Une Constitution normale est un texte juridique adopté par un Etat nation se situant au sommet de la hiérarchie des normes et censée protéger ses citoyens des abus de pouvoir et des lois ineptes. Elle a un rôle essentiel dans ce qu’il est convenu d’appeler démocratie, elle est le produit d’une lente élaboration adaptée au contexte de la nation et qui évolue progressivement avec elle.

La Constitution iranienne de 1979 est un cas à part, elle n’est pas vraiment un texte juridique même si elle comporte les dispositions habituelles organisant les pouvoirs publics. Elle a été conçue pour une dictature cléricale et inclut un panégyrique de son idéologue fondateur et ses prêches hérités de la tradition du chiisme duodécimain. Elle a été adoptée dans des conditions très particulières et ne protège en rien la population, au contraire. C’est un piège de prêtre (Parole de 1974, 5/1), un verrou puissant qu’il faut supprimer si la population iranienne veut retrouver sa liberté. La plupart des Constitutions en vigueur dans d’autres pays sont amendables, celle de l’Iran doit être complètement refondée en commençant par son préambule.

En voici des extraits significatifs avec les commentaires du bloggeur en italique.

1 Le préambule et la réécriture de l’histoire iranienne par Khomeini

« La particularité fondamentale de cette Révolution par rapport aux autres mouvements en Iran au cours des cent dernières années, réside dans son caractère idéologique et islamique. La nation musulmane de l’Iran, après avoir traversé le mouvement constitutionnel anti-despotique et le mouvement anticolonial de la nationalisation du pétrole, a acquis cette lourde expérience que la raison primordiale et spécifique de l’absence de réussite de ces mouvements était l’absence d’idéologie dans ces combats ».

« Son éminence le Grand Ayatollah Imam Khomeini s’est aperçu de la nécessité de poursuivre la voie du mouvement idéologique et islamique authentique avec le clergé combattant du pays, constamment en première ligne des mouvements populaires, et les écrivains et intellectuels engagés, qui ont trouvé un nouveau dynamisme sous sa direction ». « Sa protestation fracassante contre le complot américain de la « Révolution Blanche », un pas vers la consolidation des piliers du règne du despotisme et le renforcement des dépendances politiques, culturelles et économique de l’Iran à l’égard de l’impérialisme mondial, devint le facteur du mouvement unanime de la nation et aboutit à la révolution grandiose et sanglante de 1963, point de départ de l’épanouissement de ce soulèvement glorieux et étendu qui consolida le rôle central de l’Imam en qualité de guide islamique ».

Difficile de faire mieux comme panégyrique à la gloire de l’idéologue de cette Constitution !

« L’arbrisseau de la révolution, après plus d’une année de lutte, abreuvé par le sang de plus de soixante mille martyrs et de cent mille blessés et invalides, et en causant des milliards de tomans de dommages matériels, porta ses fruits au milieu des cris « d’indépendance, de liberté, d’Etat islamique« ; et cet immense mouvement aboutit à la victoire en s’appuyant sur la foi, l’unité et la fermeté de son Guide dans les étapes critiques du mouvement, ainsi que sur le sacrifice de la nation, et réussit à défaire les calculs, les réseaux et les institutions impérialistes, et constitua un nouveau chapitre des révolutions populaires dans le monde ».

La culture du martyr est typique du chiisme iranien. Un slogan sur la liberté est repris contre Khamenei en 2022.

Sur le fondement de la Tutelle du Commandement de Dieu (Vélayaté Amr) et de l’Imâmat continu, la Constitution prépare le terrain pour l’instauration d’un Guide religieux (Faghih) réunissant toutes les qualités requises pour être reconnu en qualité de Guide par le peuple (La direction des affaires est dans les mains de ceux qui connaissent Dieu et sont fidèles à ce qu’il déclare licite, comme à ce qu’il déclare illicite), et qui devra garantir que les différentes organisations ne s’écartent pas de leurs vrais devoirs islamiques.

La citation du Coran sur ceux qui connaissent Dieu est caractéristique de « l’imposture des clergés qui se font passer pour les portiers du Créateur » (Parole de 1974, 27/5).

2 Les articles fondamentaux, 1 à 14

Le deuxième article parle d’un régime basé sur la foi en : 1- Dieu unique (Il n’y a de dieu que Dieu) et l’exclusivité de sa souveraineté et sa législation et la nécessité de se soumettre à son commandement. 2- La Révélation divine et son rôle fondamental dans l’expression des Lois. 3- La Résurrection et son rôle constructif dans l’évolution de l’homme vers Dieu. 4- La Justice de Dieu dans la Création (du monde) et dans sa législation. 5- l’Imâmat, sa direction permanente et son rôle essentiel dans la poursuite de la Révolution de l’Islam. 6- la Dignité et la valeur éminentes de l’être humain et sa liberté associée à sa responsabilité devant Dieu, qui assurent l’équité, la justice et l’indépendance politique, économique, sociale et culturelle ainsi que la solidarité nationale, au moyen: a) de l’effort constant des Jurisconsultes islamiques réunissant toutes les conditions requises, conformément au Livre et à la Tradition des Immaculés b) de l’utilisation des sciences et des techniques et des expériences développées de l’humanité, et de l’effort pour les faire progresser, c) du refus de toute forme d’oppression exercée ou subie et de toute domination exercée ou acceptée.

Cet article crée la confusion entre le Coran et la théorie chiite des immaculés et de l’imamat. Il scandalise en parlant de la valeur éminente de l’être humain tout en gardant la peine de mort !

Article 2 : toutes les lois et tous les règlements civils, pénaux, financiers, économiques, administratifs, culturels, militaires, politiques et autres doivent être basés sur les préceptes islamiques. Cet article prime sur le caractère général et absolu de tous les articles de la Constitution et des lois et des règlements. L’appréciation de cette matière incombe aux jurisconsultes islamiques du Conseil Gardien.

La liberté d’interprétation laissée par le Coran aux croyants est confisquée au profit des interprétations douteuses des docteurs du chiisme, refusées par la majorité des musulmans.

Article 5 : « Pendant l’absence de son Eminence Imam du Temps, « que Dieu hâte sa réapparition », la Tutelle du Commandements de Dieu et l’Imâmat de la Communauté est à la charge d’un jurisconsulte islamique (Faghih) juste, vertueux, au fait de l’époque, courageux, capable de diriger et avisé, qui en assume la charge conformément à l’article 107 ». 

L’article 107 parle des experts chargés de désigner et de révoquer le guide. La notion de calife pour guider les musulmans n’apparait pas dans le Coran et le califat a été aboli chez les sunnites. Le chiisme iranien se réfère à un douzième imam qui se serait volontairement « occulté » à cinq ans, allant dans des mondes spirituels avant de revenir sur terre pour établir son règne. On peut lui faire dire ce qu’on veut, c’est très pratique pour ses soi-disant représentants, les guides suprêmes cooptés.

Article 9 : « Aucune autorité n’a le droit, au nom de la préservation de l’indépendance et de l’intégrité territoriale du pays, de supprimer les libertés légitimes, même en adoptant des lois et des règlements ».

La liberté de vivre pour les opposants politiques est apparemment hors sujet

Article 11 : Selon le commandement du noble verset : (« Certes, cette communauté qui est la vôtre est une communauté unique, et je suis votre Seigneur. Adorez-moi donc », XXI, 92), tous les musulmans forment une seule communauté et le gouvernement de la République Islamique d’Iran a le devoir d’établir sa politique générale sur la base de l’alliance et de l’union des nations islamiques, et de mettre en œuvre des efforts systématiques afin de réaliser l’unité politique, économique et culturelle du monde de l’Islam.

Dans le Coran, la notion d’umma (voir post 34) n’a pas du tout ce sens de communauté de l’ensemble des croyants musulmans a fortiori en imposant la domination du chiisme duodécimain.

Article 12 : La religion officielle de l’Iran est l’Islam de confession Dja’farite (chiite) duodécimaine et ce principe est éternellement immuable et les autres confessions islamiques, soit Hanéfite, Chaféite, Malékite, Hanbalite et Zaydite bénéficient d’un respect intégral. Dans chaque région où les adeptes de l’une de ces confessions sont majoritaires, les règlements locaux seront, dans les limites de compétences des conseils, conformes à cette confession, tout en préservant les droits des adeptes des autres confessions. L’article 60 ajoute que lors de la première séance de l’Assemblée, les députés doivent prêter serment ainsi : « Je prête serment devant le Glorieux Coran au Dieu Tout Puissant, et …je m’engage à être le gardien du domaine sacré de l’Islam et le protecteur des acquis de la révolution islamique de la nation iranienne et des fondements de la République Islamique. » Les députés des minorités religieuses prêteront ce serment en invoquant leurs propres livres sacrés.

Précepte tolérant, mais que font les agnostiques et les croyants libérés des religions et reconnaissant plusieurs livres sacrés ?

Article 13 : Les Iraniens zoroastriens, juifs et chrétiens sont les seules minorités religieuses reconnues qui, dans les limites de la loi, sont libres d’accomplir leurs rites religieux, du statut personnel et de l’éducation religieuse conformes à leur liturgie.

Les minorités religieuses non reconnues comme les bahaïs pourront continuer à être opprimées.

Article 14 : Selon le commandement du noble verset : (« Dieu ne vous interdit pas d’être bons et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus à cause de la religion et ne vous ont pas expulsé de vos demeures. Car Dieu aime ceux qui sont équitables« , LX, 8), le Gouvernement de la République Islamique d’Iran et les musulmans ont le devoir de traiter les individus non musulmans, avec une bonne conduite, justice et équité, et de respecter à leur égard les droits de l’homme. Cet article est valable en faveur de ceux qui ne complotent et n’agissent pas contre l’Islam et la République Islamique d’Iran.

Des tribunaux aux ordres pourront juger comme comploteur tout opposant politique et le condamner à mort.

3 Les autres articles

Article 21 : L’Etat a le devoir de garantir les droits de la femme à tous égards, dans le respect des préceptes islamiques, et de mettre en œuvre les réalisations suivantes : 1- Création de terrains propices pour l’épanouissement de la personnalité de la femme et la restauration de ses droits matériels et spirituels. 2- Protection des mères, en particulier pendant la période de grossesse et l’éducation de l’enfant, ainsi que protection des enfants sans tuteur. 3- Création d’un tribunal compétent pour préserver l’existence et la permanence de la famille. 4- Création d’une assurance spéciale pour les veuves, les femmes âgées et sans tuteur. 5- Confier la garde des enfants aux mères méritantes dans leur intérêt mutuel en cas d’absence de tuteur légal.

Le préambule parlait de la femme dans la « conception de l’unité familiale », qui fait « son devoir précieux et estimable de mère dans l’éducation des êtres idéologiques d’avant-garde ». On retrouve la tradition arabe qui confine les femmes dans le rôle de reproductrices ayant besoin d’un tuteur mâle. Les femmes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas avoir d’enfant sont déconsidérées.

Article 23 : La surveillance des opinions est interdite et nul ne peut être attaqué ni recherché du simple fait de ses opinions. Article 27 : L’organisation de réunions et de défilés, sans port d’arme, est libre à condition de ne pas troubler les fondements de l’Islam.

Dispositions inapplicables faute de contrepouvoirs indépendants du guide, la police politique aux ordres de Khamenei ne se prive pas de briser les manifestations, de consulter et confisquer les portables des citoyens.

Article 26 :  Les partis, les sociétés, les associations politiques et syndicales, les associations islamiques ou ceux des minorités religieuses reconnues, sont libres à condition qu’ils ne portent pas atteinte aux principes d’indépendance, de liberté, d’unité nationale, aux préceptes islamiques et aux fondements de la République Islamique.

Le prétexte de l’unité nationale permet d’opprimer sans limites les minorités visibles.

Article 44 : Le système économique est fondé sur les secteurs étatique, coopératif et privé, avec une programmation ordonnée. Le secteur étatique comprend toutes les grandes industries, les industries de base, le commerce extérieur, les grandes mines, la banque, les assurances, l’approvisionnement en énergie, les barrages et les grands réseaux de distribution d’eau, la radio et la télévision, la poste, le téléphone, la navigation aérienne et maritime, les routes et les chemins de fer, et les autres activités semblables qui sont sous forme de propriété publique. Le secteur coopératif comprend les sociétés et établissements coopératifs de production et de distribution créés dans les villes et les villages selon les critères islamiques. Le secteur privé comprend les activités de l’agriculture, de l’élevage, de l’industrie, du commerce et des services qui sont complémentaires aux activités économiques étatiques et coopératives.

La concentration du pouvoir économique sur l’Etat et son guide permet à tous les profiteurs soumis au pouvoir de s’enrichir personnellement et de détourner les bénéfices pour leurs complices.

Article 57 : Les pouvoirs souverains dans la République Islamique d’Iran sont le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, exercés sous le contrôle de la Tutelle absolue du Guide de la Communauté. Ces pouvoirs sont indépendants les uns des autres. Article 107 : Après la haute Source d’Imitation, le Guide suprême de la révolution mondiale de l’Islam et le fondateur de la République Islamique d’Iran, son éminence le Grand Ayatollah Imam Khomeiny (Que sa tombe soit sanctifiée), la désignation du Guide est du ressort des Experts élus par le peuple. Les Experts du Guide examinent et délibèrent avec les Jurisconsultes islamiques remplissant les conditions des articles 5 et 109 ; lorsqu’ils jugent l’un d’entre eux plus averti sur les préceptes et les thèmes religieux ou sur les problèmes politiques et sociaux, ou ayant la faveur de tous ou possédant une distinction particulière pour une qualité mentionnée dans l’article 109 ils l’élisent en tant que Guide.

La séparation de pouvoirs subordonnés à un autocrate est vide de sens. Khomeini s’est imposé dans des circonstances historiques particulières et a désigné comme successeur Khamenei dont les compétences théologiques, politiques et sociales étaient loin de cette description.

Le pouvoir législatif est exercé par la voie de l’Assemblée consultative islamique qui se compose de représentants élus, et ses décisions sont communiquées pour action aux pouvoirs exécutif et judiciaire (art. 58). Ses 290 membres ont des sièges réservés, un pour chaque communauté minoritaire (zoroastriens, juifs, chrétiens chaldéens et assyriens) et deux pour les chrétiens arméniens (art. 74).

Le pouvoir exécutif est exercé par le Président de la République et les ministres, sauf dans les affaires placées directement sous la responsabilité du Guide (art. 60). Il doit être élu parmi les hommes (dignitaires) religieux et politiques remplissant les conditions suivantes : Iranien d’origine, de nationalité iranienne, capacité à diriger et avisé, pourvu de bons antécédents, digne de confiance, vertueux, pieux et attaché aux fondements de la République et à la religion officielle du pays (art 115).

Le pouvoir judiciaire est exercé par les tribunaux judiciaires qui doivent être constitués selon les préceptes islamiques et procéder au règlement des litiges, à la protection des droits publics, au développement et à l’application de la justice et au respect des ordres divins (art. 61). Le Président de la Cour suprême du pays et le Procureur Général doivent être des théologiens justes et avertis des affaires judiciaires (art. 172). Les qualifications et les conditions requises pour être juge seront définies par la loi, conformément aux préceptes de la jurisprudence islamique (art. 173).

Rappel de la tutelle cléricale qui prétend obéir aux ordres de Dieu.

4 Les principaux verrous du pouvoir

Le Conseil Gardien, art 91 à 99 : « Afin de sauvegarder les commandements de l’Islam et la Constitution, et à la conformité des décisions de l’Assemblée consultative islamique (le Parlement élu), est institué un Conseil Gardien, composé ainsi : 1. six jurisconsultes islamiques, justes et conscients des exigences de chaque époque et des problèmes contemporains. Leur désignation incombe au Guide. 2. six juristes, versés dans les différentes branches du droit, parmi les juristes musulmans qui sont présentés par le Chef du pouvoir judiciaire à l’Assemblée consultative islamique, et sont élus par le vote de l’Assemblée. L’interprétation de la Constitution incombe au Conseil Gardien et doit être approuvée par les trois quarts de ses membres. L’appréciation de la non-contradiction des textes votés par l’Assemblée consultative islamique avec les commandements de l’Islam relève de la majorité des jurisconsultes islamiques du Conseil Gardien, et l’appréciation de leur absence de conflit avec la Constitution relève de la majorité de tous les membres du Conseil Gardien. Le Conseil Gardien est chargé du contrôle des élections de l’Assemblée des experts du Guide, de la présidence de la République, de l’Assemblée consultative islamique et du recours au plébiscite ainsi qu’au référendum ».

Les pouvoirs de ce Conseil sont considérables, il est verrouillé par le guide et indépendant de la volonté populaire, car il valide les candidatures à toutes les élections. Les critères de l’article 115 servent de prétexte à éliminer tous les candidats significatifs qui pourraient être en désaccord avec le guide : en 2009, il ne valide que 4 candidats, sur 475, dont 42 femmes !

« L’Assemblée de Discernement de l’Intérêt du Régime se réunit sur instruction du Guide dans les cas où le Conseil Gardien juge des lois votées par l’Assemblée consultative islamique contraires aux préceptes de la religion ou à la Constitution, et que l’Assemblée (consultative), prenant en considération l’intérêt du régime, ne se satisfait pas de l’avis du Conseil Gardien ; pour consultation dans les affaires que le Guide lui confie ainsi que pour les diverses attributions mentionnées dans cette loi. Les membres permanents et non permanents de cette Assemblée sont désignés par le Guide » (art 112).

Un verrouillage juridique complémentaire au cas où quelque chose échapperait au pouvoir du guide

L’armée et le corps des Gardiens de la Révolution Islamique

« L’armée idéologique comprend l’armée de la République Islamique et le Corps des Gardiens de la Révolution qui seront chargés, non seulement de la protection des frontières, mais également du fardeau de la mission idéologique, c’est-à-dire le Djihad dans la voie de Dieu et la lutte dans la voie de l’expansion de la souveraineté de la loi de Dieu dans le monde » (préambule).

« L’armée de la République est une armée idéologique et populaire. Elle doit prendre à son service des individus dignes, croyant aux objectifs de la Révolution islamique et dévoués dans la voie de leur réalisation » (art. 143-144).

« Le corps des gardiens de la Révolution Islamique, constitué dans les premiers jours de la révolution, est maintenu dans son rôle de sauvegarde de la Révolution et de ses acquis. La limite des fonctions et l’étendue de la responsabilité de ce corps seront déterminés par la loi, en relation avec les fonctions et l’étendue de la responsabilité des autres forces armées, en insistant sur la coopération et l’harmonie fraternelles entre eux » (art 150).

Les pasdarans étaient une sorte de garde personnelle de Khomeini et de régiment armé pour imposer ses vues. La guerre avec l’Irak lui a permis d’accroître fortement ses effectifs et son rôle. Khamenei l’a encore renforcé avec les revenus du secteur étatique redistribués à sa guise et en laissant faire leurs contrebandes. Le guide et ses pasdarans contrôlent directement le tiers du PIB. Ils ont des armes terrestre, marine et aérienne indépendantes de l’armée, incluent les unités Al-Quds en charge des services secrets et actions terroristes à l’étranger, et les bassidjis, jeunes miliciens ne portant pas d’uniforme militaire qui tirent sur les manifestants. Ce corps a été classé comme organisation terroriste par l’Arabie saoudite et Bahreïn en 2018 et par les USA en 2019. Ses effectifs sont probablement plus nombreux que ceux de l’armée régulière.

La République Islamique d’Iran a pour idéal le bonheur de l’homme dans toute la communauté humaine, et reconnaît que l’indépendance, la liberté et le règne du droit et de la justice sont des droits pour tous les peuples du monde. C’est pourquoi, tout en s’abstenant absolument de toute ingérence dans les affaires intérieures d’autres nations, elle soutient le combat pour le droit des déshérités contre les oppresseurs partout dans le monde (art. 154).

Donc au djihad idéologique s’ajoute le combat au nom d’une justice sociale à géométrie variable

Article 177 : En cas de nécessité, la révision de la Constitution est effectuée de la manière suivante : Après consultation de l’Assemblée de Discernement de l’Intérêt du Régime, dans un ordre à l’adresse du Président de la République, le Guide propose les points à modifier ou à ajouter à la Constitution au Conseil de Révision de la Constitution. Les mesures adoptées par le Conseil, après confirmation et signature du Guide, doivent être adoptées par voie de recours au suffrage populaire par la majorité absolue des participants au référendum. Le contenu des articles concernant le caractère islamique du régime et l’établissement de toutes les lois et de tous les règlements sur la base des principes islamiques, les piliers de la foi et les objectifs de la République Islamique d’Iran, le fait, pour l’Etat d’être une République, la Tutelle du Commandement de Dieu et l’Imâmat de la Communauté, ainsi que la gestion des affaires du pays en s’appuyant sur le suffrage universel, la religion et la confession officielles de l’Iran, sont immuables.

L’immobilisme de cette Constitution est explicite sauf décision du guide, elle ne peut qu’être éradiquée sous la pression de la nation iranienne.

Le 24 avril 1989, Khomeini publie un décret convoquant une assemblée pour réviser la Constitution en modifiant les articles 5, 107, 109 et 111. Elle élimine l’obligation faite au guide de la révolution d’être un Marja-e taqlid (pour permettre à Khamenei de prendre la succession). Elle donne un rôle permanent au Conseil de discernement de l’intérêt supérieur du régime dont les 18 membres sont nommés par le Guide et supprime le poste de premier ministre.

5 L’indispensable réécriture d’une nouvelle Constitution

Les diverses Constitutions nationales ont été précédées par une longue histoire universelle de textes comme ceux établissant des normes dans les cités grecques, ceux proclamant des droits comme l’habeas corpus anglais de 1231 ou la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

La Constitution américaine est en vigueur depuis le 4 mars 1789 et a été modifiée par vingt-sept amendements. Elle est l’œuvre collective des « pères fondateurs » qui avaient digéré la longue histoire du pouvoir anglais en restant dans l’esprit anglo-saxon, celui d’un droit jurisprudentiel différent du droit écrit caractéristique des droits romains, français et allemands et en étant attentifs aux contrôles et équilibre des pouvoirs (check and balances). Elle a perduré parce que la nation américaine y est très attachée et qu’elle est souple avec une interprétation encadrée par la Cour Suprême. Mais est devenue fragile dans la société actuelle, à la merci de l’irruption d’un menteur complotiste comme Trump (post 47).

La Constitution française de 1958, sensiblement amendée, est toujours en vigueur, elle est comme l’iranienne le produit de la réflexion et de la détermination d’un homme, De Gaulle, résolu à sortir de l’enlisement des rivalités de partis. Mais De Gaulle était un visionnaire sage, pas un autocrate. Par contre les pouvoirs étendus qu’elle donne au président peuvent devenir dangereux s’ils tombent entre les mains d’une idéologue d’extrême droite ou d’un idéologue d’extrême gauche. Il faudra sans attendre renforcer les contrepouvoirs, ce blog a commencé à en parler (post 50) et poursuivra cette réflexion.

La Constitution de la fédération de Russie de 1993 commence par deux chapitres sur les fondements de L’ordre Constitutionnel et les Droits et Libertés de L’homme et du Citoyen (très élaboré avec 47 articles). Elle abolit la primauté de l’idéologie marxiste : le pluralisme idéologique y est reconnu, aucune idéologie ne peut s’instaurer en qualité d’idéologie d’Etat ou obligatoire, et le pluralisme politique et le multipartisme sont reconnus (article 13). C’est un Etat laïc où aucune religion ne peut s’instaurer comme religion d’Etat ou obligatoire (article 14). Elle établit un régime fédéral plutôt présidentiel, surtout si le Parlement, comme actuellement, est dominé par le parti présidentiel qui influence les élections et si la religion dominante, le clergé orthodoxe, le soutient.

Les constitutionnalistes iraniens de 1906 s’étaient inspirés des monarchies constitutionnelles de Belgique et de Bulgarie et avaient tenu compte de l’histoire de leur pays en laissant un pouvoir important au monarque. Aucune Constitution ne peut totalement protéger de l’irruption d’un autocrate populiste et habile manipulateur, la seule protection inébranlable est la résistance d’un peuple déterminé qui a tiré les leçons de son histoire. La Constitution iranienne de 1979 abolit la monarchie mais instaure un Guide, un monarque en habit religieux. Elle justifie l’emprise du Guide en amalgamant quelques versets du Coran avec les traditions du chiisme, instauré comme religion officielle en 1502 par calcul politique du monarque séfévide. Elle a abouti à ce sinistre totalitarisme clérical iranien.

La Parole de 1974, veillée 31 avertit sévèrement le roi blanc, tous les pouvoirs religieux : « Mon Peuple s’éloignera-t-il des princes du culte et des prêtres…qui menacent de malheur les faibles qui se rebellent, qui détournent vers eux Mon Héritage ? Devrais-je étendre Ma Main pour appeler les hommes rudes des steppes, pour abattre comme Ma Trombe au temps de Noé ceux qui ont égaré Mon Peuple, qui ont bâti sur ses gémissements leur opulence en invoquant Mon Nom, pour fermer les bouches qui crient des mensonges, des blasphèmes et des insanités ? ».

La steppe iranienne, celle des territoires et générations déshérités et abusés par les clergés peut compter sur l’aide du Créateur pour libérer leur nation. Mais cette libération ne peut être solide que si elle s’appuie aussi sur une Constitution entièrement revue par les iraniens pour éradiquer la Bête religieuse qui s’appuie sur la Constitution en vigueur.

Dans un pays encore divisé et qui a connu de terribles violences politiques, il est sage de prendre deux précautions :

  • Maintenir une référence intelligente au texte du Coran pour discréditer toute forme d’oppression cléricale en interne et à l’étranger tout en rassurant les croyants traditionnels
  • Déconcentrer le pouvoir en ouvrant la porte à plus d’autonomie pour les territoires où vivent ces minorités opprimées comme les kurdes, les azéris ou les baloutches

Ainsi, le préambule pourrait citer ce verset 2/256 du Coran : « Pas de contrainte en religion » en le complétant par le 10/99 : « Si ton Seigneur voulait, tous ceux qui sont sur terre croiraient. Est-ce à toi de forcer les gens à croire ? » Ce qui disqualifie d’autorité la religion officielle et le pouvoir des clergés qui oppriment les religions « hérétiques » comme les bahaïs ou condamnent pour blasphème selon leur propre interprétation du Coran. La liberté d’opinion et d’expression est fondamentale mais peut être limitée par l’interdiction de l’incitation à la haine qui protège du fanatisme religieux.

Il est urgent d’abolir la peine de mort en Iran et on pourrait citer le verset 17/ 33 : « Ne tuez pas l’homme que Dieu vous a interdit de tuer sinon pour une juste cause », en le rapprochant de 2/194 : « Soyez hostile envers celui qui vous agresse comme il l’aura été contre vous » pour préciser qu’il ne s’agit que de la légitime défense et non d’une peine de mort prononcée par des tribunaux. On peut aussi citer le verset 4/92 :  » Un croyant ne peut tuer un croyant sauf par erreur », en rappelant que Dieu Seul sait qui est croyant, donc que cette protection est universelle.

Pour les détails de l’organisation politique, ce sera à la nation iranienne d’y travailler. Pour aller dans le sens d’une démocratie délibérative que ce blog a évoqué pour relayer la pseudo-démocratie représentative, on peut citer la sourate  » la délibération », verset 42/38 sur :  » les croyants qui évitent le péché grave et l’infamie, qui pardonnent dans leur colère, qui répondent à leur Seigneur, qui font la prière, qui délibèrent entre eux de leurs affaires, qui donnent de Nos dons, qui s’entraident contre la violence « .

Pour contrer le pouvoir chiite dans la région et son idéologie d’une umma musulmane unifiée imposée par le clergé, on pourrait intégrer à la Constitution le verset 5/48 : « Et si Dieu l’avait voulu, certes Il aurait fait de vous une seule et même communauté ; mais Il a voulu vous éprouver par la diversité. Rivalisez donc d’efforts dans l’accomplissement de bonnes œuvres ».