale : la part du revenu national des 50% des citoyens les plus pauvres s’est maintenue au-dessus de 20% en Europe. Elle est passée de 20% à moins de 12,5% aux USA, et en Chine et en Inde elle a baissé de 25% à 15%. Actuellement, la part du revenu national des 10% les plus riches est de 34% en Europe. Elle est de 41% en Chine, 46% en Russie, 48% aux USA, 55% en Inde, 56% au Brésil, 64% au Moyen Orient et 68% en Afrique du Sud. Quant aux 1% les plus riches, il leur est facile de trouver un paradis fiscal. Certains décident de rester pour aider leur propre société.

Pour l’équité et les inégalités sociales, l’Europe a une spécificité durable. Le développement économique ne se fait pas en marginalisant les plus faibles. Les recettes fiscales ont permis de maintenir les dépenses régaliennes et d’investir dans l’éducation, la santé, les transferts sociaux et la retraite au bénéfice des citoyens européens, de leur situation économique et de leur paix sociale.

L’injustice actuellement la plus choquante en Europe est le sort réservé aux réfugiés et aux immigrés. La stratégie médiatique des partis de l’extrême droite est de chercher de l’audience en jouant sur les peurs primaires. Elle endoctrine l’opinion qui les perçoit comme une menace. Il y a pourtant des solutions bénéfiques à tous, aux populations jeunes des pays pauvres comme à l’Europe vieillissante. Celle d’une immigration organisée avec intelligence (post 54) qui dynamisera simultanément le développement local et l’économie européenne.

Toute stratégie étatique de redistribution est en synergie avec la générosité individuelle qui existe partout dans le monde. Elle peut être stimulée par la transmission de valeurs et la foi dans les textes sacrés, l’appel à la charité chrétienne ou à la zakat, un des piliers de l’islam. Car sans la générosité spontanée venant du cœur, ni l’injustice ni la misère ne pourraient jamais reculer. C’est pourquoi la valeur de fraternité qui est aussi une vertu est cruciale dans nos sociétés.

5 Fraternité

La troisième partie de la devise française, la fraternité, est à la fois valeur et vertu et son inclusion dans la DUDH confirme sa dimension universelle. C’est un héritage de l’enseignement prophétique de Jésus qui transcende la culture juive. Il enseigne avec bienveillance et sans discrimination à un collecteur d’impôts, à une femme de mauvaise réputation, à un officier romain ou à une femme Samaritaine. Ce faisant, il choque le rigorisme sclérosé de la tradition juive.

En Mathieu 23, il dénonce les privilèges de fait de cette société hiérarchisée : Les scribes et les pharisiens aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues et les salutations sur les places publiques ; ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur, qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. Il récuse les titres que les puissants aiment se donner comme docteur, père, maître ou seigneur : vous êtes tous frères. Les religions « chrétiennes » se sont empressées d’oublier l’Evangile : leurs clergés se font appeler mon père, révérend, monseigneur, éminence

L’exemple et l’enseignement du prophète Muhammad prolongent cet esprit. Peu importe que leur clan fût puissant, ses compagnons n’avaient pas de hiérarchie entre eux car le sage prophète veillait à répartir les missions en fonction des compétences. Comme Jésus, il est mort dans une grande pauvreté malgré tous les dons qui sont passés entre ses mains. C’est après sa mort que le monde musulman a établi des califes (post 34), puis des docteurs de la loi, des ayatollahs chez les chiites…

Dans la dérive d’extrême droite de la société française et sa frénésie de lois, ses élus avaient concocté en 2013 une odieuse disposition, celle de l’article 622-1 du code des étrangers. Il punit « le fait d’aider directement ou indirectement un étranger à entrer, circuler ou séjourner irrégulièrement en France » avec le risque de cinq ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. De braves citoyens français compatissant aux drames vécus par les immigrants ayant traversé les Alpes au risque de leur vie avaient été condamnés à ce titre. Heureusement, ils ont été soutenus par des associations dans leur procédure d’appel. Il a fallu aller jusqu’au Conseil Constitutionnel pour que les serviteurs zélés de la bureaucratie hexagonale s’inclinent.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 6 juillet 2018, a affirmé la fraternité comme un principe à valeur constitutionnelle, en se fondant sur les articles 2 et 72-3 et le préambule de la Constitution. De ce principe découle “la liberté d’aider autrui dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national”. La loi a été abrogée et la société française a un peu progressé en humanité, mais le combat ne doit jamais cesser.

La fraternité est un sentiment fort qui s’appuie sur la conscience profonde des êtres humains. Elle s’exprime par exemple par l’hospitalité généreuse dont beaucoup de voyageurs à budget modeste ou en difficulté ont pu expérimenter partout dans le monde. Plus particulièrement dans les pays pauvres, le monde musulman et les populations nomades où le passeport d’origine ou la religion ne sont pas déterminants. Ces voyageurs sont avant tout des frères humains.

La fraternité mobilise dans l’âme la capacité à montrer un amour rayonnant, compatissant et bienveillant, la base fondamentale de toute société humaine. La seule qui puisse mettre fin au mal sous toutes ses formes, violence, mensonge, cupidité, indifférence à l’autre… Dans le jargon moderne d’un monde déspiritualisé, le mot solidarité semble souvent se substituer à la fraternité avec un sens plus étroit. On peut regretter que la fraternité n’ait pas sa place dans la CFDUE.

6 D’autres mots clefs des Déclarations

La dignité

Comme la DUDH, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de 2000 (CDFUE) affirme d’emblée l’importance de la dignité : droit à la vie ; droit à l’intégrité de la personne ; interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; interdiction de l’esclavage et du travail forcé.

Cette Charte permet ainsi de protéger tous les citoyens européens de la torture physique et psychologique, de la peine de mort et de développements technologiques qui pourraient atteindre à l’intégrité de la personne. Au respect de la dignité humaine attendu des pouvoirs répond la dignité dans l’attitude personnelle et sociale, un respect pour autrui qui semble régresser partout. Dans ce monde moderne en mouvance perpétuelle, les textes doivent s’adapter.

Sûreté et non-violence

Dans la DDHC de 1789 art. 2, la sûreté est, avec la liberté, la propriété, et la résistance à l’oppression, l’un des quatre droits naturels et imprescriptibles de l’homme.  Dans la DUDH art. 3, tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne, complété par l’art. 12 nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation.

Dans la CDFUE art. 6, la sûreté est associée à la liberté et deux articles portent sur les domaines du respect de la vie privée et familiale et de la protection des données à caractère personnel. Mais le développement incontrôlé des technologies, des services de renseignements étatiques et des réseaux sociaux rendent ces droits très difficiles à garantir.

La sûreté inclut la protection contre les agressions civiles, les dangers et différentes menaces. On invoque à tout propos le mot sécurité. Les attentes populaires en demandent toujours plus dans un contexte social où la violence s’aggrave. Or plus de policiers lourdement armés n’a jamais fait reculer durablement la violence et augmente le risque de violences policières (post 52). La seule solution est de promouvoir la non-violence comme valeur fondamentale celle de Gandhi (post 41), celle enseignée par Jésus (tendre l’autre joue). Elle ne peut être un rempart que si c’est une vertu transmise par l’éducation et ancrée dans les consciences.

Propriété

Le droit à la propriété est affirmé dans les art. 17 de la DDHC « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité », et confirmé dans la DUDH et la CFDUE. Le respect de la propriété peut-être la meilleure des choses quand il protège le domicile et la vie privée et la pire quand il cautionne des injustices sociales scandaleuses.

Il n’est donc jamais absolu, contrairement à ce que proclame l’art. 544 du Code civil français : La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Comme si la loi et les règlements suffisaient à assurer l’équité ! Proudhon était certainement excessif avec sa célèbre phrase « La propriété, c’est le vol ». Il faut trouver un juste milieu pour assurer la paix sociale, et il est légitime de savoir d’où vient le patrimoine des nantis, l’argent qui a servi à l’acquérir et ce qui est en fait. Est-il utile à tous en étant judicieusement investi ou inutilement provoquant en étalant des richesses excessives ?

Les Dix Paroles données à Moïse enseignent la non convoitise : tu ne convoiteras pas la maison ou la femme de ton prochain, tu ne convoiteras rien de ce qui est à ton prochain. C’est à la source, dans le cœur de l’homme qu’on peut éradiquer le mal, l’adultère qui brise le couple et la famille et le vol qui peut la ruiner et la mettre à la rue. Les lois ne peuvent rien faire pour l’adultère, affaire privée, mais elles peuvent et doivent protéger la propriété légitime où la vie privée peut s’épanouir.

L’honnêteté et la lutte contre le mensonge

Jésus enseignait en Mathieu 5/37 « Ne jure pas, que ta parole soit oui ou non ». Le refus du mensonge est aussi une constante dans le Coran et l’exemple montré par son prophète. Par exemple en 9/119: craignez Dieu et soyez avec les véridiques, ou 51/10: maudits soient les menteurs. Washington était réputé pour ne jamais mentir et Biden retient dans les valeurs fondamentales des américains l’honnêteté et l’intégrité.

Malheureusement les citoyens US ont élu Trump, un fieffé menteur. La liste des politiciens élus malgré leurs mensonges répétés est longue avec Poutine évidemment, mais aussi Boris Johnson et Berlusconi. Mitterrand, habile politique, était un artiste du mensonge.

Le mensonge est toujours une faute spirituelle. On peut garder un silence de sagesse ou se tromper en disant une contrevérité. Tout mal commence souvent par un mensonge. Ceux qui s’y enfoncent finissent par oublier la vérité et étouffer leur âme. Dans la « démocratie » électorale, les rivalités politiques et le voyeurisme populaire s’accommodent de tous les coups bas et la sincérité du candidat dans sa vie comme dans sa campagne n’est guère un critère pour être élu. C’est en accroissant l’exigence publique de transparence et de sincérité que les politiciens changeront.

7 La laïcité est-elle une valeur ?

La France est un Etat laïc au sens où les pouvoirs politiques et religieux sont séparés, ce qui la différencie des nations qui donnent un statut officiel à une religion, mais c’est une laïcité d’obscurantisme (post 55). Par ignorance du Coran, les préjugés populaires français contre les musulmans sont lourds. Ils relaient les préjugés contre les juifs. Les lois restreignant la liberté de s’habiller ont le soutien de l’opinion, endoctrinée par une idéologie de la laïcité. Elle voudrait restreindre l’expression des convictions de chacun sur la place publique et la confiner dans les lieux de culte. C’est contraire à la DUDH que la France a pourtant ratifié.

La laïcité à la française n’est pas une valeur car elle remplace les clergés de la religion par les clergés de la République. Ils contraignent nos enfants à vénérer une relique de la religion patriotique en apprenant « qu’un sang impur abreuve nos sillons », un appel au meurtre, au lieu de leur apprendre à cultiver la fraternité et la paix. Et quand un détraqué poignarde des bébés, il fait la une des médias qui précisent tout de suite qu’il est syrien. Quand on apprend qu’il était chrétien, les médias en déduisent que ce n’était pas un acte terroriste, comme si ce mot était réservé aux musulmans. Agresser des enfants n’est-il pas une des pires terreurs ? La France peine à se libérer des préjugés antimusulmans.

L’Inde est la plus grande démocratie du monde, sa Constitution de 1950 est laïque. En pratique, quand un parti d’idéologie antimusulmane, le BJP, cumule les pouvoirs, il lui est facile d’opprimer les minorités musulmanes et de mettre les hindouistes sectaires en position de force. En Chine où la religion communiste a été imposée par Mao, la Constitution de 1982 garantit la liberté de croyance religieuse. Mais elle dispose que les affaires religieuses ne peuvent être soumises à une domination étrangère. Il est ainsi facile d’opprimer les catholiques, les musulmans ou les bouddhistes en les accusant de séparatisme.

Certains Etats se déclarent musulmans, un non-sens par rapport au Coranla relation à Dieu est personnelle ou instaurent une forme d’islam comme religion officielle. Dans d’autres Etats comme la Birmanie, la Thaïlande ou le Sri Lanka, le bouddhisme a une position dominante qui permet d’opprimer les musulmans en toute impunité légale. Une protection solide des minorités (culturelles, linguistiques, religieuses…) est incontournable pour une démocratie.

Conclusion

Il n’y a donc pas de valeurs spécifiques caractérisant un introuvable « Occident », car l’Amérique et l’Europe ont divergé sur de nombreux points. Mais leurs peuples ont longtemps lutté pour des valeurs universelles comme la liberté individuelle. Ils ont instauré des remparts juridiques contre les abus de pouvoir des puissants de la religion et de la politique (Déclarations et Constitutions), et des organisations politiques déconcentrées. C’est ce qui attire les réfugiés et immigrés qui y affluent.

La protection juridique est indispensable, mais ne remplacera jamais les vertus individuelles, nourries par l’éducation, la conscience ou la foi. La respiritualisation du monde, en particulier en France et en Europe, reste une urgence.